Nous avons été chanceux jusqu’à présent, quant à la température. Les journées ont été généralement très automnales : fraîches, voire carrément froides la nuit, se réchauffant au cours de la journée. Mais en général, le temps a été beau.
Le temps s’est couvert graduellement lorsque nous avons quitté Ambert, en direction d’Issoire.
Nous nous sommes arrêtés sur le bord de la route pour dîner, à la sortie de Parentignat, tout près d’Issoire, juste avant de rejoindre la E11/A75, la Méridienne, l’autoroute qui mène vers le Languedoc et la Méditerranée. L’avantage de voyager en motorisé, c’est qu’on peut prendre le temps de faire la sieste, le temps qu’il faut pour digérer, en s’allongeant sur un lit.
Deux heures plus tard, nous reprenions la route. À Massiac, nous avons bifurqué vers l’Ouest en empruntant la N122, en direction d’Aurillac. Le ciel devenait graduellement de plus en plus lourd. À Murat, il a commencé à pleuvoir.
J’aurais tellement voulu admirer le paysage des montagnes volcaniques de l’Auvergne, entre Ambert et Figeac. Les éléments ne me l’ont pas permis. À la station du Lioran, nous avons dû tortiller pour monter dans la montagne, où nous nous sommes retrouvés dans les nuages. Je n’ai donc pu admirer le vieux volcan du Puy Mary. Nous avons poursuivi notre route vers Aurillac, où nous avons fait le plein d’essence. Une heure et quelques minutes plus tard, nous sommes entrés à Figeac, en fin de journée.
Malgré toutes les merveilles des techniques télématiques aujourd’hui, outre le fait que je n’ai pas beaucoup de temps pour afficher mes petits reportages, j’ai été incapable d’établir une communication par Internet depuis quelques jours.
Nous avons fait du chemin depuis que nous avons quitté Lyon, mardi dernier.
Notre voyage se déroule un peu comme nous l’avions prévu quant à l’itinéraire. Mais il faut parfois s’adapter.
La France est un pays familier pour nous Québécois, surtout pour ceux qui, comme moi, ont fait leur « cours classique » à l’adolescence. Ce n’est pas tout à fait un pays étranger. Mais cela demeure un pays étranger, de bien des points de vue, malgré toutes les affinités entre Québécois et Français.
Nous nous en rendons compte, de multiples façons, depuis trois jours que nous y séjournons.
Un guide touristique est un instrument indispensable pour quiconque veut pleinement profiter d’un voyage à l’étranger. Mais rien ne vaut le contact direct avec les gens qui habitent les pays qu’on visite. Ce sont eux qui y vivent quotidiennement. Ils peuvent nous apprendre bien des choses qu’on ne trouverait pas dans des livres, ou dans des pages de l’Internet.
Nous avons eu le bonheur, dès la première soirée, d’avoir été accueillie par une famille française, en fin de journée, au début du « week-end ». Nous avons passé une agréable soirée à jaser… de tout et de rien.
J’ai de la peine à saisir que ce n’est que hier matin que nous attendions l’arrivée du TER qui nous a emmenés de Genève à Lyon.
Nous avons l’impression de nous retrouver dans un tourbillon. Tout passe si vite. Et pas de temps pour en rendre compte.
En attendant le TER Genève-Lyon sur le quai à la Gare de Genève
Il y a deux jours, jeudi, nous avions appris en quittant notre hôtel pour aller explorer Genève, que c’était jour de fête à Genève.
Tout, ou presque tout, était fermé: la plupart des services publics (sauf le transport en commun et le bureau du tourisme), les grands commerces, beaucoup de restaurants même. On aurait dit que les Genevois avaient abandonné la ville aux touristes.
C’est en après-midi, en faisant jasette avec deux Genevoises dans un café, que nous avons appris ce qu’était le Jeûne genevois : une journée pour se souvenir des heures difficiles que les générations anciennes ont vécues dans le passé, plus ou moins récent. Elles avaient autant de questions sur le Québec que nous en avions au sujet de la Suisse d’aujourd’hui.
Au cours de cette conversation, elles nous ont donné de bonnes adresses où on peut manger sans dépenser une fortune à Genève. Plus tard, en fin d’après-midi, nous nous sommes donc rendus au premier restaurant qu’elles nous avaient recommandé : le Bain de Pâquis. À moins qu’un Genevois ne l’y ait conduit, c’est probablement par hasard, en déambulant sur la jetée que le touriste découvrira ce restaurant. Et même s’il se rend compte qu’il s’y trouve un restaurant, il n’y prêtera pas attention. Erreur! J’y ai dégusté un magnifique canard au poivre noir. Dans les restaurants qui longent les quais du Lac Léman, à quelques pas de là, on aurait dépensé au moins le double pour un repas tout aussi délicieux.
