La traversée du Long Island Sound

Les phares du détroit de Long Island entre Orient Point,
à l’extrémité du bras nord-est de Long Island,
jusqu’à New London, Connecticut,
le 4 septembre 2018.

Il fait beau et chaud aujourd’hui.
Embarquez sur le traversier avec nous.
La brise est rafraîchissante …

En attendant d’embarquer sur le traversier à Orient Point sur Long Island, alors que le précédent traversier vient de quitter le quai en direction de New London CT.

Il faut d’abord passer entre le phare de Orient Point, à babord, et Plum Island, à tribord ; un regard attentif nous permet de discerner un autre phare sur Plum Island, abandonné celui-là, …

Le phare de Orient Point
Le phare de Orient Point, entre Long Island et Plum Island

… puis, le phare de Race Rock, sur un rocher qui pointe à l’horizon, au ras de la surface de l’eau, au milieu du détroit de Long Island, tout près de Fishers Island…

Le phare de Race Rock, au milieu du détroit de Long Island
Le phare de Race Rock

environ trois quarts d’heure plus tard, le phare de New London Ledge, lui aussi perché sur un rocher, guide les navigateurs vers New London, à l’entrée de la rivière Connecticut…

Le phare de New London Ledge
Le phare de New London Ledge

enfin, la traversée se termine lorsqu’on passe devant le phare du havre de New London…

Le phare de New London Harbour
Le phare de New London Harbour





Esquisse


Le 2 septembre 2018

Il fait chaud en ce jour de la Fête du travail. Je retourne à la plage du Wildwood State Park, devant le Long Island Sound.

À midi, la plage s’anime.

Je m’installe à une table de picnic sous un parasol sur la terrasse et j’y dépose mon carnet de dessin… un verre de limonade à portée de la main…


Un barbare en Asie

Henri Michaux, Un barbare en Asie

Le récit que Henri Michaux a rédigé de son voyage Asie en 1931 est unique en son genre. Contrairement aux autres Occidentaux qui voyagent en Orient, il se considère lui-même comme l’étranger « barbare ». Il décrit très peu de paysages, se concentrant plutôt à décrire, de façon sympathique, mais sans complaisance, avec beaucoup d’humour aussi, ce qu’il perçoit des façons de vivre et de penser des peuples qu’il observe. Il compare les civilisations, celle qu’il connaît, l’Européenne, à celles qu’il découvre, les cultures asiatiques.

L’édition que je suis en train de lire est celle de 1948. Il faut lire cet ouvrage en tenant compte de l’époque où Michaux l’a rédigé. Les empires coloniaux occidentaux étaient au faîte de leur domination sur le monde. Il y avait beaucoup d’intérêt en Occident pour les civilisations orientales ; par exemple, à l’époque même où Michaux se promène en Asie, André Malraux remettaient en question le colonialisme des nations européennes.

Je laisse le livre parler par lui-même …

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Un florilège de citations

INDE

Au sens profond du mot, l’Hindou est pratique. Dans l’ordre spirituel il veut du rendement. Il ne fait pas de cas de la beauté. La beauté est un intermédiaire. Il ne fait pas de cas de la vérité comme telle mais de l’Efficacité. C’est pourquoi leurs novateurs ont du succès en Amérique, et font des adeptes à Boston et à Chicago, où ils voisinent… avec Pelman. (page 22)

Qu’est-ce qu’une pensée ? Un phénomène qui trahit comment un esprit est fait — son cadre — et ce que ce cadre désirait.
Nous, nous sentons, comprenons, divisons par 2, 3, et 4. L’Hindou en 64, 32, rarement 9, presque toujours en des nombres supérieurs à 20. Il est extrêmement abondant. Jamais il ne voit un situation en 3 ou 4 subdivisions. … L’ensemble, l’enchaînement seuls comptent pour lui. Et le sujet importe peu. Qu’il s’agisse de livres de religion ou de traités de l’amour, toujours de 20-30 propositions avec réenchaînements partiels. On croit entendre des gammes, d’immenses gammes. (pages 31-33)

Tous les gens « bien » aux Indes avaient et ont depuis toujours renoncé aux Indes et à la terre entière.
Le grand miracle des Anglais, c’est que maintenant ces Hindous y tiennent. (page 42)

Si les chrétiens avaient voulu convertir les Hindous, au lieu de dix mille missionnaires « moyens », ils auraient envoyé un saint.
Un seul saint convertirait des millions d’Hindous.
Il n’y a pas de race plus sensible à la sainteté. (page 43)

Aux Indes, comme ailleurs, l’idée se forme de plus en plus que c’est la génération suivante qui compte. Autrefois, on se sacrifiait pour la précédente, pour le passé, maintenant pour l’avenir. (pages 81-82)

d’autres citations ici

American Notes

Pendant que Stendhal se promenait d’un bout à l’autre de la France et de l’Italie en touriste et que Flaubert allait se trimballer au Moyen Orient au cours de la première moitié du 19è siècle, l’Anglais Charles Dickens traversait l’océan pour aller explorer les États-Unis.

Il publia son récit de voyage, American Notes, quelques mois après son retour en Grande Bretagne. J’ai lu la traduction française de ce livre il y a trois ans. Je voulais le relire, dans le texte original.

L’unique exemplaire disponible à la Grande Bibliothèque est conservé dans la Collection nationale. Les bibliothécaires ont estimé que le livre est trop fragile pour le laisser circuler hors des murs de la Bibliothèque. La couverture est usée ; le papier, un peu jauni, est épais, sec, rigide, friable ; le livre doit être manipulé avec soin. Il n’est donc pas surprenant qu’il faille le lire sur place à la bibliothèque.

Ce n’est pas tous les jours qu’on peut feuilleter un exemplaire d’un livre publié originalement il y a 175 ans. La lecture de ce livre est fascinante en ce qu’elle nous permet de constater l’évolution de ce pays, les États-Unis, que nous croyons, je spécifierais même, que nous prétendons connaître si bien.

The Open Road : mes road trips américains

 

En 1960, la photographe Inge Morath traverse le continent américain en automobile, de New York jusqu’à Reno, Nevada, en compagnie de Henri Cartier Bresson. Elle se sert autant de sa dactylo portative que de sa caméra pour annoter ses observations.

Ce sont les photos de Morath, que j’ai examinées attentivement en tournant les pages du livre de photos The Open Road ( The Road to Reno ),  qui m’ont inspiré pour piquer ici la courtepointe de mes road trips américains.

Bonnes routes…


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Camping, South Bend, Indiana – juin 2011 — Les « Native Americans » n’apprécient guère qu’on se serve des noms dérivés de leurs cultures, les noms de tribus ou de leurs grands chefs historiques, pour identifier des marques de commerce, telles, par exemple, la Pontiac, la Winnebago, le camion Chevrolet Apache, ou la Jeep Cherokee… Il est intéressant d’observer qu’après avoir tenté d’éliminer leurs cultures, on en valorise des éléments aujourd’hui.

 

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Winterset, Iowa, juin 2011 — Ville natale de John Wayne et chef-lieu du comté de Madison, où on a tourné le film The Bridges of Madison County, mettant en vedette Clint Eastwood et Meryl Streep. Le jeune couple qui pose devant la statue de John Wayne est venu du Texas jusqu’à Winterset`, pour visiter la maison natale de cet acteur qui a personnifié une certaine image de l’homme américain de son époque.

