je chante selon cette voix

 

 

je chante selon cette voix qui me semble si près
il me semble qu’elle se cadence tout aussi près du chant

je chante selon cette voix qui chuchote à l’oreille
elle me semble quand je l’entends tout aussi près du chant

je chante selon cette voix qui bourdonne en silence
elle me semble à l’écran des couleurs tout aussi près du chant

je danse selon cette femme qui me semble si près
elle me semble aux parfums de ses bleus tout près du chant

je contemple selon cette voix qui m’envoûte à l’amour
elle me semble à la caresse des peaux tout près du chant

je danse selon cette guise qui me courbe les reins
elle me semble aux accents de ses aises tout près du chant

je chante selon cet air qui frissonne des lèvres
elle me semble quand je l’entends tout près du chant

je chante selon ce souffle qui me berce les paupières
il me semble que je m’endors tout aussi près du chant

je rêve selon cette voix qui me semble si loin

juillet 1973

 

vagabondages photographiques dans le métro… et ailleurs

pérégrinations — hebdomadaire, mensuelle, annuelle, c’est selon — d’une activité à une autre… le regard se promenant alerte pour saisir l’occasion…

… l’esprit plus ou moins vide, sans état d’âme, pour mieux saisir des coups d’œil furtifs, plus ou moins aléatoires, sans autre intention que purement esthétique, au quart de seconde…

… d’une station de métro à une autre… sur la ligne verte, à la jonction, à deux occasions, de deux lignes, la verte et l’orange, et à la sortie, se retrouver dans une ruelle…

… recentrer l’esprit…

pour examiner la suite de photos

Étude : au quart de seconde

 

me promenant, anonyme, la caméra pointée droit devant au bout du bras droit plus ou moins ballant, le doigt sur le bouton de déclenchement, sans qu’il y paraisse, déclenchant selon l’inspiration, à une vitesse d’obturation réglée au quart de seconde…

une suite de quatre déclenchements…

>>>>

dans la station de métro, me dirigeant vers l’entrée de la Grande Bibliothèque, montant sur l’escalier mobile, m’immobilisant quelques secondes sur le grand escalier face aux cages d’ascenseur, puis poursuivant ma marche dans un corridor, jusque vers la salle de la Collection nationale…

>>>>

>>>>

>>>>

 

 

animation souterraine

je regarde passer le métro qui arrive dans la station… sur la ligne verte… vers le centre de la ville… un matin d’hiver… j’embarque…

>>>>

 

à la station Berri/UQAM, je transfère, passant de la ligne verte à la ligne orange …

>>>>

>>>>

je débarque… me dirige vers l’escalier roulant, et je monte vers la sortie…

… selon la journée, tout au long de la journée, de la matinée jusqu’en soirée, ou selon l’humeur du jour … atelier, cours, musée, bibliothèque, café, taïchi, flânerie ……

……

… je vis au rythme d’une ville animée, exubérante…

>>>>

 

 

 

 

Transition

Samedi, le 1er avril 2017

Une dernière averse de neige… comme un dernier soupir de l’hiver…

Mardi, le 4 avril

Il pleut… beaucoup… fonte des neiges… on est bien au café…

Aujourd’hui, mercredi le 5 avril

Ce matin, je suis allé me faire couper les cheveux. J’ai remarqué, au passage, que le Dairy Queen était ouvert. En revenant chez-moi, j’ai entendu les outardes dans les nuages. Le printemps, bien que timide, arrive… Demain, on annonce des averses intenses de pluie; je retournerai à la Grande bibliothèque, poursuivre ma lecture de Dickens

American Notes : le parcours d’un livre

American Notes, de Charles Dickens. Exemplaire imprimé chez T. B. Peterson & Brothers, Philadelphie. Date de publication estimée : 1857

Pour poursuivre ma lecture de American Notes, de Charles Dickens, ce récit du voyage de six mois que le grand écrivain anglais a effectué, de janvier à juin 1842, en Amérique du Nord, je dois me rendre, sur place, à la Grande Bibliothèque.

Examinez les photos du livre, ci-haut et dans le billet précédent. C’est un vieux livre. Je tourne les pages avec précaution ; elles sont raides, comme du carton ; la reliure du livre est fragile.

