Les grands explorateurs français de la Nouvelle-France
Les premiers Européens qui ont exploré tout le territoire que nous traversons depuis une dizaine de jours ont été des Français : des explorateurs, des aventuriers, des coureurs de bois. Ces derniers ont commercé avec les autochtones et certains ont établi des racines. Ils y ont pris femme et fait des enfants, leur laissant leurs noms.
Au sud de l’Illinois, ils ont établi des fermes, des villages et des forts plus permanents. On trouve aussi leurs traces partout, jusqu’aux Rocheuses : noms de lacs et rivières, de villes et de villages, de rues… Des Moines, Eau Claire, Belle Plaine, Belle Fourche, Cœur d’Alène.
La mémoire est une faculté sélective. La mémoire des peuples choisit de cultiver certains souvenirs plus que d’autres; elle évolue aussi avec le temps. Les gens de cette grande région du Middle-West que nous explorons à notre tour, au début du 21è siècle, savent que l’origine de beaucoup de ces noms est française. Ils n’en savent guère plus cependant. Les Américains sont en général assez discrets sur le rôle qu’ont joué les Français dans la région.Lire la suite …
Dès qu’on descend du train de banlieue à la station LaSalle au cœur du quartier financier de la ville de Chicago, on change de rythme de vie. Ici, pas question de « slow travel » ou de « slow food », ou tout simplement de ralentir… on accélère plutôt le pas, vite, brusquement, tout de suite!
Après avoir quitté notre camping en banlieue ouest de Détroit, nous aurions pu atteindre Chicago au cours d’une seule journée. Nous avons choisi de le faire en deux jours.
C’est un voyage au long cours que nous effectuons. Des centaines, des milliers de kilomètres — quelques milliers de « miles », puisque nous sommes aux USA. À l’automne dernier, en France, nous nous sommes rendus compte, que pour ce genre de voyage, il est important de se rythmer. Il est facile de s’épuiser si on n’y porte pas attention. La fatigue peut ruiner le plaisir, atténuer les sens… On devient impatient, on n’écoute plus, on regarde mais on voit moins, on se ferme l’esprit.
C’est pour cette raison que nous éviterons, autant que cela est possible, d’additionner les milles au cours d’une même journée : trois heures de route, si nécessaire quatre… Exceptionnellement, et parce que nous n’aurons pas le choix, il y aura des journées où nous devrons accumuler cinq heures de route ou plus. Nous nous relayons derrière le volant et nous nous offrons le luxe de pauses fréquentes.
Le paysage du Michigan ressemble à celui de la province canadienne voisine, l’Ontario, que nous connaissons très bien. Mais les aires de repos installées le long de la I-94 sont très différentes de celles parsemées le long de la 401, de la frontière du Québec jusqu’à Windsor.
Les centres de services de l’Ontario sont commerciaux. Les aires de repos du Michigan n’offrent que les services essentiels : toilettes, machines distributrices, tables de pique-nique, présentoirs de dépliants touristiques publicitaires. Elles sont bien aménagées. C’est dans ce décor très agréable que nous avons diné, dehors, sur une table de pique-nique, à l’ombre, par une belle journée ensoleillée.
Aire de repos typique du Michigan
Ce qui étonne aussi en voguant sur l’autoroute I-94 au Michigan, c’est le nombre de carcasses d’animaux morts qu’on observe sur le bord de la route : des chevreuils (cerfs de Virginie) surtout, mais aussi des animaux plus petits. Quiconque a déjà vu un chevreuil traverser la route devant soi alors que la voiture file à 100 km/h, sera partagé entre l’admiration et la peur. On est impressionné par la beauté et l’agilité de l’animal. Mais on comprend vite à quel point une collision avec un chevreuil peut être dangereuse, voire fatale autant pour l’animal que pour les personnes qui se retrouvent dans le véhicule. En Illinois qu’on a dressé des affiches sur le long des routes, pour recommander la prudence à l’égard d’animaux comme les chevreuils. Étonnamment, nous avons observé beaucoup moins de cadavres d’animaux dans les autres états.
Nous avons quitté l’autoroute I-94 afin de faire le plein d’essence. C’est à ce moment que nous avons choisi de rouler vers le sud plutôt que vers l’ouest, sur des routes secondaires moins achalandées, à deux voies qui s’opposent, en direction de l’Indiana et de notre terrain de camping tout près de Grand Bend. Nous y sommes arrivés assez tôt en après-midi. Auparavant toutefois, nous nous sommes arrêtés sur le bord de la route, pour faire une petite épicerie.
Nous y avons demandé si nous pouvions payer avec un chèque de voyage d’American Express. La gérante du magasin nous a raconté qu’elle avait utilisé des chèques de voyage lorsqu’elle avait accompagné son mari en Europe à plusieurs occasions, alors que celui-ci travaillait toujours pour IBM. « But you know, these times are over now… », a-t-elle ajouté, d’un ton nostalgique, résigné… Nous n’avons pas cherché à connaître ce que signifiait cette remarque.
