Kerouac, 12 mars 1922

Monument Jack Kerouac, Lowell, Massachussetts

It was in Centralville I was born… On Lupine Road, March 1922, at five o’clock in the afternoon of a red-all-over suppertime, as drowsily beers were tapped in Moody and Lakeview salons and the river rushed with her cargoes of ice over reddened slick rocks… I remember that afternoon, I perceived it through beads hanging in a door and through lace curtains and glass of a universal sad lost redness of mortal damnation… the snow was melting.

Doctor Sax, 1952/1959, Mexico

Jean-Louis Kerouac est né à Lowell, Massachussetts, il y a cent ans aujourd’hui.

Aujourd’hui, on commémore l’événement dans sa ville natale. Il est devenu plus qu’une légende, un mythe, pas uniquement sur le plan littéraire. Encore aujourd’hui, c’est le personnage, plus que l’écrivain qu’on connait. Qui peut nommer plus qu’un livre qu’il a écrit, outre que On the Road.


Il y a deux ans, le 11 mars 2020, je présentais la dernière d’une série de trois conférences devant un auditoire de membres du programme d’Éducation 3è âge du Collège de Maisonneuve : neuf heures sur ses origines, son cheminement, son œuvre, son immense influence dans le monde entier.

Voici comment j’amorçais la première de cette série :

« La légende : le pape de la Beat Generation, un bourlingueur qui, animé par l’alcool et propulsé par des amphétamines, vagabondait avec ses amis à travers les États en courant la galipote, d’une ville à une autre.

Difficile de s’expliquer comment un dévoyé a pu composer une œuvre qui comprend presque trois dizaines de livres, des romans, des recueils de poésie, un essai sur le bouddhisme et un grand nombre d’articles publiés dans un grand nombre des revues américaines à grand tirage, le tout sur une période de guère plus d’un quart de siècle.

Encore plus difficile de s’expliquer comment cette œuvre a su retenir l’intérêt et l’attention de tant de lecteurs, dans des dizaines de langues et encore plus de pays à travers le monde entier. Il est impossible aujourd’hui, à moins d’y consacrer toute une vie, de tout lire, toutes les études, de visionner tous les documentaires, les reportages, d’écouter tous les témoignages, sur l’homme, sa vie et son œuvre.

Comment s’expliquer l’influence qu’il a exercé sur tant de créateurs ? Bob Dylan et Richard Séguin, Dany Laferrière et Patrice Desbiens, Herménégilde Chiasson et Walter Salles… Comment s’explique l’ascendant qu’il conserve, encore aujourd’hui, sur tant de gens, de toutes les générations?

On sait que Kerouac était d’origine canadienne-française. D’ailleurs, il le mentionne souvent dans plusieurs de ses écrits. Mais ce que peu reconnaissent, c’est comment et à quel point son identité canadienne-française a façonné son œuvre. »


Jean-Louis Kerouac s’est toujours identifié comme étant d’origine « canuck », c’est-à-dire canadienne-française. Il deviendra Jack Kerouac lorsqu’il commencera à s’intégrer dans la société américaine. Toute son œuvre sera une immense quête d’identité : un Canadien-français errant qui, se cherchant une identité, devient Franco-Américain, sans en être conscient. Et, quand on la lit attentivement, avec intelligence, on découvre que cette œuvre témoigne du passage de l’identité canadienne-française à celle franco-américaine au sein de son milieu d’origine.

Une grande majorité des œuvres de Kerouac peut être catégorisée comme étant de l’autofiction. Il s’inspirait de ses expériences vécues, dans son milieu familial, sa communauté d’origine, le cercle de ses amis, ses milieux de travail, pour créer des romans qui ont témoigné de l’état et de l’évolution de sa société et de son pays. Dès le début de son cheminement, il conçoit le projet d’écrire une série d’œuvres de nature autobiographique, qu’il intitule La légende de Duluoz.

Jean-Louis Kerouac, Jack Kerouac est un rhapsode contemporain — rhapsode, du terme grec rhapsein, tisser, tisser des odes, des poèmes chantés. Il cherchait sa voix, pour s’insérer dans les grands courants artistiques et littéraires de son pays, sans effacer son origine. Devenant un écrivain franco-américain, il trouve sa voix pour chanter ce qu’il vit et peindre ce qu’il observe dans son environnement.