 

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Ponderosa Campground, Cody, Wyoming, juin 2011 — On peut toujours s’offrir un repas à l’hôtel Irma, au coeur de Cody, la ville fondée par Buffalo Bill Cody, marcher sur la rue principale, entrer dans un magasin, s’acheter un chapeau et une veste de cowboy… Pour admirer une magnifique collection d’art de l’Ouest américain, ainsi que la collection des armes à feu qui ont servi à conquérir l’Ouest, et pour mieux connaître le territoire des Rocheuses, ses paysages, les Indiens des Plaines et, enfin, le personnage de Buffalo Bill Cody, le voyageur devra passer quelques heures, sinon deux jours pour visiter l’étonnant Buffalo Bill Heritage Centre.

 

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Parc national Pecos Pueblo, Nouveau Mexique, juin 2016 — Notre guide, un descendant des Espagnols qui se sont installés dans l’ancienne province du Nouveau-Mexique,  bien avant la conquête américaine il y a plus d’un siècle et demi, raconte une version plus équilibrée de l’histoire de sa région et de ce site, selon les points de vue espagnol, pueblo, et américain.

 

Patrimoine architectural historique de la communauté noire de Cape May, New Jersey, mai 2014 — Au cours des années 60, une terrible tempête d’hiver ravage Cape May pendant quelques jours. Le quatier habité par la communauté noire est plus touché que les autres. Les édiles municipaux, en majorité blancs, qui lorgnaient sur le potentiel immobilier de ce secteur de la ville, manœuvrent pour élaborer un plan de rénovation urbaine. Il reste encore quelques traces du quartier historique de la communauté noire de la ville. En été, un organisme qui veille sur le patrimoine de cette communauté organise des visites guidées, à pied, à l’intention des touristes, pour raconter l’histoire de leur communauté.

 

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Santa Fe, Nouveau-Mexique, juin 2016 — Qui n’a pas rapporté un ou des souvenirs de leurs voyages… du sable de plage, un vase, un crâne de vache… ? Certains souvenirs sont plus modestes que d’autres. La valeur de ceux-ci est souvent plus émotive que monétaire.

 

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Old Faithful, dans le Parc national Yellowstone, juin 2014 — Les visiteurs, venus de tous les continents, se rassemblent graduellement ; l’auditoire s’étale sur le trottoir en bois… on attend… Patience… le geyser si célèbre n’est plus aussi régulier, ni aussi spectaculaire que par le passé. Aussitôt le spectacle presque terminé, il ne faut pas rater l’occasion de prendre une photo, pour le souvenir du moment.

 

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Charleston, Caroline du sud, mai 2014 — Samedi matin, la onzième édition du Charleston Dog Show.

 

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Jetée, Virginia Beach, Virginie, mai 2014 — Quoi faire sur le long de la plage quand la journée n’est pas propice à la baignade ? Toutefois, les pêcheurs doivent parfois faire concurrence aux dauphins qui s’adonnent aussi à cette occupation.

 

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Pike Place Market, Seattle, Washington, juillet 2011. Les voyageurs qui parcourent de longues distances en autocaravane peuvent choisir d’y préparer leurs repas dans leur « maison mobile » plutôt que d’aller au restaurant. Pour s’approvisionner, outre les supermarchés, ils peuvent fréquenter, là où il y en a, les marchés publics, comme celui-ci, toujours animé. De plus, ces voyageurs savent que qui dit marché public dit aussi restauration.

 

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Café, Corning, New York — Une pause après la visite d’un musée, prendre des notes de voyage, consulter les cartes routières, ou avant de reprendre la route…


Je suis en train de préparer une présentation sur mes road trips américains, que je livrerai dans quelques semaines à mon club de photo. J’envisage de décomposer cette présentation en plusieurs thèmes, tout en la clôturant avec une nouvelle version d’un diaporama qui porterait sur la route en soi, telle que vue derrière le pare-brise de notre autocaravane…

Road Trip : The Open Road

Monument commémoratif de Crazy Horse, au Dakota du sud ( photo : Fernan Carrière )
Monument commémoratif Crazy Horse, au Dakota du sud – Juin 2011 ( photo : Fernan Carrière )


Détroit, Michigan – Jeudi, le 7 juillet 2016

Soixantième jour sur la route. Le voyage s’achève… Partis de Santa Fe il y a deux semaines, nous roulons en direction de Montréal… il ne nous reste plus qu’à traverser le sud de l’Ontario, tout au long du ruban de la route 401, de la frontière américano-canadienne, à Détroit, jusqu’à la frontière québécoise… un peu moins de mille km…

C’est notre dernier jour aux États-Unis. Nous retournons, encore une fois, au musée des beaux-arts de Détroit, le Detroit Institute of the Arts. Deux expositions nous y attendent.

Coïncidence heureuse, à la fin d’une longue route : une première exposition de photos sur l’expérience du road trip américain et une deuxième, d’œuvres d’art qui évoquent le Grand Tour de l’Europe que des jeunes gens fortunés accomplissaient aux 18è et 19è siècles. Quoique portant sur des sujets différents, ces deux expositions se complètent.

L’exposition sur le Grand Tour, composée principalement de tableaux et de dessins, documente l’expérience des jeunes gens de la noblesse et de la grande bourgeoisie naissante de l’Europe, qui effectuaient un grand voyage à la fin de leurs études, avant d’amorcer leur carrière comme diplomates, militaires ou marchands.

L’exposition de photos sur le road trip américain se distingue de l’autre, non pas seulement sur les plans géographique ou temporel, mais surtout parce qu’elle témoigne d’une tout autre culture.

Parmi l’ensemble de leurs nombreux récits identitaires, les Américains se sont créé un mythe, celui de la route : une route qui ouvre de grands horizons nimbés de liberté et d’espoir.

Ils ont d’abord tracé des réseaux complexes de routes, toutes sortes de routes, qui leur ont permis de prendre possession du territoire qu’ils occupent aujourd’hui. Puis, ils en ont tissé une mythologie, en leur consacrant des récits, des romans, des chansons, des films, voire un monument … parmi d’autres, le journal de voyage de John Steinbeck, Travels with Charlie, le film Easy Rider de Dennis Hopper et Peter Fonda, de nombreuses chansons, dont On the Road Again de Willie Nelson,  le livre de photo The Americans de Robert Frank, préfacé par Jack Kerouac, dont il faut lire aussi le récit de son voyage avec Frank le long de la côte Atlantique dans le recueil de nouvelles Good Blonde and Others ( Vraie blonde et autres, Gallimard, Folio 3904 ) :

Just took a trip by car to Florida with Photographer Robert Frank, Swiss born, to get my mother and cats and typewriter and big suitcase full of original manuscripts, and we took this trip on a kind of provisional assignment from Life magazine who gave us a couple hundred bucks which paid for the gas and oil and chow both ways. But I was amazed to see how a photographic artist does the bit, of catching those things about the American Road writers write about. It’s pretty amazing to see a guy, while steering at the wheel, suddenly raise his little 300-dollar camera with one hand and snap something that’s on the move in front of him, and through an unwashed windshield at that…

On the Road to Florida, in Good Blonde and Others, Jack Kerouac

Il faut avoir traversé le continent, de long en large, du sud au nord, de l’est vers l’ouest, ou en diagonale comme nous venons de le faire, pour saisir toutes les dimensions de cette mythologie, au delà des images d’Épinal qui la définissent ou l’expriment parfois.

