Santa Fe – Terminus

La Plaza de Santa Fe, avec le Palais des gouverneurs au bout de la rue. Autrefois, il n’y avait pas d’arbres, ni de bancs pour se reposer. La Place est aujourd’hui un parc. Les Indiens vendent leurs oeuvres d’artisanat à l’ombre, devant la Palais des gouverneurs. La Place est entourée de boutiques qui vendent des objets de luxe à une clientèle principalement constituée de touristes.

Mercredi 22 juin, sur la Old Santa Fe Trail, jusqu’à la Plaza de Santa Fe

Depuis quatre siècles, tous les voyageurs qui arrivent à Santa Fe se hâtent d’abord vers la Plaza Santa Fe, devant le Palais des gouverneurs, le centre historique de cette ville envoûtante.

Il y a environ un peu plus d’un siècle et demi, comme l’illustre le tableau suivant, la Plaza de Santa Fe était le point d’arrivée, la destination de tous les entrepreneurs américains qui s’étaient rassemblés en divers points, au Missouri, pour se lancer à l’aventure sur la Piste de Santa Fe, pour aller échanger des biens avec des clients au Nouveau-Mexique.

À l’inverse, pour les Mexicains qui quittaient Santa Fe en direction opposée, la même Plaza de Santa Fe était un point de départ.

La plupart de ceux qui s’embarquaient dans cette aventure, des commerçants surtout, faisaient le trajet dans les deux sens. La Piste de Santa Fe était d’abord et avant tout un couloir de commerce international. Il faut savoir aussi que la Plaza de Santa Fe était un lieu de rencontres : la route qui menait vers les régions plus au Sud du Mexique, El Camino Real de Tierra Adentro, ainsi que celle qui menait vers l’Ouest, la Californie, se rejoignaient toutes à cette même Plaza.

Dans les musées et les sites historiques nationaux situés plus au Nord et à l’Est, de La Junta ( au Colorado ) à Independence ( Missouri ), on évoque surtout les noms des entrepreneurs américaines. Plus au Sud, au New Mexico Museum of History à Santa Fe, ou au musée local à Trinidad ( Colorado ), on nomme aussi des entrepreneurs néo-mexicains qui se sont aventurés sur cette voie commerciale.

Animé par la curiosité…

J’étais curieux d’aller retracer ce trajet, les derniers pas jusqu’à la Plaza de Santa Fe… de reconnaître les dernières ou les premières longueurs,  selon le point de vue, de cette Piste.

C’est à partir du pont qui enjambe la rivière de Santa Fe ( à vrai dire, plutôt un ruisseau qu’une rivière ), que je me suis dirigé vers l’Est, à  la rencontre d’une caravane imaginaire… qu’on attendait depuis quelques jours, puisque des gens des villages voisins venus à cheval nous avaient avertis qu’une caravane arrivant de Independence, Missouri, était en route, aux environs de Pecos.

Santa Fe - Old Santa Fe Trail 2
À gauche, à quelques coins de rue de la Plaza Santa Fe, sur l’ancienne Route 66 qui, à cet endroit se superpose à l’ancienne Piste de Santa Fe : le Garrett’s Desert Inn. Les voyageurs qui arrivaient de Independence Missouri, vers 1840, 1850, aurait certes apprécié s’y installés.

À l’époque, en 1830, on n’aurait pas aperçu un motel à gauche, sur la route, à quelques pas de la Plaza.

Ce n’est qu’à partir de 1846 que le Nouveau-Mexique a été cédé aux États-Unis, de force, en vertu d’un traité mettant fin à la Intervencion norteamericana en Mexico.  Santa Fe a conservé son statut de capitale du territoire. Des bureaux de l’administration publique du gouvernement de l’État du Nouveau-Mexique sont dispersés un peu partout dans la ville. À droite ( photo ci-haut ), à quelques pas de marche, de l’autre côté de la voie, le flâneur d’aujourd’hui constate la présence d’un bureau du State Land Office, qui gère les propriétés publiques de l’État.

Poursuivons la marche, de quelques centaines de mètres avant de rebrousser chemin vers notre destination…

Les touristes d’aujourd’hui, tout comme les voyageurs d’il y a quelque 150 ans, passeront devant l’église de la Mission San Miguel, une des plus vieilles églises des États-Unis ( érigée il y a environ quatre siècles, à la même époque que la fondation de la ville de Québec ). Le fouineur méthodique féru d’histoire trouvera sur Internet des photos d’époque de cette église : il, ou elle, constatera qu’elle était dans un piteux état au 19è siècle. Heureusement, on l’a restaurée depuis peu.

Les flâneurs curieux qui s’engageront dans la rue, à gauche de l’église, y découvriront un autre édifice, encore plus ancien que cette église.