Le lendemain, un dimanche, nous avons repris la route… sans nous presser : de nouveau, une autoroute, la I-90 cette fois, jusqu’à Joliet, en banlieue ouest de Chicago. Juste avant de passer de l’Indiana à l’Illinois, nous nous sommes arrêtés dans une aire de repos : un centre de service où on a le choix de fréquenter plusieurs restaurants… pas de table de pique-nique. Nous mangeons dans notre autocaravane, à côté de camions beaucoup plus gros.
Entre deux camions : le semi-remorque MARINES.COM et le camion à louer orange PENSKE, dans une halte routière sur l’autoroute I-80/90 en Indiana
Bienvenue en Illinois
Encore une fois, nous arrivons tôt au camping. Nous y passerons quatre jours avant de reprendre la route. Il fait chaud, très chaud : le thermomètre oscille entre 30 et 36 C.
On se repose… le lendemain, nous entreprenons notre visite de la ville de Chicago.
Détail d’une des gigantesques murales de Diego Rivera au DIA
3 juin 2011 : Jour 5
Détroit a tellement mauvaise réputation que nous allions contourner la ville sans nous y arrêter. Ç’aurait été dommage. Il y a quelques semaines, en fouinant sur l’Internet, j’ai lu un article sur un site d’information « alternatif » : on y faisait état des efforts de groupes de citoyens pour revitaliser leur ville, Détroit. Quelques jours plus tard, j’ai lu un autre article, dans le New York Times cette fois, qui suggérait au lecteur quelques endroits à visiter, tout en faisant aussi état de la volonté des autorités municipales de rehausser la réputation de leur ville. J’ai donc poursuivi ma recherche. C’est ainsi que j’ai décidé d’insérer une courte visite de cette ville dans notre itinéraire de voyage.
C’est dans le cadre de ma recherche que je découvre le DIA. Une visite au Detroit Institute of Arts s’impose à mon esprit pour trois raisons principales : sa galerie d’art amérindien, le hall des murales de Diego Rivera et la galerie d’art américain.
Lorsque nous nous sommes inscrits au camping Detroit Greenfield RV Park en banlieue de Détroit, j’ai demandé aux deux personnes à l’accueil si la visite du complexe Henry Ford en valait la peine. Elles ont esquissé un grand sourire, celui des personnes qui connaissent un secret qu’elles veulent bien partager. Elles m’ont assuré que oui, mais qu’il nous faudrait prévoir d’y passer beaucoup plus qu’une journée pour tout voir.
Visiter le Greenfield Village, c’est faire un voyage dans le temps. On retourne à l’époque où Thomas Edison et Henry Ford inventaient respectivement l’ampoule électrique et l’automobile, tandis que les frères Wright devenaient les premiers à s’envoler dans le ciel et que Noah Webster rédigeait un nouveau dictionnaire de la langue américaine.
C’était une période magique pour une nation encore jeune, qui venait de sortir de l’épreuve traumatisante d’une guerre civile, qui croyait dans sa destinée; c’était une société qui se voulait ouverte et accueillante, qui s’épanouissait : tout était possible… un modèle pour le reste de l’humanité. On croyait à l’Amérique, à ses espaces immenses, ses richesses, son potentiel…
Il y a, bien entendu, deux côtés à toute médaille. C’est probablement une tout autre histoire, un tout autre point de vue que les descendants des premiers habitants du continent nous raconteront de cette même époque lorsque nous traverserons les grandes plaines dans quelques semaines.
Noah Webster est présenté comme étant le maître d’école de la nation. Est-ce qu’on respecte autant aujourd’hui les maîtres et maîtresses d’école de la nation comme le faisaient les générations qui nous ont précédés?
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Henry Ford est devenu très riche en inventant le processus continu de fabrication des automobiles. Au cours des années 20, il décide de financer non seulement la construction d’un musée, mais aussi la reconstitution d’un village typique des États Unis de la fin du 19e siècle. Il fait démonter et reconstituer le laboratoire de son ami Thomas Edison, ainsi que d’autres édifices typiques de cette époque : le magasin général, les ateliers de mécanique générale, une ferme, etc. Le complexe Henry Ford est une institution d’éducation populaire; toute personne curieuse de mieux connaître une version de l’histoire et de la société américaine d’il y a une centaine d’années y apprendra bien des choses.
C’est étonnant de constater à quel point on prend pour acquis plusieurs de ces inventions, comme celle de lumière électrique, qui ont été élaborées, expérimentées et mises en œuvre à grande échelle à cette époque.