This is a very important story because it deals with a man who was also named Jack Kerouac, and who was the father of my father…
Honest Jack was fearless. He dared God to strike him with a thunderbolt. Whenever there was a thunderstorm, he would stand on the large porch of his home and roar at the heavens, waving his bony fist at the lashing tempest...
He would use this enormous language against the storm.
The language called Canadian French is the strongest in the world when it come to words of power, such as blast and strike and others. It is too bad that one cannot study it in college, for it is one of the most languagey languages in the world. It is unwritten; it is the language of the tongue, and not of the pen. It grew from the lives of French people come to America. It is a huge language.

The Father of my Father (1941), Atop an Underwood

Jean-Louis Kerouac avait 19 ans lorsqu’il a écrit ce texte. Aurait-il pu écrire un texte semblable s’il avait évolué à Montréal par exemple, ou à Québec, à la même époque? Paradoxalement, c’est parce qu’il était canadien-français résidant en Nouvelle-Angleterre en 1941, que Kerouac a pu écrire le texte sur la langue de son grand-père et des ses ancêtres. Il faut reconnaître que s’il avait évolué dans les cercles académiques à Montréal, entre 1940 et 1960, il n’aurait jamais pu élaborer l’équivalent de ce qu’il allait accomplir au cours des années 50, ce qu’il a créé comme œuvre dans le cénacle de sa boy-gang des Beat.

Ce n’est que lorsque des Péloquin, Vanier, suivis de Charlebois ( l’Osstidcho ), mais surtout Michel Tremblay qui ont porté le parler canadien-français devenu québécois à un niveau littéraire.

Kerouac était conscient de ses limites quant à sa capacité d’écrire en français. Pierre Anctil, dans Jack Kerouac : un homme grand, explique que Kerouac n’était pas enraciné dans une véritable pratique littéraire française. Anctil ajoute que si Jacques Renaud ( Le Cassé, Parti Pris, 1964 ) et Victor-Lévy Beaulieu ( Jack Kerouac : un essai-poulet, Éditions du Jour, 1972 ) ont écrit des livres en joual, « … ce fut par ailleurs en plein possession de l’expression française classique dans le respect de ses formes grammaticales fondamentales. »

Kerouac ne parlait pas l’anglais lorsqu’il entre à l’école primaire ; il ne maîtrise pas l’anglais alors qu’il est admis à l’école intermédiaire à 11 ans. Pour la première fois, il ressent les effets des différences de classe sociale et ethnique. Il ne maîtrisait toujours pas très bien l’anglais parlé à la fin du secondaire. Néanmoins, il brille tant sur le plan académique que sur le plan sportif à l’école secondaire.

Il se vante d’avoir sécher régulièrement ses classes au niveau secondaire. Ses enseignants le savaient ; ils savait aussi qu’il passait tout son temps à la bibliothèque municipale, toujours dans le même coin, à lire les classiques, à feuilleter des livres de références, les encyclopédies.

Dans sa biographie littéraire de Kerouac, The Voice Is All : The Lonely Victory of Jack Kerouac ( Penguin Group, 2012 ), Joyce Johnson signale que si le trajet en train entre Lowell et New York durait une demie journée, le trajet psychique était autrement immense.

Avant d’être admis à Columbia, Kerouac doit passer une année complète dans une école préparatoire, la Horace Mann School. Kerouac arrive d’une ville essentiellement ouvrière. Il se retrouve dans une école où la majorité des étudiants proviennent de parents très riches. Plusieurs étudiants arrivent à l’école en automobile conduite par le chauffeur de la famille. Le choc culturel entre la petite ville industrielle et la grande métropole de New York est énorme.

Le coin de Kerouac à la bibliothèque municipale de Lowell

… during all this time I used to cut classes at least once a week, just so I could go to the Lowell Public Library and study by myself at leisure, to investigate other fragrant old books such as Goethe, Hugo…
… loving books and the smell of the old library and always reading in the rotunda part of the back where there was a bust of Caesar in the bright morning sun…

Vanity of Duluoz, Book Two, 1

Kerouac a été, toute sa vie, un lecteur boulimique. Il cherche, étudie et trouve des modèles qui s’écartent des modes classiques d’expression. Il expérimente pour arriver à exprimer une voix américaine, distincte de l’européenne. Chez Whitman et Thoreau, cette aspiration le mène vers une éthique de l’authenticité, de l’individualité, et d’une relation avec le milieu naturel ; chez Melville : la quête intense de l’absolu dans toutes ses manifestations ; chez Thomas Wolfe : l’autofiction, sa vision de la poésie de l’Amérique ; chez Proust : la chronique d’une vie, comme témoignage d’une époque ; chez Céline : une langue qui reproduit le discours, la parole orale, et le sentiment de la futilité de la vie qui se termine inéluctablement dans la mort.