Intitulée The Open Road: Photography and the American Road Trip, l’exposition de photos qui chemine un peu partout dans les États-Unis depuis quelques mois ( en février 2017,  elle fait étape à St. Petersburg, Floride ) témoigne de cet engouement qu’ont les Américains pour « la route ». Ceux qui n’auront pas l’occasion de la voir pourraient consulter le livre de la maison d’édition Aperture, qui a participé à l’organisation de cette exposition, et qui présente plus de photos que celles qui sont exposées.

Les sites Web des musées présentent un résumé de cette exposition. Les amateurs de photographie voudront particulièrement consulter les articles que lui ont consacré de journaux, tels de NY Times ( dans sa section hebdomadaire sur la photographie ) et un quotidien de Tampa Bay. Je me contenterai de signaler quelques œuvres qui ont attiré mon attention.

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Photo : Steven Shore, Trail’s End Restaurant, Kanab, Utah, le 10 août 1973.

Parmi tant d’autres, la photo ci-dessus a retenu mon attention.

Quels qu’ils soient, tous les voyageurs se nourrissent – dans des auberges, des restaurants…  Ce ne sont pas les motifs de décoration sur l’assiette, ni les dessins sur le napperon en papier qui m’ont fasciné en examinant cette photo que Steven Shore a prise de son déjeuner ; c’est plutôt le verre de lait. Aujourd’hui, il est devenu rare d’observer un client, même un enfant, demander un verre de lait dans les restaurants américains. Un verre de lait est même aussi dispendieux, sinon plus qu’un verre de boisson gazeuse.

Les dessins sur le napperon représentent bien la région de la ville de Kanab, située sur la frontière de l’Utah et de l’Arizona, où cette photo a été prise il y a 44 ans : l’histoire de la vocation minière de la région, des relations entre les autochtones et la majorité blanche, évoquent la colonisation du territoire…

D’autres photos avaient aussi saisi mon attention, telle une photo de William Eggleston, prise dans les années 60, d’un adolescent qui pousse des charriots à l’extérieur d’une épicerie. J’avais approximativement le même âge que cet adolescent à l’époque. Je me suis longuement arrêté devant cette photo : qu’est-il devenu ? A-t-il été conscrit pour aller combattre au Vietnam ? Si oui, en est-il revenu vivant, ou éclopé, marqué pour la vie ? … Et si j’étais né Américain plutôt que Québécois …

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Un examen attentif de toutes les photos, associé à la lecture des notes descriptives affichées sur les murs de cette exposition, montre à quel point ces photos nous racontent l’évolution de ce pays, des années cinquante jusqu’à tout récemment : par exemple, les photos de stations service prises par Ed Ruscha, ou celles de Lee Friedlander des monuments publics parsemés dans les places publiques. Comme le souligne l’article du NY Times cité plus haut, l’exposition ne montre pas une vision bucolique des États-Unis. Elle dérange et nous interpelle.

En feuilletant les pages du livre de cette exposition à mon retour de voyage, je me suis interrogé : et si je devais choisir une dizaine de photos de mes trois voyages à travers l’Amérique depuis cinq ans… J’aurais énormément de difficulté à tracer des balises pour guider mon choix parmi les centaines de photos que j’ai prises… à venir.

Découvrir où le chemin nous mène

La route - Route de campagne en OhioParfois, alors qu’on croit savoir où on va, on se rend compte qu’on s’engage sur un chemin qu’on ne reconnait pas, qui n’est pas celui qu’on avait prévu, ou qui ne mène pas là où on veut se rendre.

À ce moment, on court le risque de se perdre au détour… mais c’est là que commence la découverte.

La plupart du temps, on ne découvre que ce que l’on veut bien découvrir. Là où commence la véritable exploration toutefois, c’est de découvrir l’inattendu. Et la découverte la plus inattendue que l’on puisse faire, celle qui nous surprendra le plus, c’est de découvrir un nouveau point de vue sur soi-même… Ce peut-être le point de départ d’un autre voyage… Il faut parfois du courage pour s’y aventurer.

Imprévus…

Un ami auquel j’avais montré une ébauche de notre itinéraire de voyage, était étonné du niveau de préparation sous-jacent à une telle équipée : il était surpris de constater qu’il y avait peu de place pour l’imprévu.

Je lui avais répondu qu’il y a toujours des imprévus en voyage. Que ça ne se passe pas toujours comme on le veut. Une grève générale en France, par exemple, ou en Espagne, bouscule nos plans et nous force à improviser. On devance une arrivée ou on reporte un départ.

Nous avons eu beaucoup d’occasions de gérer les imprévus au cours du présent voyage. Quatre exemples, parmi d’autres : une première fois, il y a deux semaines, afin d’insérer une activité dans notre itinéraire ; une deuxième fois, pour s’adapter à une négligence de ma part ; une troisième fois… un des pneus avant de notre véhicule a cueilli un clou sur la chaussée quelque part à Saint-Louis ; une quatrième fois, lorsque le mauvais temps nous force à remettre d’un jour, la participation à une activité à laquelle je tenais beaucoup.

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Cinq jours sur la route

Du 9 au 13 mai 2016

Quelques images prises en roulant sur les routes des États de New York et de Pennsylvanie.

Beau temps, mauvais temps, environ 1 500 km, de Montréal à Pittsburgh, en passant par Corning NY. On constate que la forêt devient de plus en plus verte à mesure qu’on progresse vers le sud.

Le long de trois régions montagneuses : les Adirondacks, dans le nord de l’État de New York, les Catskills, au centre, et les Alleghanies, dans le nord-ouest de l’État de la Pennsylvanie. Dans les Alleghanies surtout, c’est un peu comme des montagnes russes : on monte et on descend et on tourne et retourne, sur une route qui nous révèle de beaux paysages montagneux, quel que soit le temps qu’il fait.

Un peu d’histoire… et de géographie pour la comprendre

Les Alleghanies ont constitué un obstacle important à l’expansion de la colonie britannique vers l’Ouest, jusqu’à la fin de la Guerre de Sept-Ans.

La France, qui était présente à l’Ouest de cette chaîne de montagnes, a dû abandonné ses prétentions sur ce territoire à la signature du Traité de Paris en 1763. Les conséquences ont été terribles pour les populations qui habitaient ces trois régions ( Adirondacks, Catskills et Alleghanies ). Les colons britanniques, qui allaient se révolter contre leur mère-patrie une douzaine d’années plus tard, étaient très voraces de territoires…

I-87, Adirondacks, NY
I-87, Adirondacks, NY

 

I-88 NY
I-88, Catskills, NY

 

Welcome to Pennsylvania
Welcome to Pennsylvania

 

On The Road Again
On The Road Again

 

Paysage des Alleghanies
Paysage des Alleghanies

 

Blue Highway, les anciennes routes principales d'antan, bien avant l'édification du réseau moderne d'autoroutes, les Interstates.
Blue Highway, les anciennes routes principales d’antan, bien avant l’édification du réseau moderne d’autoroutes, les Interstates.