Santa Fe - Mission San Miguel
L’église de la Mission San Miguel
Santa Fe - Un vieil édifice
La plus vieille maison de Santa Fe, en adobe : c’est aujourd’hui un musée.

Après avoir visité l’église et la maison, le visiteur d’aujourd’hui retournera sur la Old Santa Fe Trail en se dirigeant vers la Plaza.

Il fait chaud, l’avant-midi passe vite, l’heure du lunch approche : on pourrait être tenté de s’arrêter à la pizzeria Upper Crust, où on sert, selon l’affiche, de la Samuel Adams, une marque américaine de bière bien connue, et pas pire à mon avis. Il, ou elle préférera peut-être continuer son chemin : il y a tellement de restaurants sur cette route et dans les environs. Le visiteur retiendra que le voyageur d’antan n’avait pas autant d’options : ce voyageur d’antan n’avait qu’une obsession, se rendre à la Plaza…

Santa Fe - Old Santa Fe Trail
Upper Crust Pizza, sur Old Santa Fe Trail, à Santa Fe
Santa Fe - Architecture Hôtel de luxe
Inn and Spa at Loretto

Une centaine de pas plus loin, nous traversons le pont sur la rivière/ruisseau Santa Fe, on admirera l’architecture du Inn at Loretto, on résistera à l’envie d’entrer dans les boutiques d’art et d’artisanat de l’autre côté de la rue. On passera devant la chapelle Loretto, on se retrouvera face à l’hôtel La Fonda ; on bifurquera à gauche pour contourner cet hôtel, et enfin, on arrivera à la Plaza.

À l’emplacement du légendaire hôtel La Fonda, qui occupe tout le quadrilatère aujourd’hui, il y avait déjà un hôtel qui accueillait les voyageurs dès le début de la création de la Piste de Santa Fe. Le voyageur d’aujourd’hui aurait beaucoup de difficulté à s’imaginer l’apparence de celui-ci, s’il n’existait pas d’archives photographiques de l’époque de la deuxième moitié du 19è siècle. Le voyageur d’antan n’aurait jamais pu s’imaginer non plus à quel point on modifierait les lieux sur une période de cent ans. Après tout, l’évolution de la ville avait été lent au cours des deux siècles précédents, lorsque Santa Fe était un poste frontalier à la limite nord de la colonie espagnole du Mexique.

La grande dame des hôtels de Santa Fe, l’hôtel La Fonda a acquis une réputation enviable, dès sa fondation. Les voyageurs fortunés, dont un grand nombre de personnalités célèbres, qui débarquaient du train qui arrivait à Santa Fe appréciaient le service qu’on y offrait. Le New Mexico History Museum consacre présentement une salle d’exposition à l’histoire de cet hôtel, à son architecture, ainsi qu’au personnel féminin de cet hôtel.

Santa Fe - Hôtel La Fonda
Tourner à gauche sur Water St, puis à droite pour contourner l’Hôtel La Fonda, et déboucher sur la Plaza de Santa Fe…

Mais ce n’est pas à La Fonda que je me suis dirigé en arrivant à Santa Fe à la mi-juin, après avoir passé une semaine à suivre les traces des voyageurs sur des routes modernes, le long de la vénérable Piste de Santa Fe. Ce n’est pas non plus à la Plaza de Santa Fe.

C’est plutôt au camping du Trailer Ranch RV Resort, sur le boulevard Cerrillos, que nous nous sommes installés pour une dizaine de jours. Un des circuits du transport en commun de la ville passe devant ce camping. Les voyageurs ont plusieurs options aujourd’hui : ils peuvent voyager aujourd’hui en train, en avion, en automobile, et en véhicule récréatif. Ce dernier mode de transport nous convient bien.

 

Laisser couler le temps

On ne découvre pas, on n’apprivoise pas une ville en quelques jours, voire même en quelques semaines. Il en faut du temps pour s’immerger dans ces habitats que sont les villes et les villages que se sont construits les humains au cours des décennies, des siècles… faire connaissance, se livrer, tisser des réseaux… Quand on a si peu de temps, on ne peut qu’en effleurer la surface.

J’aime marcher dans une ville que je visite pour la première fois. Dans le cas de Santa Fe, j’ai bien conscience que ce sera probablement la première et la dernière fois. Je ne crois pas que j’y retournerai. C’est que je termine d’ici peu la septième décennie de mon existence, et qu’étant donné le temps qu’il me reste pour poursuivre mes découvertes du monde, je suis de moins en moins porté à retourner vers les lieux que j’ai déjà explorés.

