Il y a quelques semaines, à l’occasion du Salon du livre de Montréal, j’ai eu le plaisir de rencontrer et de parler longuement avec la romancière Anne-Marie Sicotte. Elle y faisait la promotion de son dernier roman, Les tuques bleues, qui vient de paraître chez Fides. Étant donné le sujet de ce livre, un récit qui se déroule à l’époque de la Rébellion des patriotes, j’en ai profité pour lui poser une question qui me taquine l’esprit depuis des mois.
On sait que trois batailles ont eu lieu dans les régions du Richelieu et de Deux-Montagnes, lors de la Rébellion des patriotes en 1837-1838. Que s’est-il passé à Montréal à cette époque ? Elle m’a répondu que, selon sa recherche, le parti au pouvoir y faisait régner un véritable régime de terreur politique.
Tout en parlant de son nouveau roman, elle m’a informé qu’elle avait rédigé deux autres romans, dont l’histoire précède et mène au dernier qu’elle vient de terminer, tout en soulignant qu’il n’est pas nécessaire de les avoir lus pour entamer la lecture du dernier.
Il y a quelques jours, j’ai commencé à lire le premier roman de la série, Le pays insoumis. Ce faisant, je m’immerge dans la crise politique qui secoue le Bas-Canada en 1826-1827. L’action se déroule principalement à Saint-Denis et et à Montréal. S’y opposent la minorité de l’occupant britannique et la population majoritaire en nombre, mais minoritaire sur le plan politique, du peuple canadien (les Anglais n’avaient pas encore adopter le vocable canadien à l’époque).
La romancière y décrit l’atmosphère tendue entre les parties. Le pouvoir politique qui crée un climat de peur et de provocation au sein de la population, contre la résistance du peuple canadien qui s’oppose à l’autorité arbitraire de ce pouvoir.
Je ne peux pas m’empêcher de réfléchir : cette évocation de l’instrumentalisation de la peur à des fins politiques m’apparaît comme étant très familière, voire d’actualité. En réalité, n’est-elle pas présente en permanence dans nos vies ? L’instrumentalisation de la peur, de la terreur, est une constante dans l’histoire, non seulement ici au Bas-Canada / Québec, mais un peu partout dans le monde.
Depuis quelques jours, je prends des notes sur des bouts de papier, dans mon carnet et dans mon journal personnel. Comment ai-je vécu ce genre de peur, et depuis combien longtemps ? Je constate que ces angoisses, ces peurs ont été multiples et qu’elles ont évolué avec le temps. À quel point ai-je intériorisé ces peurs ? M’en suis-je créé ? Certaines de ces peurs ont-elles été héritées… sur plusieurs générations ? Comment différencier entre des peurs imaginées et celles qui ont des fondements dans la réalité ?
Et j’en viens à me poser une autre question, encore plus fondamentale : la peur ( de nature politique ) est-elle soluble dans une démocratie ? La réponse à cette question, à toutes ces questions, est fort complexe.
Il y a longtemps, plus d’un quart de siècle, c’était le « communisme ». Aujourd’hui, c’est le « terrorisme », et surtout sa variante « islamiste ». D’autres peurs nous ont angoissés au cours des ans : la peur d’un conflit nucléaire, par exemple. Plus récemment, la peur de la détérioration de notre environnement, de la détérioration de l’écologie… des conséquences imprévues et difficiles à imaginer du changement climatique…
Pour tirer au clair cette question, je me suis mis à lire, en parallèle avec celle du roman de Sicotte, d’autres livres, des essais qui m’ont déjà éclairé sur ce sujet : celui de Maurice Merleau-Ponty, notamment, Humanisme et terreur, et celui, plus récent, de Corey Robin, Fear : The Story of a Political Idea.

Tant de questions : autant de sujets d’autres chroniques… à suivre.