Arrivée au camping, près de Pittsburgh PA
Arrivée au camping : notre pied a terre, à une trentaine de km de Pittsburgh PA

Chacun son Amérique

Corning, 12 mai 2016

Chacun crée son Amérique ; chacun recueille des images de ce continent pour se fabriquer une mosaïque de mythes, à la mesure de qui on est, de ce qu’on voudrait être ou, aussi, de ce qu’on ne veut pas devenir.

Je pars, encore une fois, découvrir de nouveaux aspects de l’Amérique… pour continuer à renouveler, à clarifier, à modifier, à refaire et à défaire ces images que je me suis faites, pour mettre à jour mes notions, mes perceptions, les contraster à celles que je me suis créées dans le passé. Découvrir des aspects de moi-même. N’est-ce pas là, en quelque sorte, la quête d’un voyage ?

Je chemine… de retour sur la route.

Déjà mille kilomètres en cinq jours, trois musées, beaucoup de routes… et déjà beaucoup d’interrogations.

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Le tableau ci-bas, que j’ai examiné hier après-midi au Musée Rockwell, m’a touché directement. Ce couple traverse les Grandes Plaines de l’Ouest, au cours des grandes migrations européennes de la deuxième moitié du 19è siècle. Ils voyagent probablement en compagnie d’autres migrants comme eux. Il n’y a pas de routes toutes tracées, comme aujourd’hui. Que des pistes, les Pistes de l’Orégon, de la Californie ou de Santa Fe… des territoires inconnus, à découvrir.

Que cherchent-ils ? Quels étaient leurs rêves ? Pourquoi quitter le confort de la « civilisation » pour aller coloniser des territoires qu’on fantasmait comme étant vierges, mais non inhabités, en vérité inconnus…

Voyager
I Shall Never Forget the Sight, de Newell Convers Wyeth ( 1882 – 1945 )

Quel contraste avec mon propre trajet !  En moins de 150 ans, on a tissé tout un réseau de sentiers, de routes, d’autoroutes, sur toute la surface du continent… des restaurants, des hôtels et des terrains de camping, des stations services,  y compris, depuis peu, du moins dans l’État de New York, des haltes pour texter…

Camping
Terrain de camping, État de New York, 10 mai 2016, tôt avant le départ, le matin

Je voyage pour le plaisir de découvrir. Pour prendre la mesure du temps et de l’espace du monde.

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Le Iroquois Indian Museum

Il y a deux jours, nous avons visité le Musée des Iroquois ( Iroquois Indian Museum ). Cette institution dégage une atmosphère exceptionnelle de paix et de sérénité.

On y présente l’univers, passé et présent, tel que le perçoivent les Iroquois, le peuple des longues habitations. Ce peuple a été dépossédé de son territoire… celui que je suis en train de visiter, mais dont il est quasiment absent… sinon que par la présence des noms de lieux, partout.

On y explique la mythologie de la création qui régissait leur relation au monde. On y décrit les recherches archéologiques qui permettent de reconstituer leur mode de vie, avant leur rencontre avec les Européens — Hollandais, Anglais, Français. On dessine les grands traits de leurs relations avec ceux qui deviendront des Américains. Le tout, dénué de jugement, sans trace de ressentiment, laissant à chacun le soin de tirer ses propres enseignements de ce qu’on y présente.

On a tenté d’éliminer leur « être » au monde ; ils sont toujours là, très vivants. Ils ont évolué avec le temps, s’adaptant, acceptant ce qui leur convenait des apports des autres, des étrangers, tout en conservant leur âme, leur culture… Toute une section du musée expose les œuvres d’artistes iroquois contemporains qui témoignent de la vitalité de leur culture.

Musée iroquois
Le Iroquois Indian Museum

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Trente-six heures à Corning, NY

L’Amérique que j’ai connue dans mon enfance n’existe plus. Elle a évolué. Beaucoup. Pour le mieux tout autant que pour le pire. La petite ville de Corning en témoigne bien.

C’est en se promenant sur sa rue principale, Market Street, qu’on découvre un amalgame charmant de l’ancien et du nouveau. C’est au Musée Rockwell qu’on peut voir comment on a construit une des dimensions les plus connues de l’Amérique, cette image d’un espace immense, composé d’un horizon qui se déplace devant soi de façon continue, peuplé de troupeaux de bisons, de guerriers indiens et de cowboys, symboles d’une quête de liberté. C’est au Musée du verre, le Corning Museum of Glass, qu’on peut voir une partie de l’immense contribution que les État-Uniens ont apportée à la civilisation occidentale et au monde entier.

Le tableau ci-haut a été peint alors que l’époque qu’il représente était déjà révolue. Un des artistes les plus connus qui a participé à la création de cette épopée de la Conquête de l’Ouest, Frederick Remington a raconté cette anecdote à ce propos : alors qu’il travaille à peindre ses tableaux qui illustrent sa perception de l’histoire de l’Ouest, un vieux cowboy lui dit qu’il est arrivé trop tard, que l’époque dont il veut témoigner n’existe plus, qu’elle est en train de disparaître. Pourtant, c’est cette iconographie qui s’est imposée à l’imaginaire du monde entier, à travers les tableaux, les récits illustrés des écrivains et des artistes, le cinéma…

Le Musée Rockwell présente deux expositions spéciales présentement : une exposition de quelques tableaux de grande dimension d’artistes américains bien connus, pour célébrer le centième anniversaire du réseau des grands parcs nationaux des États-Unis, ainsi qu’une autre exposition des artistes de l’école de Taos ( Nouveau Mexique ), qui a tenté de définir une nouvelle esthétique, pour représenter les paysages du Sud-Ouest américain.

Donna's
Donna’s, coin Cedar et Market, à Corning – l’impression de voyager dans le temps… passé

Il n’y a qu’un coin de rue entre le Musée Rockwell et le restaurant Donna’s, qui se situe au coin des rues Cedar et Market. On a l’impression, en entrant dans ce restaurant de retourner dans le temps, d’au moins un demi-siècle. Le formica, les tables et les chaises, les napperons en papier couverts d’annonces publicitaires de commerces locaux, les menus qu’on vous présente et qui décrivent les mêmes repas qu’on y servait cinquante ans plus tôt, et les repas préparés comme déjà…

Rue principale - Market Street
L’ancienne tabagie, et la crèmerie coincée entre deux édifices, sur Market Street, à Corning

On ne ressent pas cette impression d’entrer dans un musée dans les autres commerces sur la rue Market. On y vend des produits très contemporains, dont certains qui n’existaient même pas il y a tout juste une décennie. Mais on a fait un effort pour préserver les façades des édifices, ce qui donne un cachet unique à cette petite ville.

Musée du verre de Corning
Musée du verre de Corning

Le Musée du verre de Corning impressionne même les touristes les plus désabusés.