Santa Fe - Café Librairie Collected Works
… parfois dans le café attenant à la libraire Collected Works…

C’est dans cet esprit que j’aurai pris beaucoup plaisir à laisser dérouler ce temps qui me semble passer de plus en plus en vite à mesure que je vieillis, en marchant dans Santa Fe… contemplant ces paysages urbains… et de ponctuer ces marches en me posant, parfois sur un banc dans le parc de la Plaza centrale de la ville, parfois dans le café attenant à la librairie Collected Works… savourant cet instant en tentant de ralentir son inexorable débit… sans illusion…

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Autoportrait

Je ne pratique pas souvent l’autoportrait.

C’est en parcourant, cet après-midi, une exposition de la photographe Anne Noggle, sur l’autoportrait, dans le New Mexico Museum of Art, que je me suis souvenu m’être livré à cet exercice en visitant un autre musée, le Saint-Louis Art Museum ( SLAM, pour les initiés ), il y a quelques semaines.

En passant d’un étage à un autre, pour passer d’une galerie à une autre, j’ai descendu cet escalier. L’édifice où loge le SLAM est une œuvre d’art en soi, tout comme le New Mexico Museum of Art d’ailleurs, dont vous pouvez admirer des prises de vue extérieures, que j’ai affichées plus tôt cette semaine ( voir ici ).

Autoportrait, au SLAM
Autoportrait, au SLAM
New Mexico Museum of Art - Exposition sur l'autoportrait
New Mexico Museum of Art – Exposition sur l’autoportrait
New Mexico Museum of Art - Escalier intérieur
New Mexico Museum of Art – Escalier intérieur
New Mexico Museum of Art - cour intérieure
New Mexico Museum of Art – cour intérieure

Enfin… Santa Fe

La rivière Arkansas, au Colorado
La rivière Arkansas, au Colorado

Nous arriverons à destination demain : la Plaza de Santa Fe, devant le Palais des Gouverneurs..

Quel long voyage ! Deux mois, à marcher à côté des attelages de bœufs sur la Piste de Santa Fe, sous le soleil implacable et dans la poussière depuis la place centrale à Independence, Missouri — 900 miles environ ( 1 400 km ). Nous avons choisi de prendre la voie de la montagne parce que, bien qu’elle soit plus longue que la voie de Cimarron, elle nous semble moins dangereuse.

Hier, nous avons croisé l’ancienne église que les Pueblos viennent d’abandonner, à Pecos, dans le Col de Glorietta, à plus de 2 000 m d’altitude ( 7 500 pieds ).

Nous sommes épuisés, mais heureux d’atteindre enfin notre but.

Je me mets dans la peau des commerçants qui ont voyagé le long de cette piste légendaire, pendant un demi siècle, il y a un siècle et demi et plus.

Ils ont voyagé pendant environ 70 jours. Nous avons pris une semaine pour parcourir essentiellement la même route, en prenant notre temps, en nous arrêtant ici et là, au Fort Larned, à Dodge City, au Vieux Fort Bent, pour nous immerger dans l’atmosphère du temps passé… un passé pas si lointain lorsqu’on y songe.

En 1821, le Mexique obtient son indépendance de l’Espagne. Le pays ouvre ses frontières à son voisin et veut favoriser le commerce. Santa Fe fait toujours partie du Mexique à cette époque. Il n’y a pas de route entre Santa Fe et la ville frontière de Saint-Louis, au Missouri. Plusieurs peuples autochtones dominent toujours le territoire entre ces deux villes.

Un marchand, William Becknell, saisit l’occasion. Il trace une piste et réussit à rejoindre Santa Fe à partir de Saint-Louis, inaugurant ainsi un réseau commercial entre ces deux centres urbains.

Pendant un peu plus d’un demi-siècle, cette piste sera la seule voie de communication entre ces deux villes. Éventuellement, c’est à Independence, au Missouri, qu’on assemblera des caravanes de chariots à bâche de type Conestoga, à destination, soit de l’Oregon, de la Californie ou de Santa Fe. Les chemins de fer remplaceront, dès le troisième quart du 19è siècle, toutes ces pistes.

Au début du 20è siècle, on commencera à redessiner la carte du continent : on tracera d’autres chemins, qui constitueront éventuellement le réseau des routes, de terre d’abord, puis de bitume, à deux voies, et enfin à quatre voies, les autoroutes qui sillonnent l’Amérique du Nord.

Depuis une semaine, nous roulons à bord d’une autocaravane, de Saint-Louis jusqu’à Independence ( en banlieue de Kansas City ) sur l’autoroute I-70, puis sur les routes, 56 et 50, en passant par Dodge City, Colorado, jusqu’à La Junta, poursuivant sur la 350, jusqu’à Trinidad, et enfin l’autoroute I-25, jusqu’à Santa Fe. Chemin faisant, sans s’en rendre compte, nous gagnons graduellement de l’altitude, de 315 m au dessus du niveau de la mer à Independence, jusqu’à plus de 2 000 m dans les cols de Raton ( à la frontière du Nouveau-Mexique et du Colorado ) et de Glorietta, le passage qui mène à Santa Fe.

