Lundi, 21 décembre, 2015 – Journée du solstice d’hiver
Début de l’hiver astronomique au Québec, tard en soirée, quelques minutes avant minuit… la journée la plus courte de l’année, le solstice d’hiver.
Contrairement à l’habitude, je n’y porte pas attention. Je ne me suis même pas renseigné sur la date et l’heure exacte de cet événement au cours des jours qui ont précédé.
Il n’y a aucune trace de l’hiver dans les parages. Depuis presque le début du mois, la température se maintient au-dessus du point de congélation. On bat des records de chaleur régulièrement.
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Jeudi, 24 décembre 2015 – La veille de Noël
Je marche d’un pas vif sur les trottoirs de la ville, au rythme monotone du passage des voitures. Les pneus ffrrroulent sur la chaussée mouillée, s’harmonisant au ruissellement des rigoles qui coulent vers les caniveaux.
Une pluie drue arrose la ville en ce matin de la veille de Noël. L’air, très humide, est extrêmement doux par rapport à la moyenne de ce temps-ci de l’année : 20 C au-dessus de la moyenne, un record… un record exceptionnel, pas loin d’une dizaine de degrés de plus que l’ancien record.
Culturellement, Noël et l’hiver sont associés à la neige au Québec. Ce n’est pas Noël ici, ni l’hiver, tant que la neige ne s’est pas déposée sur les toits, les trottoirs, les branches des arbres, les parcs… que la neige n’a pas couvert le pays en entier. Mon pays, c’est l’hiver, comme le clame si bien notre poète national, Vigneault, et tel que l’a si bien chanté Monique Leyrac :
La publicité sur les sites Internet… les vitrines et les étals des magasins… les chansons qui hantent les corridors des centres d’achat… les émissions spéciales à la télévision… On n’y échappe pas ; tout focalise notre attention sur la saison des fêtes. Mais je demeure distrait : quelque chose nous manque… la neige…
On se résigne enfin à ne plus l’attendre, à s’en passer. Le réveillon commence dans quelques heures.
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Vendredi, 25 décembre 2015 – Noël
On parlera probablement longtemps de l’année du Noël sans neige à Montréal, comme on parle des événements climatiques exceptionnels qui ont marqué nos vies.
Ceux qui se se promènent aujourd’hui dans les parcs raconteront qu’ils s’étaient baladés lentement, savourant l’air, qui n’est pas aussi doux que la veille certes, mais qui demeure néanmoins confortablement au-dessus du point de congélation ; ils se souviendront que les joggeurs et les cyclistes avaient profité de l’extension exceptionnelle d’un automne qui n’en finissait plus pour faire un circuit supplémentaire autour du parc, que les écureuils, plus nombreux que d’habitude, s’énervaient et sautaient tout autour, ne s’écartant des sentiers que lorsque des promeneurs ou des chiens les dérangeaient en passant.
Si les augures ont raison, si le climat se réchauffe au cours des années à venir, on s’en souviendra comme de la toute la première circonstance de ce qui deviendra éventuellement peut-être la norme.
Je ressasse, tout en me promenant, mes souvenirs des Noël passés.
Depuis deux ou trois décennies, les premières neiges qui restent au sol arrivent de plus en plus tardivement… d’abord à la fin de novembre, puis en décembre. Immanquablement toutefois, quelques jours avant le solstice, la neige s’amène ; qu’importe que la couverture soit mince, presque symbolique, voire qu’elle fonde quelques jours plus tard, l’important, c’est qu’elle décore le paysage de façon appropriée pour la fête de Noël.
Mes pas se maintiennent en mode de pilotage automatique sur les sentiers du parc alors que mes neurones cheminent dans les labyrinthes de la mémoire… : c’est la première fois depuis plus de quarante ans que je passe une journée de Noël sans aucune trace de neige.
Je me souviens de cette journée unique, où jeune adulte, je m’étais échoué sur l’ile de Patmos, en Grèce pour y passer la fête de Noël : je revois mentalement le paysage devant moi.. Tout était tranquille. Seuls les coqs persistaient à vouloir animer la vie des villages.
Au cours de mon exploration des environs ce matin-là, j’avais fait une pause pour m’asseoir sur un petit quai de béton. Me prélassant sous un soleil qui tardait à percer la brume, au fond d’une grande crique s’échappant entre deux collines dénudées, jusque sur la mer Égée, je m’étais déchaussé pour baigner mes pieds parmi les écrevisses, au son des clapotis de l’eau calme.
Puis, après le déjeuner, j’avais fait une longue marche solitaire sur les hauteurs au sud de l’ile : un paysage sec, rocailleux, quasi désertique, et la mer qui s’étend, bleue, à chaque tournant des sentiers, tout autour.
Le temps devenait de plus en plus frais, à mesure que le soleil s’abaissait à l’horizon. Je suis retourné à l’hôtel.