Après avoir admiré l’exposition d’œuvres d’art en verre, j’ai assisté à une démonstration de la fabrication d’une coupe en verre ; imaginez, un véritable artiste et un assistant prennent trois quarts d’heures pour fabriquer une seule coupe ; imaginez le coût de leur main d’œuvre, des matériaux qu’ils ont utilisés, des coûts d’opération de la fournaise qui a servi à chauffer le verre, parfois jusqu’à 2 000 degrés C. Imaginez maintenant pourquoi il était important de concevoir un procédé de fabrication industrielle de pièces d’usage commun, comme une bouteille de lait ou de bière, un verre, une ampoule électrique…

Puis, j’ai visité la galerie de l’innovation ; on y explique comment on a conçu les procédés de fabrication industrielle des bouteilles en verre, des ampoules électriques, qu’on a inventé la fibre optique, du pyrex, des lentilles — de phares, de télescopes, d’appareils photo, etc.

Enfin, j’ai parcouru la galerie de l’histoire des quelque 35 siècles de l’évolution des techniques du verre : du Moyen-Orient ( Égypte, Phéniciens, Mésopotamiens ) aux Romains, de la période de l’Islam médiéval à l’éclosion de la Renaissance vénitienne, jusqu’à l’époque contemporaine.

Époque islamique - Musée du verre de Corning
Vase de la période islamique médiéval – environ 1000 AD

Les routes de l’Amérique

Rouler sur la I-80 en Iowa

Il y a des voyageurs pour lesquels la destination est un prétexte pour rouler. Ils ne s’arrêtent que pour faire une pause, délier un peu leurs jambes, manger, dormir, puis repartir, jusqu’à destination.

Bien souvent, ils ne s’arrêtent même pas pour visiter les villes ou villages qu’ils contournent ou qu’ils traversent, en ralentissant, lorsque la prudence ou le règlement l’exigent.

Leur plaisir, c’est de s’enfoncer dans les paysages qui défilent devant eux, tel un film. Les amateurs de motos font partie de cette tribu. Souvent même, ces voyageurs n’ont pas réellement de destination. La route est leur destination, une fin en soi.

J’aime la route, contempler les paysages, en découvrir de nouveaux. Mais, pour moi, la route ne constitue pas la raison en soi du voyage. Parfois même, le déroulement incessant du ruban d’asphalte me lasse à la longue.

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Un pèlerinage littéraire, sur les traces de Montaigne

Place des Quinconces
Michel de Montaigne, Place des Quinconces à Bordeaux

Si Michel de Montaigne avait vécu à notre époque, il aurait été carnetier — blogueur, si vous préférez ce terme. Certains soutiennent que Montaigne est le précurseur de tous les carnetiers, celui qui a, en quelque sorte, inventé le genre.

Mais il y a une différence, non pas essentielle, mais une différence de taille tout de même, entre les Essais de Montaigne et la grande majorité des carnets numériques d’aujourd’hui. Un volume impressionnant d’eau coulait dans la Garonne devant Bordeaux, entre le moment où Montaigne rédigeait ses essais et le moment où le manuscrit se métamorphosait en imprimé pour se retrouver entre les mains de ses lecteurs. De plus, aujourd’hui, les lecteurs de carnets numériques peuvent répondre directement, presque instantanément, afin de commenter ces « essais », les « j’aimer » et les « twitter », les partager avec leurs propres amis.

Montaigne évoluait dans un espace-temps très différent du nôtre. En raison même du contexte qui définissait la relation entre un écrivain et son lecteur à la fin du XVIe siècle, Montaigne n’aurait jamais songé à écrire en fonction du moment présent. En comparaison, la grande majorité des carnetiers d’aujourd’hui ont le nez collé sur l’actualité. Nous courrons tous, lecteurs compris, cadencés aux rythmes multiples de l’ubiquité des cadrans qui nous tiennent en laisse — une montre analogique ou numérique au bras, un téléphone qu’on qualifie d’intelligent dans une poche ou un sac, un micro-ordinateur sur notre table de travail, sans compter les cadrans intégrés dans un grand nombre de nos appareils domestiques, de la cafetière à l’automobile et la caméra, ainsi que dans tous les interstices des espaces publics. Nous n’échappons pas à cette tyrannie obsessive du temps.

Montaigne se tenait au courant de ce qui se passait dans le  monde de son temps. Il s’intéressait aux récits des grands voyageurs européens qui s’éparpillaient sur toute la surface de la terre à son époque. C’était un homme, curieux, tolérant, ouvert et fin d’esprit, avide de connaître les us et coutumes des peuples, ceux qu’on découvrait au présent tout autant que ceux du passé. Il réservait son jugement et condamnait rarement.

S’il était carnetier aujourd’hui, Montaigne devrait lire l’actualité, qui file encore plus vite que l’eau du fleuve vers la mer, et y réagir quasi instantanément. Rien ne l’empêcherait de lire ses auteurs préférés, Sénèque, Tacite, Plutarque, ou les auteurs de son temps, mais il lui faudrait les relier aux événements du présent. Son carnet perdrait toutefois ce caractère intemporel qui nous rejoint, encore aujourd’hui, quatre siècles plus tard.

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Prendre son temps en voyage

Au parc écologique de l’Anse Saint-Pierre : une vue magnifique sur le Saint-Laurent et le Lac Saint-Pierre et un poste idéal pour l’observation des oiseaux.

Le rythme de nos vies s’est accéléré depuis quelques décennies. Il en va de même en voyage : on est pressé de se rendre à destination, ou de faire le tour de la région qu’on veut visiter. On a si peu de temps pour tout voir, goûter, sentir, entendre, toucher.

Il y a deux ans, au cours de l’été 2012, nous avons décidé de revenir de Québec à Montréal au rythme de la lenteur. La revue Camping Caravaning a publié un reportage que je lui avais soumis sur cette expérience. Voici la version numérique de ce reportage ( accès limité aux membres enregistrés de la FQCC ) : Québec-Montréal, au fil de l’eau sur la 132.

Pourquoi Kearney, Nebraska

Powwow : les hommes Pawnee

Ce n’est pas par hasard, ni pour visiter le Great Platte River Archway que nous nous sommes retrouvés à Kearney, au centre du Nebraska, au mois de juin 2011.

Planifier un voyage est un travail patient et minutieux. Je m’y suis pris à plusieurs reprises pour planifier le voyage que nous avons complété à l’été 2011.

À l’origine, en 2008, ma conjointe et moi voulions traverser le continent : rejoindre le Pacifique. Mais je caressais simultanément le projet de concevoir un circuit qui aurait retracé le parcours du voyage imaginaire décrit dans Volkswagen Blues, le roman de Jacques Poulin.

Dans un premier temps, j’avais relu le roman, pour me familiariser à nouveau avec cette aventure. Ensuite, j’avais entrepris de recueillir des renseignements, afin d’identifier des sites, des points d’intérêt, des terrains de camping, ainsi que pour tracer une route qui serait le plus fidèle possible à l’esprit du voyage imaginé par Poulin. Parallèlement, je relisais des sources historiques sur l’épopée de nos ancêtres, les premiers Canadiens et les Français qui ont sillonné ce territoire immense de l’Amérique à l’époque de la Nouvelle-France, bien avant les Anglais qui, quelques années après la Conquête de 1760, deviendraient des Américains. Ce faisant, j’ai découvert des éléments d’information que je ne connaissais pas sur le lointain passé de notre continent.