Les douces collines fertiles du Missouri font place à la plaine aride et sèche du sud du Kansas. Les arbres se font rares et se concentrent principalement le long des rares cours d’eau. Les routes sont rectilignes. Le regard ne perçoit pas les obstacles qui ont dû découragé les voyageurs d’antan ; le moindre ravin a dû représenter un défi que nous ne remarquons même plus en roulant en moyenne à 65 miles à l’heure.

À La Junta, nous avons subi un orage violent en début de soirée, à l’abri dans notre autocaravane étanche ; le vent la bousculait un peu. Nous avons imaginé ce qu’ont pu ressentir ces voyageurs à une autre époque. C’est la saison des tornades ; la propriétaire du camping à Dodge City nous a confié qu’elle se comptait chanceuse d’avoir évité un désastre deux semaines plus tôt, alors que plusieurs tornades avaient touché la plaine dans les environs.

Depuis plusieurs jours, le thermomètre n’était jamais descendu en bas de 21 C la nuit, s’élevant jusqu’à 38 à La Junta en fin d’après-midi. Deux jours plus tard, à Las Vegas ( Nouveau Mexique ), au milieu de la nuit, nous avons dû recouvrir le lit avec les couvertes chaudes que nous avions rangées dans des tiroirs.

Encore aujourd’hui, les distances sont longues entre les villes et villages le long de ces routes. Autrefois, on laissait les bœufs qui tiraient les chariots brouter en fin de journée. Aujourd’hui, nous devons prévoir de remplir nos réservoirs d’essence ; les stations service sont espacées les unes des autres entre les villes et villages. Autrefois, on se réjouissait d’arriver au Vieux Fort Bent. Tous, humains et bêtes se reposaient quelques jours ; on s’y ravitaillait en échangeant des marchandises pour des services ; on pouvait compter sur le forgeron et le menuisier, qui pouvaient soit ferrer nos bœufs, soit réparer nos roues de bois et de métal, malmenées par la traversée d’une plaine moins plane qu’on le croirait.

Jour après jour, il faut beaucoup de résilience, de volonté, pour poursuivre son chemin. Les chariots, qu’on a surnommé les goélettes des plaines ( Prairie Schooner ), sont chargés de deux tonnes de marchandises : des tissus, des ustensiles, des biens domestiques produits dans l’est du continent, qu’on échangera contre de l’argent, du cuivre et d’autres métaux du Mexique. Au chemin du retour de Santa Fe à Saint-Louis, on ramènera du Fort Bent vers l’Est, des tonnes de fourrures ( bison, castors, et autres ) que les chasseurs et trappeurs, tant Indiens que Blancs, y ont échangées contre des fusils, des munitions, des marmites en métal, des tissus…

Il y a deux jours, peu après avoir dépasser le Col de Raton, le tachymètre de l’autocaravane nous a indiqué que nous avions roulé 6 000 km depuis notre départ il y a cinq semaines, alors que notre appareil GPS nous informait que nous étions à 6 000 pieds d’altitude…

Aujourd’hui,  je n’aurai rien d’autre que des récits de voyage à offrir, à raconter, au retour de ce long voyage… faire part de mes découvertes, parler des multiples rencontres aussi avec des toutes sortes de gens…

Demain, nous irons à la Plaza de Santa Fe, devant le Palais des Gouverneurs. Santa Fe, une des plus vieilles villes du continent, aussi vieille que la ville de Québec… une ville de rencontres de peuples, une ville qui se targue d’être différente. Dans le dépliant touristique de la ville, on avertit le visiteur : ici, il n’y a rien qui presse, et vous ne devriez pas vous presser non plus ( We don’t rush here. You don’t have too, either. )

On marchait à côté des charriots, sur une vaste prairie semi-aride, sur des plaines désertiques, puis en traversant des montagnes, au rythme d’une vingtaine de km par jour, sur une distance de 1 400 km. Ici, sur la plaine aride et sèche dans les environs de Dodge City, imaginez combien il est préférable de marcher pour guider les attelages de bœufs plutôt que de se laisser brasser les os assis sur le charriot.

Fort Bent
Le Fort Bent, un poste de commerce, à quelques km de La Junta, Colorado, fut pendant deux décennies, une étape bienvenue pour ceux qui voyageaient sur la Piste de Santa Fe.

La route 350, entre La Junta et Trinidad au Colorado, se juxtapose, à bien des endroits, sur la Piste originale de Santa Fe.
À bien des endroits, la route 350, entre La Junta et Trinidad au Colorado, suit le chemin original de la Piste de Santa Fe. Chemin faisant, on apercevra à l’occasion des antilopes d’Amérique ( proghorn ), qui broutent parfois en compagnie des troupeaux de bœufs. Un aigle foncera au niveau du sol pour ramasser un malheureux lièvre. Il y a peu de circulation sur cette route, surtout un dimanche matin ; ce ne sont que les phares d’une automobile qui nous indique de loin sa présence.

