Apprendre à écrire est un processus long et complexe, un des plus difficiles qui soit.. Quel que soit l’instrument que l’enfant apprend à utiliser, un crayon ou un clavier, cela n’a rien d’intuitif. On a tendance à penser que c’est un exercice intellectuel. Dans un premier temps, c’est d’abord un exercice physique.
On apprend à écrire comme on apprend à pratiquer une discipline artistique ou sportive. Dans tous les cas, que ce soit pour le piano, le tennis ou l’écriture, le processus d’apprentissage exige de la patience et de la détermination.
L’écriture d’abord…
Dans un premier temps, il faut apprendre la base : l’alphabet. D’après les études de chercheurs, la plupart des enfants ne maîtrisent pas les habiletés nécessaires à cet apprentissage avant l’âge de cinq ou six ans. L’enfant doit auparavant acquérir une motricité fine du bras, de la main et des doigts, pour apprendre à écrire ( à la main ).
Yves Leroux, qui est docteur en psycho-éducation, soutient que l’apprentissage de l’écriture doit être organisé.
On ne peut pas laisser les enfants découvrir seuls la manière de tracer les lettres et de les lier. …
… Une compréhension de l’acte même d’écrire paraît indispensable pour concevoir son apprentissage. Il s’agit alors de l’appréhender non seulement chez l’adulte, mais aussi et surtout chez l’enfant qui l’apprend, en tenant compte de son niveau de développement. Autrement dit, les enseignants ne peuvent faire l’économie ni d’une connaissance de l’acte d’écrire ni d’une connaissance du développement de l’enfant.
Il importe donc de bien connaître l’enfant d’abord, son niveau de développement intellectuel, émotif et physique. Est-il disposé, veut-il apprendre à écrire ?
Connaître la physiologie de l’acte d’écrire est loin d’être superflu. Il faut montrer à l’enfant comment tenir l’instrument d’écriture dans sa main, le guider dans la posture physique à adopter. ( Est-ce différent pour le hockey ou la flûte ? )
Nos muscles sont innervés de tout un réseau de mécano-récepteurs qui détectent la longueur et les changements de longueur des muscles. Apprendre à écrire consiste à programmer toute une série de mouvements, de sorte à contrôler le geste de tracer chaque lettre, jusqu’à que cela devienne un automatisme. Le cerveau doit apprendre des codes : on moule notre cerveau en tissant des programmations de gestes, on le façonne en apprenant à écrire ( Jean-Pierre Roll, Fédérick Albert, Edith Ribot-Ciscar et Mikael Bergenheim, La main écrit sur le papier … et sur le cerveau, dans Approches en sciences cognitives, Presses de l’Université de Provence, 2004).
Ainsi, selon ce point de vue, il y aurait une différence fondamentale entre apprendre à écrire à la main et apprendre à écrire en se servant d’un ordinateur. Pour l’instant, les chercheurs qui ont étudié cette question estiment qu’il y a des avantages et des inconvénients pour chaque approche. Par exemple, les enfants qui apprennent à écrire à la main mémorisent plus facilement et reconnaissent plus rapidement une variété de caractères au moment de lire ; d’autre part, les enfants qui apprennent à écrire sur un ordinateur doivent d’abord à apprendre à chercher les caractères sur le clavier et à coordonner l’activité de tapoter sur un clavier avec celle d’en voir le résultat sur un écran.
Dans le cas de l’écriture manuelle, le cerveau doit créer un programme distinct pour chaque lettre de l’alphabet. Il faut pratiquer ces gestes des milliers de fois pour parvenir à bien l’exécuter. Or, comme on le sait, il ne suffit pas que l’enfant ait appris à transcrire un son en signe visible, il faut encore apprendre à agencer ces signes entre eux pour donner vie à un mot. L’orthographe de certaines langues rend cette tâche plus ou moins difficile.
Lorsque le geste devient presque automatique, il faut ensuite apprendre les éléments de base de la grammaire : comment on structure une phrase, comment on tisse les mots pour exprimer une pensée, transcrire une parole. Ce processus prend du temps, une dizaine d’années, et même plus, pour en arriver à maîtriser l’art d’écrire à des fins professionnelles.
Et le sport…
La comparaison avec l’apprentissage nécessaire à la maîtrise d’une activité sportive est instructive. Il faut d’abord maîtriser les automatismes avant d’en arriver à acquérir la capacité de développer des stratégies de jeu : lancer le même ballon des milliers de fois, sur de longues périodes de temps, calculer la distance nécessaire, la hauteur et la force à appliquer, apprendre à le faire tourbillonner, pour parvenir à le placer dans le panier. Lorsqu’on joue à l’extérieur, que ce soit pour lancer une balle de baseball, ou pour donner un coup de pied sur un ballon, il faut tenir compte des conditions atmosphériques. Si j’effectue une passe à un coéquipier, je dois tenir compte de sa localisation et s’il est en train de courir, je dois estimer sa vitesse et en fonction de la direction de sa course.
Il faut dégager le cerveau, avoir appris ces automatismes, pour lui permettre de se concentrer à la planification de l’exécution et à l’ajustement constant en réponse aux conditions de l’environnement. La simulation de ces activités en se servant d’ordinateurs, tels que les jeux virtuels, peuvent permettre de perfectionner la gestuelle, mais ne remplace pas la pratique en situation réelle.
Que ce soit pour le hockey, la danse, le dessin ou l’écriture, le talent ne suffit pas. Il faut travailler pour devenir compétent, pour exceller.