J’ai suspendu ce projet parce qu’il était prématuré : nous n’étions pas vraiment prêts à y donner suite, entre autres sur un plan professionnel. Le temps a passé ; de fil en aiguille, le projet s’est transformé.

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Illustrer le voyage

Marco Polo était toujours adolescent lorsqu’il partit de Venise, en 1271, avec son père et son oncle, tous deux marchands. Ils traversèrent le Moyen-Orient et l’Asie centrale en chemin vers la Chine. Marco Polo revint chez-lui un quart de siècle plus tard, après avoir longé les côtes du Vietnam d’aujourd’hui, du Sri Lanka, de l’Inde et du golfe persique.

Son récit de voyage, Le Livre des merveilles, commença à être diffusé pour la première fois environ 150 ans avant l’invention de l’imprimerie ; à cette époque, tous les exemplaires de ce livre devaient être copiés à la main, un par un. La première édition en format imprimé ne fut publié que vers 1470, soit environ quatre siècles avant l’invention de la photographie. Néanmoins, je crois que la plupart de ces manuscrits et les éditions imprimées subséquentes n’ont pas été illustrées, jusqu’à tout récemment — dans cette perspective, le livre de Philippe Ménard, Marco Polo, à la découverte du monde (Grenoble, Glénat, 2007) présente le récit du voyage de Polo, en le situant dans le contexte de son époque et en l’illustrant d’images, de toutes provenances, qui représentent le monde évoqué dans ce récit.

Ce manuscrit connut une grande diffusion en son temps. Beaucoup de lecteurs du Livre des merveilles estimèrent que Marco Polo avait parsemé son récit de légendes et d’affabulations. Pendant très longtemps, on lui accorda peu de crédibilité. Aujourd’hui, on considère que, même s’il n’a pas nécessairement visité tous les lieux qu’il a décrits, c’est néanmoins un récit qui repose sur des fondements véridiques.

Marco Polo n’a pas rédigé de notes de voyage au cours de son voyage. Il devait s’appuyer uniquement sur ses souvenirs lorsqu’il a raconté son voyage au rédacteur qui l’a mis en forme manuscrite. Son récit de voyage aurait certes bénéficié de plus de crédibilité s’il avait pu utiliser les outils de mémorisation que nous avons à notre disposition aujourd’hui — appareil de photo ou d’enregistrement sonore. Mais aurait-il conservé son enchantement si tel avait été le cas ? Et les photographies qu’il aurait rapportées auraient-elles réussi à communiquer cet émerveillement d’un jeune Européen qui découvrait un monde beaucoup plus vaste et riche qu’il aurait pu l’imaginer… que quiconque en Europe aurait pu imaginer au Moyen-Age ?

Un texte sans illustration est comme une émission de radio. Celui qui lit le texte, ou écoute l’émission, doit imaginer ce qu’il lit ou entend.

***

Vers 1850, soit environ une dizaine d’années après la présentation publique de l’invention du daguerréotype, Maxime du Camp fit un voyage d’un an et demi au Moyen-Orient (Égypte, Palestine, Syrie, Asie mineure, Constantinople, Grèce). Il trimballa tout un appareillage de photographie dans ses bagages. Dès son retour à Paris en 1852, il publia un livre de ces photos. On peut admirer quelques unes de ces photos sur le site Web de la Bibliothèque nationale de France.

Situons le contexte : Du Camp voyageait en compagnie de son ami Gustave Flaubert, qui n’avait pas encore publié Madame Bovary et les autres grands textes de littérature française qui allaient le rendre célèbre. Flaubert et Du Camp ont tous deux tenu un journal de ce voyage ; Flaubert fait souvent allusion au travail de photographe de Du Camp dans son journal (Voyage en Orient) ; ce dernier n’y fait allusion qu’une seule fois au cours de tout son récit. Les deux compagnons voyageaient en compagnie de guides et de traducteurs, qui servaient aussi de domestiques. Ils voyageaient généralement à cheval. Il fallait une mule pour transporter le matériel complet de photographie. Il n’y avait pas de routes, comme aujourd’hui, pas de bateaux de croisière, pas de réseau de chemins de fer. Les conditions d’hébergement étaient souvent loin d’être idéales.

L’intention du projet photographique de Du Camp était documentaire. Les sites des monuments et temples antiques qu’il a photographiés n’avaient pas encore été nettoyés et étudiés par les archéologues. Dans leur journaux de voyage, Flaubert et Du Camp ont fait souvent allusion aux objets qu’ils ramassaient en se promenant dans des endroits laissés à « l’abandon », sans protection.

Les photographies de Du Camp ont une grande valeur historique. Malgré le souci documentaire de son travail photographique, un examen attentif des photographies de Du Camp nous permet de déceler dans la prise de vue un souci artistique chez celui-ci : on sent l’influence qu’exerce toujours la peinture académique traditionnelle sur ce nouveau médium pictural. Sylvie Aubenas, dans Voyage en Orient (Paris, Bibliothèque nationale de France : Hazan, c.1999), lui accorde d’avoir marqué « … pour la postérité le début visible des voyages d’exploration photographique ».

Au retour de son voyage en Orient, Maxime Du Camp publie Égypte, Nubie, Palestine et Syrie (Paris, Gide et Beaudry, 1852), un album des photos de son voyage. Les dessins photographiques, tels qu’on les qualifie, sont accompagnés de textes explicatifs. Pour ce faire, il lui fallu imprimer autant d’épreuves de ses photos que d’exemplaires du livre qui sera publié. Les épreuves sont collées, une par une, dans chaque exemplaire de la publication. Comme le souligne Aubenas, la publication de cet album de photos précède « … le progrès de l’imprimerie photomécanique qui permettront de multiplier à moindre frais les photographies dans les livres, dans la presse… »

La lecture du journal personnel de voyage de Du Camp nous apprend que celui-ci n’a pas fait ce voyage uniquement pour faire de la photo. Il observe le pays et ses habitants ; il déplore l’état d’abandon des lieux historiques et constate que les autorités commencent à prendre conscience de la richesse du patrimoine du pays. Et il se laisse aller au plaisir de contempler les paysages et de flâner :

« … quelle retraite pour celui qui, las du monde, chercherait le repos en attendant la mort. Je marche à travers les orges si hautes, que j’y disparais, quêtant curieusement quelques restes des civilisations écroulées ; il y avait des temples, des palais, un nilomètre … Est-ce donc là tout ce qu’il subsiste de tant de monuments. Qu’importe ? Si jamais on a le droit d’oublier les inscriptions, les temples, les traditions … c’est en présence de cette nature éternelle, souriante et magnifique, c’est sous ce ciel profondément bleu, c’est devant ce Nil immense … »

« Ah! qu’il est bon d’être en voyage, de vivre joyeux sous le soleil, de se baigner hardiment dans les fortifiants effluves de la nature, et de marcher dans sa liberté sans limite! … j’irais ainsi sans regret et sans peine d’un bout du monde à l’autre bout! et de tous ces voyages que j’ai faits, j’ai toujours rapporté une intolérable tristesse, un désir immodéré de retourner au soleil… »

***

Je n’avais pas de caméra lorsque je suis parti à l’aventure, la première fois, en Grèce, il y a plus de 40 ans. J’avais toutefois rédigé un journal de voyage que je conserve encore aujourd’hui. Contrairement à Flaubert, je ne suis pas un écrivain qui voyage, mais plutôt un voyageur qui écrit et qui prend parfois des photos.