Point de repère - Wagon Mound
On distingue bien, de loin, sur la I-25, le point de repère de Wagon Mound, entre Watrous et Springer, Nouveau-Mexique. La vue de cette montagne, qui se détache de la plaine aride, a dû réconforté les voyageurs qui arrivaient de Independence. Cela signifiait qu’il ne leur restait plus que quelques jours avant d’atteindre leur destination.

Le Col de Glorietta, à deux jours de distance de Santa Fe, au départ ou à la fin du voyage.
Le Col de Glorietta, à deux jours de distance de Santa Fe, au départ ou à la fin du voyage, selon le cas, à la hauteur du Parc national historique de Pecos.

Immense Kansas

Kansas - traces des pistes
Traces des charriots sur l’ancienne Piste de Santa Fe, aux environs de Dodge City — US Route 50

Sur les traces des migrants, d’hier et d’aujourd’hui…

Il y a quelques semaines, j’amorçais un autre voyage d’exploration de l’Amérique… ou, puisque l’Amérique est un continent, devrai-je plutôt écrire : les Amériques, mes Amériques.

Depuis quatre jours, nous traversons les grandes plaines immenses du Kansas. Nous avons quitté l’autoroute I-70 un peu à l’ouest de Salina et nous avons piqué vers le Sud-Ouest, pour aller suivre l’ancienne Piste de Santa Fe… sur les traces des commerçants, des militaires et des migrants qui l’ont foulée il y a bientôt deux siècles.

En roulant, à plus de cent à l’heure ( jusqu’à 120 parfois même ) sur les routes qui s’étendent sans fin apparente sur ces grandes prairies, je m’imagine ce que fut le voyage pour ceux qui le traversaient lentement, à raison d’une vingtaine de kilomètres par jour, sur des charriots tirés par des bœufs ou des mules, bravant le soleil implacable, les orages, la foudre et les tornades, le vent incessant, la chaleur ou le froid, les serpents à sonnettes, observant à distance les troupeaux de bisons au loin, sous le regard attentif des premiers habitants du pays… Le territoire était, à cette époque, le domaine des tribus nomades, chasseurs de bisons, les Cheyennes, Kiowas, les Pawnees, les Commanches, les Arapahos… Un peu plus au sud, au sud de la rivière Arkansas, on passait en territoire mexicain.

Les paysages de l’Amérique ont changé ; Pawnee Rock, autrefois un repère sur la Piste de Santa Fe, a été réduit d’une vingtaine de pieds. Ceux qui se sont établis dans les environs avaient besoin de pierre pour construire leurs maisons. Les visages aussi changent ; ils parlent même d’autres langues que l’anglais.

La cavalerie, les cowboys et les Indiens de déjà ne chevauchent plus dans le paysage. Il y a longtemps qu’on a abandonné les forts le long de la Piste de Santa Fe — Fort Dodge, Fort Lyons, et autres ; on a transformé certains d’entre eux en monuments historiques nationaux — Fort Larned, Bent’s Fort. On tourne beaucoup moins de films sur eux. Les millions de bisons ont disparu, remplacés par des troupeaux de vaches. Le blé pousse aujourd’hui là où de l’herbe couvraient les paysages. Les chiens de prairie n’ont plus de place où creuser leurs villages.

Tout au long de ce voyage, je redécouvre les nombreux visages de mon Amérique.

Beaucoup de gens voyagent, comme nous… dans toutes les directions. Les familles sont dispersées aujourd’hui : les grands-parents visitent leurs enfants et leurs petits-enfants dispersés dans toutes les régions du pays, de l’Ohio à l’Oregon, de San Diego à Boston.

Des familles migrent d’une région à une autre à la recherche d’un emploi. De plus, plus nous nous rapprochons du Sud, Sud-Ouest, plus nous communiquons avec des employés dans les commerces qui parlent très peu l’anglais, et qui se parlent entre eux en espagnol.

Il y a quelque chose d’un peu ironique dans cette « invasion » latina. Il y a deux siècles, l’invasion était anglaise, et bienvenue par les Mexicains, qui comptaient sur les migrants pour contrer la pression autochtone. La vague migratoire « civilisatrice » américaine fut telle, que le Texas devint américain, de force, et que le Nouveau-Mexique, l’Arizona et la Californie furent américanisés. On croyait fermement que c’était le destin de l’Amérique que d’apporter les bienfaits de la civilisation et de la démocratie à ces contrées.

