L’écriture est un acte physique

... une pensée rendue visible
… une parole ou une pensée rendue visible

Il y a cinq siècles, un abbé bénédictin, Johannes Trithemius, a rédigé un traité, De Laude Scriptorium ( L’Apologie des scribes ), où il s’évertuait à justifier pourquoi il fallait continuer à fabriquer des livres, en les copiant à la main, un par un, comme on le faisait dans les monastères depuis plus d’un millénaire. Les moines de sa congrégation résistaient à l’accomplissement de cette obligation de nature religieuse. Ils soutenaient que ce travail était devenu superflu, sinon insensé, depuis l’avènement de l’imprimerie un demi-siècle plus tôt.

Il est vrai que cette innovation était venue remettre en question le régime de vie des Bénédictins ; la règle de Saint-Benoît dicte aux moines de pratiquer un travail manuel quelques heures par jour. Trithemius le souligne ( traduction libre de ma part ) :

De tous les travaux manuels, rien n’est aussi en accord avec le statut des moines que de copier l’écriture sainte avec zèle.

L’exhortation d’un prêcheur est perdue avec le passage du temps ; le message du scribe demeure pendant des années.

L’écriture est un travail manuel

Encore aujourd’hui, alors qu’on privilégie l’écriture au clavier et qu’on délaisse l’écriture au crayon, au stylo ou à la plume, on persiste à qualifier de « manuelle » l’écriture cursive par opposition à l’écriture sur clavier, comme si les doigts ne faisaient pas partie de la main. Quel que soit l’instrument dont on se sert, l’écriture demeure toujours une activité physique, un geste, un geste physique.

On comprend que cet abbé aimait écrire. Celui qui avait peu de tolérance pour les moines qui succombaient aux tentations induites par l’oisiveté, s’employait à trouver des arguments pour justifier son propre plaisir, au nom du service de son dieu :

… mon être entier est plein de ce désir et de ce plaisir d’écrire ( … in solo viget pectore desiderium et amor scriptoris. )

Que ce soit pénible ou plaisant, une corvée ou une jouissance, l’écriture est un travail physique. C’est ma main qui dirige cette plume qui trace son sillage d’encre sur une feuille de papier. Ce sont mes doigts qui dansent sur mon clavier.

Tous les scribes, écrivains ou commis, le savent : l’écriture est une parole ou une pensée rendue visible.

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Ces écritures imaginées …

Trou de mémoire

Depuis quelques jours, je poursuis, au rythme de la lenteur, ma lecture des Chroniques d’Hector Fabre. C’est un véritable plaisir de lire Fabre, un écrivain « … qui ne cesse de manier un humour délicat », selon le critique du Devoir ; il a offert à ses lecteurs une prose légère, souvent ironique, narquoise, moqueuse, nullement comparable à celle de ses contemporains, Louis Fréchette ou Arthur Buies, pour n’en nommer que deux …

Ce matin, le passage suivant capte mon attention ( page 146 de l’édition de 2007 – lien ci-haut ) :

Le journaliste arrive à son bureau. Installé dans son fauteuil, il se demande sur quoi il va écrire aujourd’hui. Pas le moindre sujet d’article. C’est en vain qu’il repasse en sa mémoire les vieux thèmes sur lesquels il a tant de fois brodé d’étincelantes variations : la verve tarde à s’allumer.

Quel écrivain, surtout un chroniqueur (ou un journaliste tourmenté par un implacable échéancier), ne s’est pas retrouvé, à plus d’une reprise, angoissé devant une feuille blanche de papier ?

De toute évidence, et bien qu’il suggère le contraire, Fabre ne se complait pas longtemps devant une page blanche.

Fin créateur, il libère les cellules du cerveau et laisse les idées s’envoler dans sa conscience pour saisir, tel un chasseur de papillons expérimenté, la première qui virevolte à la portée de son filet. Il reconnaît toutefois, vaciller quelques instants, à tenter de se remémorer ces « vieux thèmes », comme il les qualifient, qui se sont dissipés dans les limbes de ses flâneries.

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Dernière journée à Lyon — visite de la Croix Rousse en matinée…

Mercredi 13 octobre, Lyon :

un retour aux sources des mouvements ouvriers modernes en Occident

C’était notre dernière journée complète en France. Rappelons qu’il y avait grève générale ce jour-là en France.

Nous décidons de visiter le quartier de la Croix Rousse en matinée. Une visite opportune en quelque sorte, étant donné le climat social en France.

La Croix Rousse, vue de la rive droite du Rhône…
toute une colline à monter.

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