Extraits de mon Journal sur l’écriture
18 novembre 2008
Selon le Petit Robert,
Écriture : anglaise, gothique, carolingienne, acte d’écrire, manière personnelle dont on trace les caractères en écriture… avoir une belle écriture.
Style : aspect de l’expression chez l’écrivain. Vient du mot latin
« stylus », le style, un poinçon servant à écrire.
Écrire avec un porte-plume évoque de vieux souvenirs. Ligne par ligne, on alignait chaque lettre et on recommençait, jusqu’à ce soit parfait, aussi parfait qu’on pouvait le faire selon nos habiletés. On cultivait en même temps l’attention. C’est ainsi que j’ai appris à écrire.
Qu’est-ce qui pouvait bien me pousser à perfectionner cette pratique ? Plus tard, à l’adolescence, j’ai poursuivi en expérimentant diverses « mains » d’écriture, dans une recherche identitaire de mon propre style.
Le 22 décembre
Il n’y a pas si longtemps que l’apprentissage de l’écriture cursive était un préalable, le socle d’une démarche de scolarisation. Il fallait apprendre à modeler chaque lettre, chaque mot, chaque phrase, à la main. Au secondaire, on pouvait apprendre à dactylographier, mais c’était facultatif.
Ce n’est que vers la fin du 19è siècle, au début du 20è, que l’école publique est devenue obligatoire dans la plupart des pays occidentaux. L’état y a vu son intérêt. S’il s’est senti obligé de légiférer, c’est qu’il y avait résistance. Mais la société devenait de plus en plus complexe et l’économie avait besoin d’une main d’œuvre plus scolarisée. Dans un environnement où il n’y avait pas encore d’outils mécaniques d’écriture, ni de machines pour copier des documents, un plus grand nombre d’entreprises, de toutes tailles, avaient besoin d’une armée de commis qui savaient bien écrire à la main, et bien compter.
Aujourd’hui, il semble qu’on néglige de plus en plus l’apprentissage de l’écriture manuelle. On pratique de moins en moins l’écriture cursive. On se contente de montrer aux élèves comment mouler leurs lettres. Voire que, dans certains milieux, on envisage d’abandonner cet apprentissage pour se concentrer sur l’apprentissage de l’écriture numérique. Il est vrai que c’est beaucoup plus facile d’apprendre à tapoter que d’apprendre à écrire. Et pourtant, l’écriture manuelle demeure omniprésente dans notre société.


Le 6 janvier 2010
Le doigt, l’index, a été l’instrument d’écriture de base jusqu’à l’avènement de la machine à écrire, il y a bientôt 150 ans. Presque tous les instruments d’écriture qu’on a utilisés depuis cinq millénaires sont des extensions de notre index : du bâtonnet traçant des marques sur de l’argile à Babylone jusqu’à la plume-feutre, de la plume d’oiseau à celle, métallique, qui porte un réservoir. Il n’y a guère plus d’un quart de siècle que la grande majorité des scribes ont commencé à écrire avec leur dix doigts et deux mains.
Il est évident que l’agilité que permet la clavier électronique facilite l’accélération de l’écriture ( et d’aucuns ajouteraient, pas uniquement de l’écriture ). Il est cependant difficile de jauger quelle est la signification de cette évolution. Les jeunes qui sont venus au monde au moment où le réseau de l’Internet s’établissait et étendait ses nœuds, ses dendrites, et prolongeaient nos synapses sur toute la surface de la terre, sont les premiers à ne pas avoir connu la transition d’un système à un autre.
J’ai appris à écrire à la main. L’adoption d’une nouvelle technologie n’a pas modifié les fondements de mon apprentissage. L’utilisation du clavier facilite la rédaction et créé des attentes : je voudrais pouvoir écrire aussi vite à la main, avec mon index, aussi rapidement que je le fais avec mes dix doigts. Ce n’est que tout récemment que je m’interroge sur la signification de cette transition.
Notes de lectures — références sur l’apprentissage de l’écriture:
Yves Leroux, Comment les enfants apprennent à écrire, dans Enfance et PSY 2003-4 ( no. 24 ), pages 81 à 89
Jean-Pierre Roll, Frédérick Albert, Edith Ribot-Ciscar et Mikael Bergenheim, La main écrit sur le papier… et sur le cerveau, dans Écritures, Approches en sciences cognitives, sous la direction de Anne Piolat, Presse de l’Université de Provence, Aix en Provence, 2004
J. L. Velay, M. Longchamp, M.-T Zerbato-Poudou, Le stylo et le clavier, dans Écritures, Approches en sciences cognitives…
Mises en jeu du corps dans l’écriture et la lecture numériques : quelles répercussions cognitives et cérébrales?, article publié sur le site Web de l’Association nationale des documentalistes de l’enseignement privé
( tel que saisi le 14 août 2015 )
Wow..that is an in depth article! Yes, I agree..we are losing the art and plot even. We do not seem to care nor value the beauty in handwriting anymore and now, with computers..probably lost forever more. I must say, I rarely write a letter to anyone anymore, it is all done my e-mail. Shame , shame but ‘progress’ cannot be halted.
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Intéressant. Propos qui soulève chez moi beaucoup de réactions. Mais je ne ferais un article sur votre article… qui aborde beaucoup d’aspects, de façon bien documentée. Il y a tellement d’hypothèses et de théories sur ces questions…
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et j’aime beaucoup les photos, surtout les fautes d’orthographes qui donne un sens amusant au propos. lol
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donnent,
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