Kansas - la route qui se fond dans l'horizon
Une route rectiligne, qui se fond dans l’horizon

Kansas - Pawnee Rock
Pawnee Rock –la roche est gravée des signatures de ceux qui y sont passés

Kansas - Un arbre

Kansas - La richesse

Kansas - les gratte-ciel des prairies
Gratte-ciel des prairies

Belle de Louisville

La Belle de Louisville : croisière sur la rivière Ohio, un soir de mai...
La Belle de Louisville : une croisière sur la rivière Ohio, un soir de mai…

Mardi 24 mai 2016

Au téléphone, on m’informe que le bateau à roue à aube Belle de Louisville n’accepte pas de réservation pour la croisière du mardi soir. Toutefois, nous pourrions réserver une place sur l’autre bateau, le Spirit of Jefferson, mais ce serait uniquement une place sur le pont supérieur, sans repas. Toutes les places sur les ponts inférieurs où on sert des repas sont déjà réservées.

Pourquoi pas… on s’arrangera pour prendre le repas avant le départ…

Bal de graduation sur la Belle de Louisville, en croisière sur la rivière Ohio, un soir de mai
Bal de graduation sur la Belle de Louisville, en croisière sur la rivière Ohio, un soir de mai

Sur place, on apprend que la Belle de Louisville part en croisière ce soir-là, mais que le bateau a été réservé par les étudiants d’une école secondaire locale, pour y tenir leur bal de graduation. Plus d’une centaine de jeunes sont rassemblés sur le quai, surtout des filles dont certaines sont accompagnées d’un garçon ; quelques adultes, leurs enseignants surement, quelques parents pour chaperonner probablement. Nous ne sommes pas malheureux de ne pas être à bord.

Nous apprenons aussi que le Spirit of Jefferson n’est pas un véritable bateau à roue à aube. Il n’en a que l’allure, l’apparence. Qu’importe, nous sommes très heureux de nous embarquer. Nous trouvons une place intéressante, à l’avant, devant le capitaine. La température est douce, frisant le 30 C, presque pas de vent : une belle soirée pour une croisière sur l’Ohio.

À la barre du Spirit of Jefferson, dans le sillage de Belle of Louisville, sur la rivière Ohio
À la barre du Spirit of Jefferson, dans le sillage de Belle of Louisville, sur la rivière Ohio

Avant même d’embarquer, en attendant le départ, on remarque qu’il y a beaucoup de circulation sur la rivière : des barges, certaines très longues et larges, qui remontent le courant. La vocation de la rivière a toujours été commerciale. Au cours d’une époque depuis longtemps révolue, il y avait beaucoup de bateaux à roue à aube, comme la Belle de Louisville, qui transportaient non seulement des passagers, mais aussi des marchandises. Le musée de l’histoire de Cincinnati présente une exposition comportant un modèle réduit de bateau à aube accosté au quai, baignant dans une « piscine », où des mannequins déchargent passagers et marchandises. La rivière fut longtemps la principale voie de transport entre les villes tout au long du 19è siècle.

Le vocation commerciale du transport maritime est toujours très importante sur la rivière Ohio
Le vocation commerciale du transport maritime est toujours très importante sur la rivière Ohio

J’ai compté quatre ponts qui traversent l’Ohio à Louisville : un vieux pont pour la circulation automobile, un tout nouveau plus large pour les mêmes fins, un pont réservé exclusivement au piétons et aux cyclistes et enfin, un pont pour le transport ferroviaire.

En passant sous le pont réservé aux piétons et aux cyclistes...
Au retour, en descendant le courant, au moment de passer sous le pont réservé aux piétons et aux cyclistes…

Le Spirit of Jefferson remonte la rivière calmement pendant un peu plus d’une heure, loin derrière la Belle de Louisville. On est avare de descriptions des lieux… on vogue lentement dans la douceur de la soirée. Puis, on retourne vers notre point de départ. Les gratte-ciel de Louisville se détachent peu à peu de l’horizon, derrière les ponts d’abord, puis on retourne au quai, aux dernières lueurs de la journée

Le centre-ville de Louisville, vu de la rivière, aux dernières lueurs de la journée
Le centre-ville de Louisville, vu de la rivière, aux dernières lueurs de la journée

Imprévus…

Un ami auquel j’avais montré une ébauche de notre itinéraire de voyage, était étonné du niveau de préparation sous-jacent à une telle équipée : il était surpris de constater qu’il y avait peu de place pour l’imprévu.

Je lui avais répondu qu’il y a toujours des imprévus en voyage. Que ça ne se passe pas toujours comme on le veut. Une grève générale en France, par exemple, ou en Espagne, bouscule nos plans et nous force à improviser. On devance une arrivée ou on reporte un départ.