Il y a deux ou trois ans, c’est en me promenant sur l’Internet que j’ai retracé les pas que j’ai faits au cours de mon premier voyage en Grèce. C’est grâce à l’Internet que j’ai pu, entre autres, retourner visiter le petit village crétois où j’avais passé environ deux mois ; j’ai aussi retracé le sillage de mon périple le long du chapelet des îles grecques qui longent la Turquie, de Rhodes à Kos, puis à Patmos. Les photos que j’ai contemplées sur l’Internet m’ont révélé que les lieux avaient changé… radicalement, en bien des endroits. La Grèce que j’ai visitée lorsque j’étais jeune homme n’existe plus.

C’est en revenant de ce voyage que je me suis procuré ma première caméra, une Pentax SP500, qui repose aujourd’hui sur une étagère de ma bibliothèque. J’ai ajouté cette caméra aux autres instruments (crayons, stylo plumes et carnets divers) qui m’ont toujours servi pour conserver mes souvenirs de voyage et de vie au cours des décennies qui ont suivi : deuxième voyage, plus court, en Grèce, et par la suite, l’Écosse, la Nouvelle-Angleterre, le Cap Hatteras, la Gaspésie, l’Ontario…

Le collège classique, que j’ai fréquenté au cours des années 60, m’avait bien préparé à mes voyages en Grèce. Je m’y suis retrouvé en terrain familier, voire comme si j’y avais déjà un peu vécu. Sur place, j’ai néanmoins découvert un autre monde, plus contemporain que la Grèce antique, mais tout aussi merveilleux que l’ont été les contrées asiatiques que Marco Polo avaient traversées en son temps.

Quelques années plus tard, j’avais effectué une recherche approfondie sur l’Écosse, pour mieux connaître ce pays, avant d’entreprendre de le visiter à  l’été 1980. J’avais consulté des guides de voyage en plus de lire des livres d’histoire et des romans. J’avais aussi étudié la documentation picturale sur ce pays – peinture, tableaux, dessins, photographie… Cette préparation m’a bien servie. J’en ai rapporté non seulement un calepin de notes de voyage, mais aussi de nombreux rouleaux de films. J’ai perdu le calepin de notes de voyage lorsque je me suis fait voler mon sac, dans un restaurant tout près de mon lieu de travail, à mon retour de voyage. Toutefois, j’ai conservé mes photos de voyage. J’en avais constitué d’ailleurs un album personnel, que je montre de temps à autres à mes amis : mes « impressions » d’Écosse, centrées surtout sur les vieux cercles de pierre qui parsèment le territoire des iles britanniques, et particulièrement dans les Highlands écossaises.

Encore une fois, en me promenant sur l’Internet, j’ai constaté récemment que les régions de l’Écosse que j’ai visitées ont changé. Mes photos ont commencé à prendre une valeur documentaire. À l’instar de Maxime Du Camp, que je ne connaissais pas il y a un quart de siècle, je m’efforçais de ne pas négliger l’aspect esthétique de ma démarche photographique.

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Standing Stones of Stenness. Orcades, Écosse, Août 1980

Il y a un écueil qui guette tout voyageur qui se promène avec une caméra. Susan Sontag l’a très bien analysé dans son célèbre essai On Photography (New York, Picador – Farrar, Straus and Giroux -, 1977). Elle souligne que pour la première fois dans l’histoire, un grand nombre de personnes pratiquent le tourisme et que dans le cadre de cette activité, « … It seems positively unnatural to travel for pleasure without taking a camera along. » Elle soutient que cette activité certifie que le voyage a été accompli et qu’on y a eu du plaisir. Elle ajoute cependant :

«… taking photographs is also a way of refusing it (experience) — by limiting experience to a search for the photogenic, by converting experience into an image, a souvenir. Travel becomes a strategy for accumulating photographs. The very activity of taking pictures is soothing, and assuages general feelings of disorientation that are likely exacerbated by travel. Most tourists feel compelled to put the camera between themselves and whatever is remarkable that they encounter. Unsure of others responses, they take a picture. … The method especially appeals to people handicapped with a ruthless work ethic — German, Japanese, and Americans. Using a camera appeases the anxiety  which the work-driven feel about not working when they are on vacation and supposed to have fun. They have something to do that is a friendly imitation of work: they can take pictures.»

***

Depuis mon deuxième voyage en Grèce il y a 35 ans, j’ai conservé cette habitude de bien préparer mes voyages.

Plus récemment, depuis trois à quatre ans, je porte cependant plus d’attention aux documents de nature visuelle dans le cadre de cette recherche préparatoire. Il est vrai que l’avènement de l’Internet facilite cette activité.

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Murdo, South Dakota. Au pays de ce qui autrefois était celui des Sioux – Juin 2011

Il y a deux ans, j’ai traversé l’Amérique, de la région d’Ottawa (Ontario) jusqu’à Seattle (Washington) en passant par les grandes plaines de l’Ouest américain. Chemin faisant, je visitais les musées locaux, en portant une attention particulière aux peintres et aux photographes qui ont exprimé leur vision de leur peuple et de leur pays.

Cette exploration m’a beaucoup influencé quant à ma propre façon de percevoir les régions que j’ai visitées. Elle a inspiré ma démarche photographique – je l’ai évoqué indirectement il y a quelques semaines en décrivant ma visite du Musée Joslyn à Omaha.

Mais, de façon plus importante, j’en ai tiré une meilleure appréciation et une compréhension beaucoup plus profonde de l’évolution de nos voisins américains. Peut-être, aurais-je ajouté ma modeste contribution à une meilleure compréhension du monde dans mon entourage immédiat…

Écrire en voyage

Depuis quelques années, je lis beaucoup de récits de voyages, rédigés par de grands écrivains, y compris ces classiques dont tous ont entendu parler mais que peu ont lu, tel L’Enquête d’Hérodote, ou le Livre des merveilles de Marco Polo. Le récit de voyage est un genre littéraire qu’on sous-estime, et qui devrait faire l’objet d’études plus formelles en soi. Ma bibliothèque comporte une section complète de ces récits.

Une partie de ma bibliothèque : la bibliothèque du voyageur
Une partie de ma bibliothèque : la bibliothèque du voyageur, d’Hérodote jusqu’à Lacarrière… en passant à travers les siècles de Polo à Montaigne, et de Stendhal et Flaubert jusqu’à David Thoreau, Jack Kerouak et Nicolas Bouvier, sans négliger les voyages imaginaires

Depuis quelques mois, mes lectures ont presque exclusivement porté sur ce genre de textes : le récit du voyage de Montaigne en Allemagne, en Suisse et en Italie ; les voyages de Gustave Flaubert, au Moyen-Orient, en Bretagne, dans le Sud de la France ; ceux de Stendhal en Italie ; Dos Passos en Espagne… des lectures fascinantes.