Cet exemplaire du livre m’intrigue. La page titre nous informe que le livre a été imprimé aux États-Unis, à Philadelphie. Il n’y a pas de date, ni de mention de droit d’auteur, uniquement le nom et l’adresse de l’imprimeur. Au milieu du 19è siècle, les auteurs, dont Dickens, luttaient toujours pour faire valoir leurs droits sur leurs œuvres. Les Américains notamment, refusaient de reconnaître l’institution du copyright international. L’exemplaire que j’ai en main est forcément une publication piratée.

Je voulais en savoir plus, connaître le parcours de cet exemplaire spécifique.

Il y a quelques jours, une bibliothécaire de la Grande Bibliothèque m’a aimablement guidé dans ma recherche sur le parcours de ce livre. Elle m’a signalé d’abord que le livre avait fait partie de la Collection Gagnon, une collection d’une grande importance que je ne connaissais pas. Ensuite, naviguant dans l’Internet d’une source de renseignements à une autre, elle a réussi à retracer l’année de la publication de l’édition américaine de American Notes : cet exemplaire du livre a été publié aux États-Unis par T. B.  Peterson & Brothers, à Philadelphie, en 1857, il y a 160 ans.

***

La Collection Gagnon

La Grande Bibliothèque est l’une des constituantes de Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Elle est devenue dépositaire de diverses collections de documents lors de la fusion des activités de la Grande Bibliothèque et de la  Bibliothèque nationale du Québec il y a une quinzaine d’années, et de la fusion subséquente de la Bibliothèque nationale et des Archives nationales du Québec il y a douze ans.

Un fiche collée à l’intérieur de la couverture du livre nous informe que cet exemplaire fait partie de la Collection Gagnon. J’apprends que la Collection Gagnon est un véritable trésor bibliographique sur l’histoire de l’Amérique et particulièrement de l’Amérique française. Cette collection comporte des ouvrages et des documents très anciens, qui remontent jusqu’ au début des années 1500, soit jusqu’aux premiers récits des grandes explorations du continent américain. On y retrouve, entre autres, les écrits de Bartolomé de las Casas, qui a dénoncé dès le 16è siècle la barbarie des Conquistadors espagnols à l’égard des peuples amérindiens de l’Amérique. Cette collection contient aussi la première édition du récit des voyages de Jacques Cartier, les Voyages de Champlain, les Relations des Jésuites et d’autres récits de voyages et d’explorations.

Mais ce qui m’a le plus surpris, c’est l’origine de la Collection Gagnon.

La bibliothécaire m’informe que la Bibliothèque centrale de Montréal avait acquis cette Collection d’un certain Philéas Gagnon, un négociant de Québec, en 1910 ; que ce collectionneur avait assemblé sa collection sur une période de 35 ans, de 1875 jusqu’à 1910.

De retour chez-moi, je poursuis mes propres recherches. Le Dictionnaire bibliographique du Canada contient une notice biographique sur Philéas Gagnon. J’y apprends que Gagnon est un tailleur, qui a pignon sur rue à Québec. Ce négociant, dès le début de la vingtaine, commence à s’adonner à la collection de livres.

Malgré une formation scolaire relativement mince et de modestes revenus de tailleur, Gagnon réussit, par des achats judicieux dans les nombreuses ventes à l’encan locales, par l’utilisation d’encarts publicitaires dans des revues spécialisées même étrangères, et par la publication de ses propres catalogues de vente, dans lesquels il offrait le surplus de ses acquisitions, à se bâtir une collection que ses contemporains, historiens, chercheurs et littérateurs, à la fois plus scolarisés et mieux nantis, allaient reconnaître comme la meilleure et la plus complète au Canada.

En 1895, ce « modeste » tailleur publie, à compte d’auteur, un essai de bibliographie canadienne qui révèle la richesse de sa collection. Cette publication lui vaut une nomination au poste de conservateur des Archives judiciaires du District de Québec en 1898. Déjà, il travaillait à pérenniser son œuvre. Il cherche à vendre sa collection à des intérêts américains ; le gouvernement du Canada ne saisit pas l’occasion. Finalement, c’est la Bibliothèque de Montréal qui l’acquiert.

***

C’est dans un tout autre esprit, que je retournerai la semaine prochaine à la Grande Bibliothèque pour poursuivre ma consultation de ce livre. Je le manipulerai avec encore plus d’attention… avec un sentiment de reconnaissance à l’égard de ce modeste tailleur qui nous a légué un trésor.