Sur la base de cet héritage littéraire, et s’appuyant sur sa propre parlure canadienne, il parvient à articuler sa propre voix, son style. Joyce Johnson est peut être la personne qui a le mieux reconnu qui était l’écrivain Kerouac et surtout l’importance de sa culture canadienne dans la genèse de son style.

Elle a été témoin au jour le jour de cette démarche. Dans sa biographie littéraire de Kerouac, elle a décrit, étape par étape le cheminement de la découverte de sa voix, comment ce fut un développement ardu, intense.

Au moment de la parution de On the Road et de la critique élogieuse originale du NY Times, Kerouac est devenu, bien malgré lui, une vedette. Le livre est si populaire que, quelques semaines après le lancement, on imprime une deuxième, puis une troisième édition de son livre, pour répondre à la demande.

Ses collègues de la Beat Generation étaient, en septembre 1957, partis à Tanger, puis à Paris. Il était le seul de sa bande à être disponible pour des entrevues.

Johnson l’a accompagné au cours de la période de la sortie du roman au cours de l’automne 1957. Elle décrit dans sa biographie littéraire comment ce fut le début de la fin pour lui. Il n’était pas prêt à faire face à cette situation. Il a été incapable de s’ajuster à la notoriété. Johnson a vu, jour après jour, comment cette expérience l’a assommé, détruit.


Une partie de la collection des livres des écrivains de la Beat Generation à la Bibliothèque municipale de Lowell, Massachussetts

L’œuvre entière de Kerouac a exercé une influence énorme à travers le monde entier. Plusieurs de ses livres ont été publiés dans un grand nombre de pays, et dans plusieurs langues.

Pendant longtemps, son œuvre n’a pas été appréciée à sa juste valeur, dans les milieux littéraires de la critique et de l’édition, et encore moins dans les réseaux intellectuels et académiques. Ce n’est que tout récemment qu’on reconnait ce qu’il a accompli, son innovation sur le plan littéraire, ainsi que la profondeur de son œuvre. Toutefois, plusieurs persistent à déprécier, à remettre en question sa valeur – d’aucuns valorisent l’innovation sur le plan du style tout en dépréciant le message, ou inversement.

À l’époque actuelle, où on examine, on reconsidère ce qu’on appelle le corpus historique des œuvres qui définissent une culture, soit d’un pays ou d’une civilisation, on a commencé à y intégrer l’œuvre de Kerouac. Pas uniquement parce que tant de monde l’ont lu, en ont été marqués, mais parce qu’il fait désormais partie de cet ensemble d’œuvres qu’ont considèrent comme étant des piliers de la culture. Des œuvres ont été créées qui se réfèrent à celle de Kerouac, qui n’aurait pas créées autrement. Il fait partie désormais, dans le corpus américain à tout le moins, de cet aréopage, ce cénacle sélect de ces écrivains qu’on étudie dans les universités, en compagnie des Emerson, Twain, Melville, Thoreau, Whitman, Faulkner, Fitzgerald.


Et pour nous Québécois et nous autres descendants des premiers Canayens dispersés sur tout le territoire de l’Amérique du Nord… que représente-t-il ? Comme tant d’intellectuels, je rumine les réponses à cette question depuis quelques décennies.

Déjà, il y a plus d’un demi-siècle, Michel Euvrard posait ce questionnement dans la revue Parti Pris : beat, battus, béat, Parti pris, page 65, avril 1966.

Kerouac repose la vieille question, celle qu’inlassablement la littérature américaine n’a cessé de poser depuis ses balbutiements, et que nulle réponse ne peut empêcher une réplique, ques­tion qui par le fait même qu’il est besoin de la poser, reste nécessairement sans ré­ponse ; une question à laquelle il ne serait possible de répondre que lorsqu’elle aura cessé de se poser, et la réponse alors n’aura plus beau­coup d’importance, « Qu’est-ce que ça veut dire, être Américain ; qu’est- ce que c’est, l’Amérique? »

Il faut reconnaître qu’il y a toujours eu méfiance entre d’une part, ceux qui « trippaient » dans le courant apolitique de la contreculture, ceux qui aspiraient à une transformation graduelle de la société, par une prise de conscience de soi, par opposition d’autre part, à ceux qui étaient plus systématiques, ou méthodiques, qui souhaitaient un renversement de la société ; ces deux courants n’avaient de commun que leur désir de contester, de changer de société. Ce qui est intéressant, c’est que dans ce numéro de parti pris, il y avait la critique de Euvrard, et d’autres textes, une entrevue avec Claude Gauvreau, un poème de Denis Vanier, et une entrevue de Paul Chambeland avec Claude Péloquin. Le tout en référence à des textes des Beat, Kerouac, Corso, entre autres.