Nous avons eu beaucoup d’occasions de gérer les imprévus au cours du présent voyage. Quatre exemples, parmi d’autres : une première fois, il y a deux semaines, afin d’insérer une activité dans notre itinéraire ; une deuxième fois, pour s’adapter à une négligence de ma part ; une troisième fois… un des pneus avant de notre véhicule a cueilli un clou sur la chaussée quelque part à Saint-Louis ; une quatrième fois, lorsque le mauvais temps nous force à remettre d’un jour, la participation à une activité à laquelle je tenais beaucoup.

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Une journée au Fort de Chartres

Le 5 juin 2016

Fort de Chartres 2

Chaque année depuis des décennies, au début du mois de juin, des centaines de gens de tous les âges, de toutes les conditions, de diverses professions, choisissent de retourner vivre dans une époque lointaine. Ils s’habillent en costume d’époque, font la cuisine sur un feu de bois en plein air, dorment sous une tente de toile, quelle que soit la température, chaude et humide, au soleil ou à la pluie, comme au temps de la Nouvelle-France, au pays des Illinois, vers 1750. Ils se rassemblent lors du Rendez-vous au Fort de Chartres, tout près du Mississippi, à une centaine de kilomètres au sud de Saint-Louis.

Au cours de la première moitié du 18è siècle, à l’époque de la Nouvelle-France, le Fort de Chartres a servi de siège du gouvernement de la région qu’on a appelé le pays des Illinois. Cette région a servi de grenier à blé pour la Louisiane jusqu’à la cession du territoire des Français aux Anglais suite au Traité de Paris en 1763.

Les Français ont construit deux forts en bois entre les années 1720 et 1725. Le premier se dégrade suite à des inondations. Le deuxième ne résiste pas plus aux éléments. Ce n’est que trois décennies plus tard qu’on érige un troisième fort, en pierre, près des deux premiers.

Cette année, les Amis du Fort de Chartres ont décidé de commémorer la prise de possession du Fort de Chartres par les Anglais en 1765, selon les modalités prévues en vertu du Traité de Paris de 1763, qui a mis fin à la Guerre de Sept Ans. On a organisé une scène évoquant la cession du fort, le retrait du Régiment des Compagnies franches de la Marine et la prise en charge par Régiment royal des Highlanders, qui eu lieu il y a 250 ans.

Comme chaque année, les Rendez-vous du Fort de Chartres attirent des milliers de visiteurs, en plus des personnes qui s’y rendent pour revivre le passé. Des artisans y font des démonstrations de leur savoir-faire : forge, travail du bois, courtepointes… beaucoup d’armes — couteaux, tomahawks… On y présente aussi des démonstrations de tirs de canons, de mousquets, de tomahawks. Beaucoup de ceux qu’on nomme des « reenactors », des gens qui revivent comme à l’ancien temps, s’étaient installés depuis presque une semaine, avant l’ouverture officielle au grand public du village. Un jeune homme, jeune trentaine, m’a dit qu’il a assisté à cet événement chaque année depuis qu’il a trois ans, en compagnie de son père.

Il n’y a pas qu’à Montréal et à Québec qu’on se souvient du temps de la Nouvelle-France. On le fait aussi, encore aujourd’hui, au pays des Illinois.

J’ai visité le Musée du Fort de Chartres. On y rappelle le souvenir de cette grande épopée que fut la Nouvelle-France : que Jolliet et Marquette sont passés par là il y trois siècles et demi, que De La Salle et Tonty les ont suivis, les coureurs de bois ont essaimé partout dans ces territoires. Ils se sont fait des alliés avec les peuples qui y vivaient avant leur arrivée.

C’est dommage qu’on ne raconte plus ce récit. C’est un récit qui pourrait inspirer tous les jeunes Québécois : leur rappeler que leurs ancêtres ont accompli de grands exploits… qu’ils peuvent être fiers de leur histoire. Je me souviens que ces récits m’ont inspiré lorsque j’étais plus jeune, enfant et adolescent.

La porte du Fort de Chartres, qui a été reconstitué par l'État de l'Illinois, graduellement, depuis un siècle.
La porte du Fort de Chartres, qui a été reconstitué par l’État de l’Illinois, graduellement, depuis un siècle.

Commémoration de la remise du Fort par les Français aux Anglais en 1765, conformément au Traité de Paris de 1763.
Commémoration de la remise du Fort par les Français aux Anglais en 1765, conformément au Traité de Paris de 1763.

Le Rendez-vous de Fort de Chartres a lieu chaque année, la première fin de semaine de juin.
Le Rendez-vous de Fort de Chartres a lieu chaque année, la première fin de semaine de juin.

Démonstration du travail de forge. Cet artisan a appris ces techniques de son grand-père. Il travaille le métal, pour le plaisir, à titre amateur. Ce n'est pas sa profession.
Démonstration du travail de forge. Cet artisan a appris ces techniques de son grand-père. Il travaille le métal, pour le plaisir, à titre amateur. Ce n’est pas sa profession.