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Dimanche, le 27 décembre 2015 – Première neige
Enfin ! une première neige saupoudre le paysage de Montréal ce matin : un mince tapis couvre la ville — quelques centimètres tout au plus, pas assez pour le ski, mais trop pour le vélo.
Je retourne encore une fois, d’abord au Parc Maisonneuve ( ci-haut ), et ensuite, maintenant que la neige est arrivée, au Jardin botanique ( ci-bas ).


De retour chez-moi, en attendant la tempête qu’on nous annonce pour le lendemain, je fouille dans mes archives photographiques.
Il y a trois ans, à la même date, les Montréalais s’étaient encabanés chez-eux pour laisser passer une tempête. J’avais allumé un feu dans le foyer, pour mieux climatiser le spectacle derrière chez-moi : des bourrasques de vent fouettaient les branches des arbres, soufflaient la neige parfois presque à l’horizontale, l’étalaient sur les rues, et sculptaient des arabesques autour des obstacles. La visibilité était très limitée. Vingt-quatre heures plus tard, une couverture épaisse de 45 centimètres de neige s’était déposée sur la ville.
Je me suis aussi souvenu d’une autre tempête, toujours entre Noël et le Jour de l’an. Je n’habitais pas Montréal à l’époque.Tout avait débuté le lendemain de Noël, en 1969.
Mais un ami m’avait prêté son appartement, face au Parc Lafontaine. Une amie était passée m’y rendre visite au tout début de la tempête. Isolés du reste du monde, nous avions perdu le temps, à contempler la neige virevolter, à parler, à écouter de la musique, à lire, à boire et manger, et à se gaver et s’ennivrer l’un de l’autre, pendant trois jours. Lorsque nous sommes sortis, à la fin de la tempête, le paysage était féérique ; il y a avait une soixantaine de centimètres de plus sur le sol.
Mon pays ce n’est pas un pays, c’est l’envers
D’un pays qui n’était ni pays ni patrie
Ma chanson ce n’est pas une chanson, c’est ma vie
C’est pour toi que je veux posséder mes hivers
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Mercredi, le 31 décembre, 2015
L’hiver est arrivé pour de bon. On nous annonce un temps polaire pour les jours qui viennent.
Les amateurs de ski sont heureux. Les enfants sortent leurs toboggans et leurs tapis de glisse et envahissent la moindre pente ; ils entreprennent de construire des châteaux et des forts de neige.
Il n’y a plus de joggeur, ni de cyclistes dans les parcs de la ville.


C’est vraiment magnifique…
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merci
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Alors bonne neige, fernan! Et merci pour ce récit et ces magnifiques photos de début d’hiver québécois 🙂
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et aujourd’hui, 4 janvier, le froid est arrivé — – 16 C, sans tenir compte du facteur de refroidissement. C’est vraiment l’hiver. Et, depuis quelques jours, je soigne une bonne grippe, au chaud, dans mon terrier.
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How beautiful winter looks in your part of the country. Lovely photos. Here in the UK we continue the pattern of: day off, storm, storm, rain , rain and more flooding. hmmmm..not nice when it hits you, I am fine on top of a hill! xx
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wish, for you, that the flooding recedes, and the sun dries it all
but then, it is winter
today, january 4th, the sun is shining brightly on the snow, but it is cold, very cold ; it feels like – 25 C, if one factors in the humidity and the wind
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Très bonne année 2016 !
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une bonne année à vous aussi ; je vous souhaite du bonheur, de la santé, et l’inspiration continue,
au-dessus de tous les tourments qui ballottent notre planète
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Belles photos de coins qui me sont familiers, belle idée que ce format du journal…
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Quel bel article, Fernan. Je l’ai traversée avec vous cette attente, ce désir d’hiver et de blanc. Et je me sens si choyée par cette neige.
Et que de belles photos aussi. On y est, dans toute la lumière de nos beaux hivers.
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nous sommes nombreux à l’avoir attendue cette blancheur de l’hiver… et aujourd’hui, un soleil splendide qui accompagne le froid
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Très bonne année 2016 Fernan avec le plein d’article de qualité comme vous savez le faire.
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Féerie de l’hiver nacré de blanc…
L’année neuve s’est donc annoncée iridescente. Qu’elle soit bonne pour vous Fernan !
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qu’elle soit bonne pour vous et, bien que je n’y crois guère, je nous souhaite qu’on puisse passer à travers cette nouvelle année sans sombrer dans une grande catastrophe
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C’est merveilleux toute cette neige,
tes photos sont très belles.
Chez moi toujours trop doux ! ! !
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je connais votre hiver ; j’ai passé quatre mois dans le nord de la France, en Picardie, sur le bord de la Manche, non loin de Boulogne, il y plus de quarante ans… presque pas de neige, un temps humide, froid, mais un paysage attachant, très inspirant, portant à la méditation, au recueillement…
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Excellent reportage climatique. Grâce à vous, on croit encore à la neige.
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