Dans Une certaine Amérique à lire : la Beat Generation et la littérature québécoise ( Édition Nota Bene, 2014 ), Jean-Sébastien Ménard identifie trois tendances au Québec, quant à l’héritage de Kerouac chez nous :

  • être beat au Québec : Claude Péloquin, Raoul Duguay, Lucien Francoeur qui, avec Denis Vanier, Patrick Straram et autres, revendiquent une filiation avec le continent tout entier ;
  • ceux qui se servent de Kerouac comme d’un miroir pour mieux parler d’eux-mêmes : Victor-Lévy Beaulieu, Jack Kerouac : essai poulet, Gilles Archambault, Le Voyageur distrait, et Jean–Noël Pontbriand, Jack Kerouac Blues ;
  • ceux pour qui Kerouac sert de relais à l’américanité québécoise : Jacques Poulin, Volkswagen Blues, Réjean Ducharme, Dévadé, Dany Laferrière, Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer, Louis Hamelin, Le joueur de flûte, et Michel Vézina, Entre asphalte et vodka.

Selon Ménard, le thème de l’américanité devient incontournable pour analyser la quête d’identité des Québécois au cours des années 80. Le rapport à l’Amérique et particulièrement aux États-Unis, devient le centre du questionnement identitaire. Il souligne que, comme le remarque Yvan Lamonde, l’élite intellectuelle est tournée intellectuellement vers la France et est éloignée d’une culture populaire et de masse québécoise foncièrement américaine. Pour ces écrivains, être d’Amérique ne signifie pas d’oublier d’où l’on vient, au contraire, mais bien d’être tout ce que l’on est, sans pourtant effacer l’européanité de l’origine.

Ménard souligne que, contrairement à Kerouac et les Beats qui recherchent un autre mode de vie, Jacques Poulin est, dans son roman Volkswagen Blues, à la recherche de traces d’une présence française en Amérique. Il traverse l’Amérique, de Gaspé ( Jacques Cartier ) jusqu’à San Francisco ( Jack Kerouac ), sautillant d’un lieu à un autre, en se servant de documents écrits pour se guider.

Pour Laferrière, que Ménard a rencontré pour les fins de sa recherche, lorsqu’on prend la route, on n’en revient pas. Ménard estime que Laferrière et Kerouac ont beaucoup de points en commun. Le projet d’autobiographie, sous forme d’autofiction ; l’écriture qui alterne entre le passé et le présent ; l’importance du rythme de la langue, de la musique des mots et des phrases ; Kerouac aime jouer avec le langage comme un jazzman joue de son instrument. Laferrière avoue qu’il pense en créole tout en écrivant en français. L’un est fils d’immigrant, l’autre est immigrant. Il est d’avis que Kerouac aurait dû être traduit par un québécois plutôt que par des français.

Le personnage de Kerouac et des auteurs de la Beat Generation apparaissent dans plusieurs romans de Louis Hamelin. Dans Le joueur de flûte, Hamelin met en scène un personnage, Ti-Luc, dans une démarche de quête d’identité – la recherche de son père. De fil en aiguille, les aventures de Ti-Luc l’aide à trouver son identité. Ménard souligne que la Beat Generation a souvent été associée à une quête d’identité. La lecture de Howl, d’Allen Ginsberg, a permis à plusieurs personnes d’assumer leur identité sexuelle par exemple. Il donne aussi l’exemple de Johnny Depp, pour qui la lecture de On the Road a marqué sa vie et l’a aidé à se lancer comme artiste. En ce sens, la Beat Generation a joué le rôle de joueur de flûte pour toute une génération.

Le roman de Michel Vézina, Entre asphalte et vodka est le récit de la rencontre entre deux hommes. Jean, qui se lie d’amitié avec Charles, qui pourrait être son grand-père, et de leur odyssée qui les mène à leurs sources communes, en Gaspésie. Dans ce roman, il y a la présence de la figure d’un père, Victor-Lévy Beaulieu, et celle du grand-père, Kerouac, incarné dans le personnage de Charles, devenu Carl à la suite d’un exil aux États-Unis. Chemin faisant, les deux personnages se retrouvent dans leurs origines.