Six points de vue…

Jeudi, le 2 juin 2016

Une longue fainéantise dans les jardins du Jardin botanique du Missouri à Saint-Louis…

Le jardin ottoman, où s'adonner à la rêverie dans des temps très anciens
Le jardin ottoman, où s’adonner à la rêverie en des temps très anciens

 

Magnolia
Magnolia

 

Illumination sur la roseraie
Illumination sur la roseraie

 

Le jardin de buis
Le jardin de buis

 

Le jardin chinois
Le jardin chinois

 

Le jardin japonais, immense, dans tous les sens du terme...
Le jardin japonais, immense, dans tous les sens du terme…

Union Terminal – Cincinnati

Union Terminal, Cincinnati
Union Terminal, Cincinnati

Il a fallu une quarantaine d’années pour que les dirigeants d’une demi-douzaine de compagnies de chemins de fer s’entendent pour construire une gare unique pour les passagers qui débarquaient ou transitaient à Cincinnati.

Cincinnati était, au début du 20è siècle, un centre majeur du réseau interurbain de transport ferroviaire des passagers entre les régions du Nord-Est, du Mid-Ouest et du Sud des États-Unis. Cinq gares différentes accueillaient les passagers et un grand nombre d’entre eux devaient transférer d’une compagnie de chemin de fer à une autre, et se déplacer d’une gare à une autre, pour poursuivre leur voyage.

Finalement, on entame les travaux à la fin des années 20. La nouvelle gare, un bijou d’architecture de style Art Déco, est inaugurée en 1933.

Une des deux fresques qui ornent le grand hall d'entrée de la gare.
Une des deux fresques qui ornent le grand hall d’entrée de la gare.

Malheureusement, le transport de passagers par les trains commençait déjà à décliner à cette époque. Le déclenchement de la Deuxième grande guerre ralentit le déclin. Mais aussitôt la guerre terminée, le déclin se poursuivit tout au long des années 50 et 60. Enfin, au début des années 70, il ne restait plus que deux trains par jour. Il fallut trouver une autre vocation pour la gare.

Le gouvernement municipal prend les choses en main. Des maires et des échevins ont le souci de préserver leur patrimoine architectural, dont fait partie cet édifice exceptionnel. Après plusieurs échecs, deux décennies plus tard, l’édifice reprend vie : six organismes s’y installent, dont quatre musées, une salle de projection de cinéma Imax, et un club d’amateurs de chemins de fer ; de plus, Amtrak rétablit son service ferroviaire de passagers à Cincinnati.

Toutefois, après des années de négligence, l’édifice a subi l’usure du temps. Au cours des mois qui viennent, on entreprendra des travaux pour le préserver. On fermera des sections entières de l’édifice pendant qu’on procédera aux travaux : on retirera des pièces des musées, on protégera d’autres éléments architecturaux, telle que la salle où on vendait des glaces, que je n’ai pas eu la chance de visiter.

Cincinnati - Intérieur de la Union Terminal
Une vue de l’intérieur de la façade et du toit de la grande rotonde à l’entrée de la gare Union Terminal

Un coup d’œil suffit : on est séduit. La façade impose l’attention et nous invite à s’approcher. L’intérieur ne déçoit pas. On en perd le souffle…

Nous choisissons de visiter un des musées, le musée d’histoire de la ville, et de visionner un film sur le centenaire des parcs nationaux des États-Unis au cinéma Imax.

Plusieurs pièces du musée d’histoire ont été retirées en prévision des travaux. Mais on peut toujours parcourir l’essentiel des expositions permanentes les plus importantes. Dans l’une de ces expositions, une des imposantes mosaïques qui décoraient originalement le passage qui menait aux quais d’embarquement des trains ; on la retirera du musée dans quelques semaines.

Une des mosaïques qui décoraient le passage qui menaient aux quais d'embarquement des passagers dans la gare Union Terminal
Une des mosaïques qui décoraient le passage qui menaient aux quais d’embarquement des passagers dans la gare Union Terminal

Enfin, au moment où nous y sommes passés, nous avons eu le plaisir de parcourir une exposition spéciale temporaire sur les collections d’objets-souvenirs que des citoyens de la ville ont rapportés de leurs voyages à travers le monde et qui ont été remis au musée d’histoire. Certaines de ces pièces sont exceptionnelles.

Ces citoyens ont eu l’occasion d’établir des liens personnels avec les gens dans les pays qu’ils visitaient. Ils ont voyagé dans plusieurs pays à des époques où il était encore possible de collectionner ces pièces. Ils ont légué leurs collections d’objets au Musée d’histoire de la ville.

Le voyageur qui passe à Cincinnati doit insérer quelques heures dans son programme pour visiter cette merveille architecturale… ne serait-ce que pour en retenir le souvenir de l’avoir admirée et de pouvoir le raconter à ses amis à son retour chez-lui.