Certains passages sont émouvants : imaginez, en le lisant, le jeune Gustave Flaubert, qui vient de terminer ses études de baccalauréat, qui n’a donc encore rien publié, décrivant sa visite à la Bibliothèque de Bordeaux, où il feuillette un des manuscrits des Essais de Montaigne : il ne porte pas de gants, n’est pas encadré de conservateurs… Ou encore, la description que fait Stendhal, le 7 avril 1838, de sa visite de la Brède, le château de Montesquieu en Aquitaine (Voyage dans le Midi de la France, pages 97 à 107).

Il est intéressant de comparer les impressions de Montaigne et de Stendhal qui ont souvent visité les mêmes lieux en Italie, à deux siècles de distance l’un de l’autre. Il faut retenir, en lisant ces récits, quelles sont les conditions physiques que doivent endurer les voyageurs d’il y a plus d’un siècle ou deux. Les routes, même en Europe, ne sont pas toujours sécuritaires. Ce n’est que dans la deuxième moitié du XIXe siècle qu’on commence à créer les réseaux modernes de transport et d’hébergement, tels que les réseaux ferroviaires, les bateaux de croisière, les hôtels (tels qu’on les conçoit aujourd’hui), les circuits. On oublie que ce n’est qu’en 1869 que Thomas Cooke offre son premier voyage organisé en Égypte à une clientèle de touristes de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie anglaises surtout.

Plusieurs dimensions ont retenu mon attention au cours de toutes ces lectures depuis deux ans. J’en retiens une pour l’instant : la dimension matérielle de l’écriture en voyage.

D’abord, un peu de contexte… Sur le plan matériel, l’écriture est une combinaison de trois éléments : on écrit à l’aide d’un instrument qui dépose une marque ou une trace sur un support quelconque – par exemple, une plume qui glisse sur le papier en y traçant un sillage d’encre derrière soi.

Il n’est pas difficile de s’imaginer quelles contraintes cette technologie imposait aux rédacteurs de récits de voyage il y a plus de 150 ans. Gustave Flaubert et Maxime Du Camp doivent s’approvisionner de cahiers, d’encre et d’une réserve importante de plumes d’oiseaux avant de partir vers l’Égypte en 1849.  Flaubert mentionne dans son Voyage en Orient qu’il doit s’arrêter sur le bord du Nil pour demander de l’encre à un imam dans une madrassa. Rappelons qu’il n’y a guère plus de 125 ans qu’on a réussi enfin à procurer une relative autonomie à la bonne vieille plume d’oiseau, devenue une plume métallique, en lui joignant un réservoir. Et il n’y a que soixante ans seulement que le stylo-bille a réussi à s’imposer comme substitut au stylo-plume.

Bien entendu, on utilise aussi le crayon depuis guère un peu plus de deux siècles. Le crayon a le désavantage de ne pas laisser une marque permanente : on peut facilement effacer sa trace. C’est pour cette raison même que Stendhal, qui a conscience d’être perçu comme un espion ou un agitateur par les autorités dans les régions où il passe, s’en sert pour noter ses impressions de voyages et consigner ses souvenirs (Rome, Naple et Florence – lire l’édition de Diane de Selliers, 2002, qui a l’avantage d’être illustrée de tableaux d’artistes qui ont vécu à la même époque, et qui représentent les lieux décrits par Stendhal).

Quiconque a tenu un journal de voyage ressent une grande intimité en lisant les auteurs qui l’ont précédé. Il importe peu qu’on ait ou non publié ce récit. Il y a quelques semaines, j’ai relu en partie les carnets du voyage que j’avais rédigés il y a plus de quarante ans, lorsque j’ai traversé l’Europe, de Londres et Paris jusqu’à Athènes et les iles de la mer Égée. L’ordinateur personnel n’existait pas à l’époque et il n’aurait pas été plus pratique de traîner une dactylo portative sur mon dos à cette occasion.

Il y a deux ans, j’ai tenté d’évoquer le sentiment que j’éprouvais en rédigeant mon journal, à la lueur d’une lampe incandescente sur une petite table, dans une chambre d’hôtel, le soir…Voici la scène :

Écriture de la mémoire – Grèce, 12 décembre 1971

À la mi-décembre 1971, à Kos, le jeune homme que j’étais avait loué une moto pour aller visiter les ruines de l’hôpital qu’avait créé Hippocrate, le père de la médecine occidentale. Il faisait froid ce jour-là. Il y avait peu d’affluence ; comme les oiseaux migratoires, les touristes avaient quitté les lieux depuis des semaines, vers des contrées nordiques, pour la plupart.

Le jeune homme cherchait la trace des fantômes qui hantaient les lieux depuis 25 siècles. Il avait ressenti de vives émotions en visitant le site. Des émotions qui ont laissé des traces aussi profondes en lui que les écritures grecques et romaines gravées sur les stèles et les monuments qu’il a contemplés ce jour-là.

En reconstituant cette scène et en relisant le texte de cette journée, la mémoire s’est activée… les images des lieux se projetaient sur les écrans de son cerveau – la lumière fade d’un après-midi hivernal ; la conversation avec cet homme qui aurait pu être mon père, un gardien des lieux sans aucun doute, dont le grand-père avait participé à des fouilles archéologiques sur ce site même, plusieurs décennies plus tôt… J’ai senti le temps couler, comme du sable entre mes doigts, tel un sablier qu’on ne pourra jamais retourné.

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J’ai commencé à préparer un nouveau voyage, que j’accomplirai dans quelques mois. En réalité, j’ai amorcé ce voyage il y a quelques semaines déjà. Et pour la première fois, j’ai commencé à rédigé un nouveau journal de voyage, le journal de ce nouveau voyage… avant même le départ. Cette fois, en plus de mes stylo-plumes et de ma caméra, je traînerai des crayons pour tracer des croquis en cours de route.

Digérer le voyage, le refaire et le raconter

Gatineau, le 6 novembre

Il y a un mois, lorsque j’ai affiché ma dernière rubrique dans ce carnet électronique, nous amorcions la dernière étape de notre voyage à travers le sud de la France.

Le mouvement social de protestation contre la réforme du régime de retraite prenait de l’ampleur et on avait annoncé la tenue de journées de grève pour la semaine qui suivrait. On avait de surplus évoqué la possibilité que les journées de grève se prolongent sur plusieurs jours, notamment, dans le secteur des transports. Nous ne savions pas comment nous réussirions à revenir de Lyon à Genève, pour la dernière étape de ce voyage. Finalement, nous avons éprouvé plus d’inquiétude que d’inconvénients, puisque nous avons pris le train régional qui assure la liaison entre Lyon et Genève, au jour et à l’heure où on l’avait prévu dans notre itinéraire original.

Le voyage continue

Tel que le philosophe Michel Onfray le souligne si bien dans sa méditation sur l’art de voyager, Théorie du voyage*, le voyage ne se termine pas au moment où on retourne dans sa région ou son pays, ni au moment où on ouvre la porte de notre domicile, qu’on ouvre les portes et fenêtres pour aérer une maison fermée depuis six semaines et qu’on reprend possession de ses biens… On gagne beaucoup à digérer les voyages que l’on fait. Lire la suite…