Ménard mentionne le franco-ontarien, Daniel Poliquin, Visions de Jude, pour étaler l’étendue des œuvres qui témoignent de cette filiation avec le courant beat, sans pour autant copier ce qui se fait aux États-Unis. Pour ma part, j’aimerais signaler l’œuvre d’un poète franco-ontarien, Patrice Desbiens, que j’ai connu il y a quelques décennies, lorsque je travaillais comme journaliste en Ontario-français. Son recueil de poésie, L’homme invisible, est innovateur… ce recueil témoigne très bien de la situation des descendants des canadiens-français qui sont nés à l’extérieur du Québec, pas uniquement en Ontario ou au Manitoba, mais aussi ceux qui écrivent en anglais, en Nouvelle-Angleterre.

L’essai de Victor-Lévy Beaulieu est écrit sous la forme d’un journal intime de sa lecture de Kerouac : pourquoi passer des heures dans un roman si jamais les mots ne vous renvoient pas à vous même? Selon VLB, qu’on le veuille ou non, Kerouac, ce « meilleur romancier de l’impuissance » comme il le qualifie, nous offre un miroir de nous-même. C’est ce qui hantait Beaulieu, lorsqu’il cherchait la conclusion à son essai : « Car le vieux mythe de l’Amérique est un serpent lové en soi, inexpugnable – cette force têtue que n’a su vaincre Jack et qui s’est vengée de façon superbe, dans le bon vin et la mauvaise bière de la Nouvelle-Angleterre. »


Après ça…

Quelques semaines avant de me lancer à nouveau dans une autre exploration de l’Amérique au printemps et à l’été 2016, les Éditions Boréal publiaient un recueil de textes inédits rédigés en français par Jack Kerouac — La vie est d’hommage.

Ces textes, qui dormaient dans les archives de Kerouac à la New York Public Library, ont été établis et présentés par le chercheur Jean-Christophe Cloutier. Ce dernier a épluché et étudié attentivement ces textes surprenants. Dans la préface au recueil, Avant Propos : Les travaux de Jean-Louis Kerouac, le chercheur nous révèle ce qu’il qualifie, avec raison, de véritable trésor.

J’ai trimbalé ce livre tout au long de ma longue virée jusqu’au Sud-Ouest, en filant sur les autoroutes et les routes de campagne de la Vallée de l’Ohio, en suivant le parcours de la légendaire Piste de Santa Fe et, enfin, en retournant vers l’est jusqu’à domicile ( https://fernancarriere.com/category/une-boucle-americaine-2016/ ).

De retour chez-moi, en poursuivant la lecture de ces textes qui m’ont fasciné et m’ont dérangé à la fois, j’ai prolongé le voyage, dans tous les sens du terme, tout en relisant et en complétant mon journal de voyage.

Ce qui m’a fasciné le plus de la lecture de ce recueil de textes rédigés en français par Kerouac, c’est la dimension identitaire de ce Franco-Américain de deuxième génération. Cette question m’a hanté tout au long du voyage que je continue en esprit, chez-moi.

En étudiant attentivement les manuscrits de Kerouac, tant les manuscrits rédigés en anglais qu’en français, Cloutier découvre que l’œuvre maîtresse de Kerouac, On the Road, dérive de premières ébauches qui ont été rédigées d’abord en français ; qu’il serait plus juste de parler de cheminement pour traduire le sens véritable de l’expression On the Road : que la véritable version française du titre devrait être Sur le chemin, plutôt que Sur la route.

Laissons Cloutier décrire ce qu’il a découvert en lisant ces manuscrits en français :

« Les textes réunis ici permettront au public de retracer l’évolution de la relation que Kerouac a entretenue avec ses origines canadiennes-françaises — son sentiment d’assimilation, de colonisé invisible en terre étrangère, son dédoublement intérieur, cette dialectique infernale entre la honte et la fierté qui le hante sans cesse de son enfance jusqu’à sa mort en 1969 — tout en mettant en évidence l’influence déterminante que le français a eue sur son développement littéraire, et conséquemment sur la littérature mondiale d’après-guerre. ( page 48 ) »

Sur le chemin de la vie, de la naissance à la mort…

Kerouac savait qu’il était un grand écrivain. Il a réussi à se positionner dans l’élysée des grands écrivains du monde. Chacun y trouve un miroir de soi… ou non.

***

4 réflexions sur “Kerouac, 12 mars 1922

  1. merci pour cette intéressante analyse, Fernan, qui donne à réfléchir… miroir, miroir…
    (dans ton excellent texte, il y a une phrase dont la construction m’intrigue, aussi, je la recopie: « ces deux courants n’avaient de commun que leur désir de contester, de changer de société. Les deux Ce qui est intéressant, c’est que dans ce numéro de parti pris »… )

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