Reconstitution de la centrale électrique expérimentale de Thomas Edison. Il fallait générer beaucoup de pouvoir pour illuminer une ville artificiellement la nuit.
Un arrêt à la Eagle Tarvern, pour le lunch…
Un plat traditionnel délicieux, une bière excellente, une expérience agréable…
Le temps d’un digestif, avant de retourner flâner dans le village…
L’intérieur de la rotonde du dépôt ferroviaire adjacente à la gare de triage
Un tour autour du village
Il est intéressant de se promener ainsi, pendant toute une journée, et de jaser avec les « guides ». C’est là qu’on découvre un autre visage de l’Amérique : celui de l’Amérique d’aujourd’hui. L’observateur qui écoute et observe attentivement pourrait soupçonner qu’il y a des fissures sous la façade. De tous petits détails sont révélateurs.
Un grand nombre de ces « guides/présentateurs » sont des personnes assez âgées. C’est bien et c’est là un grand avantage d’avoir des personnes qui ont connu une autre époque pour parler aux plus jeunes en connaissance de cause de certains aspects de la société d’il y a un siècle. Par contre, certains commentaires de ces guides, glissés au sein d’une conversation nous suggèrent un autre portrait de l’ambiance qui règne au sein de l’Amérique d’aujourd’hui.
Certains apprécient d’avoir un emploi à temps partiel, pour une partie de l’année : « Cela me tient occupé », de dire un tel. Celui-là connaît très bien l’édifice où il « travaille », ainsi que la fonction qui y est attachée. Il a plaisir à expliquer comment fonctionnait tel appareil, quelle était son importance. L’autre, dans la bâtisse d’à côté, est mal à l’aise lorsque nous lui demandons des questions trop précises. Tel autre déplore le fait que les guides ont un horaire et qu’ils ne sont pas assignés à une tâche particulière; ils doivent apprendre plusieurs routines. La rotation les importune. Un dernier se sent obligé de justifier son comportement devant un superviseur.
Passant devant la pension de Sarah Jordan
Lorsque nous exprimons l’avis, d’un ton léger, que ce doit être un plaisir de conduire une vieille voiture Ford d’époque, le guide répond poliment, sans le dire expressément, que « c’est un emploi, pas très bien rémunéré ». Combien de ces gens, dont certains étaient des professionnels à une époque récente, travaillent plus par obligation que par intérêt? On devine que la crise économique se profile en arrière-plan.
On est loin de l’atmosphère qui régnait dans ce même pays il y a cent ans.
Sur le pont Champlain, à la frontière du Québec et de l’Ontario… le début du voyage
Le 30 mai, nous partons à nouveau pour un long voyage de plusieurs semaines. Nous irons jusqu’au Pacifique, en traversant les Grandes plaines américaines et les Rocheuses. On franchira les frontières non seulement du Canada et des USA, mais aussi celles de nombreux états américains.
Moins de quinze minutes après le départ, nous traversons la première, celle de l’Ontario et du Québec.
Depuis trois jours, nous avons parcouru environ 900 kilomètres.
Le deuxième jour, nous avons fait une escale à l’usine où fut fabriquée notre autocaravane il y a sept ans : une Roadtrek 200 Versatile. Ce véhicule deviendra notre appartement mobile au cours des prochaines semaines. Notre guide nous a expliqué que l’activité dans l’usine était beaucoup moins intensive aujourd’hui qu’il y a trois ans. Ils fabriquent une douzaine de véhicules récréatifs par semaine présentement; il y a trois ans, le rythme de production était plus du double — trente-deux par semaines, lorsqu’ils fonctionnaient à pleine capacité. La crise économique a touché l’industrie des véhicules récréatifs durement.
J’ai été particulièrement impressionné du souci de la qualité du produit qu’on livre au client. Notre véhicule est conçu pour durer des années. C’est rassurant.
C’est ce matin, au début de la troisième journée de notre périple que nous avons traversé la frontière américaine, à Port Hope, Michigan.
Sarnia ON — Port Huron MI
Le passage à la douane a été relativement facile et rapide. La douanière nous a demandé si nous transportions divers aliments : poivrons, citrons et autres agrumes, tomates. Nous en avons été quitte pour lui laisser deux citrons et une dizaine de petites tomates cerises. Le plus ironique, c’est que nous avons acheté ces produits originaires des USA chez un marchand de fruits et légumes de chez-nous. Cet après-midi, nous avons fait une épicerie aux USA, non loin du terrain de camping que nous avons réservé pour quelques jours. Nous y avons trouvé des tomates cerises, importées du Mexique… allez y comprendre quelque chose.
Demain, c’est dans le temps que nous irons voyager : nous nous baladerons dans une reconstitution d’un village américain composé d’édifices datant de la fin du 19e siècle. Le lendemain, nous avons l’intention d’aller visiter le Detroit Institute of Art.