… vers Frontenac et Ontario, il y avait …

Rue Ontario nb
Rue Ontario, vers Frontenac, 26 mai 2013 : on fabrique toujours des cigarettes à la MacDonald.

Aux confins du quartier se trouvaient quelques usines. À l’extrémité nord-est, c’est-à-dire vers Frontenac et Ontario, il y avait la MacDonald, célèbre compagnie de tabac de Virginie, grosse ruche consommatrice d’existences humaines où des centaines de filles qui mâchaient de la gomme et que l’on disait « communes » donnaient les plus belles années de leur jeunesse, sacrifiaient souvent leur grâce et leur beauté pour gagner des salaires calculés « à la cenne » et se permettre des sorties le samedi soir dans quelques clubs de nuit de la ville, ou dans les salles de cinéma ou dans les snack—bars, vêtues chic, d’atours disparates, mis à la mode par des manufacturiers juifs, rois de la confection bon marché et de courte durée.

Je n’y échappe pas, comme tu vois Johnny. Parler du Faubourg à m’lasse que nous avons connu c’est parler de la vie comme elle existe ailleurs dans le monde entier, à cette différence près que ce que nous avons connu du Faubourg reste intimement imprégné dans notre âme et dans notre chair. Nous étions des enfants et nous ne savions rien des choses de la vie, sinon que ce que nous apprenions sans nous en rendre compte, à notre manière. Ces images impérissables que nous conservons d’un passé bien lointain ont fait de nous ce que nous sommes.

Marcel Dubé le faubourg à m’lasse ( Hôtel-Dieu de Montréal, le 31 janvier 1975 )

8 réflexions sur “… vers Frontenac et Ontario, il y avait …

  1. Merci pour ce texte. Je vivais sur Wolfe entre Robin et De Montigny
    Etais-ce aussi Le Faubourg à m’lasse ? Mon père le disait souvent.
    Belle journée
    Jocelyne

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  2. C’est si bien dit… et moi qui ai grandi un peu plus à l’est et plus tard, dans Tétreauville… je pourrais employer presque exactement les mêmes mots… car je suis Montréalaise dans mon âme et ma chair, avec tout ce que ça veut dire de beau, et de moins beau aussi sans doute…
    Et je souligne cette dernière phrase de Dubé… si universelle :
    « Nous étions des enfants et nous ne savions rien des choses de la vie, sinon ce que nous apprenions sans nous en rendre compte, à notre manière. Ces images impérissables que nous conservons d’un passé bien lointain ont fait de nous ce que nous sommes. »
    Merci pour cette lecture. Qui berce mon coeur de Montréalaise.

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