
Depuis trois ans, j’arpente ma ville, celle que j’ai adoptée pour y vivre le reste de ma vie, Montréal.
Tout comme je l’ai fait partout où j’ai vécu depuis l’enfance et l’adolescence, je flâne dans la ville pendant de longues heures, à toutes les saisons. J’apprends à reconnaître des repères, le long de ses rues et ses ruelles. Je musarde dans ses parcs. Je lorgne toutes les coutures de ma ville, je la reluque, je la toise. Je cherche à découvrir les replis de son âme, à capter ses humeurs ; je me l’apprivoise.
Il y a deux ans, j’ai marché le long de la rue Notre-Dame, une des plus vieilles rues de Montréal, depuis le Marché Atwater jusqu’au Carré Viger — une promenade d’environ cinq kilomètres. À l’époque, je ne connaissais de ce parcours que son tracé dans le Vieux Montréal. Tout ce que je savais, c’est que c’était une des premières rues de Ville-Marie et, qu’avec le temps, on l’avait prolongée au-delà de ses murs, vers l’est et vers l’ouest.
Je ne connaissais rien, je ne connais toujours pas grand chose de l’histoire des quartiers que j’ai traversés, ce jour-là, au début du mois de juin : la Petite-Bourgogne, Griffintown, le Vieux-Montréal.
Je prenais mentalement note de l’apparence des édifices, tout en m’interrogeant sur ce que ces structures pouvaient me laisser deviner de leur histoire, de leur vécu. Je scrutais les rues transversales, pour entrevoir ce qu’elles pouvaient me révéler sur leur état.
Je me souvenais des mouvements de contestation qui s’étaient manifestés lorsque l’administration municipale avait amorcé des projets de « rénovation urbaine » dans ces secteurs au cours des années 1960-70.

Le souvenir de ces événements attisaient ma curiosité. J’ai remarqué qu’on achevait ou qu’on était en train de construire ce qui m’apparaissait comme étant des développements relativement récents. On pouvait entrevoir, à chaque croisée des rues, des projets de nouveaux condos : des pancartes annonçaient que certaines unités étaient déjà en vente, tandis que d’autres étaient en phase de construction — phases 1, 2, 3…
Par ailleurs, sur la rue Notre-Dame même, il reste peu de terrains vagues. Toutefois, il me semblait que la série d’antiquaires, de restaurants, et d’autres commerces variés ne pouvaient pas être fréquentés par les « héritiers » des résidents qui demeuraient dans ces quartiers il y a encore une génération.
Il n’y avait pas beaucoup de gens sur la rue en cette fin d’après-midi, un samedi, alors que les nuages couvraient la ville comme une gigantesque boîte à lumière. Plus mes pas m’amenaient vers l’est, plus je ressentais une impression de vide : il se dégageait de ces scènes urbaines une allure d’espace abandonné, vacant.

En passant les environs de l’École de technologie supérieure, j’ai présumé que c’était parce que les fantômes des quartiers d’autrefois s’étaient tus depuis longtemps. Il faut plus que de nouveaux édifices pour refaçonner une nouvelle âme des décombres des anciens. Il faut plus que de la volonté pour renaître.

Puis, rendu à la rue Berri, tout en me dirigeant vers la station de métro Berri-UQAM, je me suis rendu compte que c’était l’heure, pour moi aussi, de rentrer chez-moi, l’heure de transition entre le jour et la nuit, un samedi soir de juin.
Intérieurement, je me suis promis de revenir un jour retracer mes pas le long de ce même tracé — à une heure différente, une autre saison, dans le sens opposé. Cela reste à revoir.
Comme si on y était! Arpenter en votre compagnie; un réel plaisir. Bonne continuation
Gilles
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An interesting ‘flânerie’, what a lovely word.
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C’est une très belle visite, merci beaucoup.
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Ce que vous faîtes, moi je le fais en Gaspésie : me balader dans mon village natal en suivant, avec mon appareil-photo, la course du soleil, selon les heures du jour et les saisons.
J’ai beaucoup aimé votre texte qui décrit de fort belle façon une démarche semblable à la mienne mais dans un contexte urbain. Merci.
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