La pluie a passé pendant que nous dînions. Elle a forcé tout le monde à entrer à l’intérieur. Nous y avons partagé une table avec un groupe de jeunes gens, dont deux Québécois. Le jeune homme était de passage en visite chez ses amies, dont une est étudiante en relations internationales à Genève. Il est originaire du Bas du Fleuve et a travaillé à Ottawa au cours de l’été qui vient de se terminer. À son avis, Genève est bien. Une belle ville, quoique plus tranquille qu’Ottawa.
En sortant à l’extérieur, on a constaté que la pluie était passée. Le soleil la repoussait au loin dans les montagnes avec un balai en forme d’arc-en-ciel.
Notre séjour à Genève a été court.
On a beau avoir le temps devant soi, les horaires de voyage peuvent être aussi inflexibles que celui du milieu de travail.
Nous devions partir vendredi matin. Nous avions un rendez-vous vendredi soir et un autre samedi matin.
J’ai perdu l’habitude des vols transatlantiques. Le corps n’est plus aussi jeune. C’est plus difficile d’accuser le coup… une attente plus longue et des procédures plus exigeantes pour l’embarquement; six heures assis dans un espace très étroit; l’adaptation à un nouveau rythme circadien; un estomac qui ne reconnaît plus son alimentation…
Il faut dire aussi que cela faisait trente ans depuis la dernière fois. C’était bien avant l’événement du 11 septembre fatidique. La première fois que j’avais traversé l’Atlantique, il y a quarante ans, tous les passagers avaient été obligés de débarquer de l’avion, afin que chacun puisse identifier ses bagages.Une personne qui s’était enregistrée plus tôt le matin même à Montréal ne s’était pas présentée à l’embarquement au moment du départ. Ses bagages avaient ainsi été isolés, dans l’aire d’identification. Il avait fallu rembarquer et le navigateur avait dû refaire le calcul du parcours, avec de nouvelles données, quelques heures plus tard. Il pouvait toujours naviguer au sextant.
Rien de tel aujourd’hui. Tous les passagers peuvent suivre le parcours sur un petit écran devant soi : la distance parcourue à tout moment, tout au long du vol, l’altitude, la vitesse au sol, la température extérieure. J’ai suivi la progression du vol sur toute la durée. J’ai su au moment exact à quel moment nous avons dépassé Terre-Neuve, à quel moment nous avions accompli la moitié du trajet… Une heure environ avant de s’approcher de l’Irlande, j’ai regardé à travers le hublot. J’ai perçu les premières lueurs du jour qui allait se lever à l’est.
Lever du jour sur l’Europe – 8 septembre 2010
Quelques heures plus tard, nous débarquons à Genève.
Le temps de nous rendre à l’hôtel, déposer les bagages, nous rafraîchir, nous amorçons une première visite de la ville. Nous voulions, entre autres, activer le téléphone cellulaire; mais ça, c’est une autre histoire…
Ce fut une longue marche dans les rues de la vieille ville…
Nous déjeunons Rue de la Fontaine, face au Carousel, à côté du Temple de la Madeleine.
Le manège derrière le Temple de la Madeleine
Nous arpentons ensuite les rues de la vieille ville, jusqu’au Musée d’ethnologie, avant de rebrousser chemin vers l’hôtel. Chemin faisant, on s’arrête au magasin Apple : on nous y recommande d’attendre d’arriver à Lyon pour activer le téléphone cellulaire ; par contre nous trouvons de quoi réparer une de nos valises, qui avait été légèrement percée dans l’avion ; à la pharmacie, la jeune vendeuse est étonnée lorsque je lui demande des lames de rasoir, en expliquant qu’on s’en sert toujours pour se faire la barbe, même en Amérique ( elle s’informe et apprend qu’on en tient toujours dans le magasin, au fond d’un tiroir ).
… une longue marche en après-midi, suivie d’une autre, plus courte, après le dîner, en fin de soirée. Comble d’ironie, nous dînons à l’Age d’or ( 11, rue de Cournevin ). Nous sommes épuisés à la fin de la journée.
La ville nous plaît beaucoup. Nous nous sentons mentalement comme des gamins, qui gobent tout ce qu’ils voient, touchent, dégustent, sentent, et entendent. Au magasin principal de Victorinox, sur Rue du Marché, j’ai remplacé le couteau suisse qu’on m’avait confisqué à l’aéroport de Dorval… ça aussi, c’est une autre histoire en soi.
Une longue flânerie, jusqu’au Musée d’ethnographie
Genève est une ville tranquille. Aujourd’hui, au moment de repartir explorer, nous apprenons que c’est encore plus tranquille que d’habitude. C’est congé férié : la journée du Jeûne genevois. On ne l’avait pas prévu celle-ci. Tout est fermé partout, sauf les services publics essentiels et beaucoup de restaurants, mais pas tous.
On flâne. C’est un peu frais. On admire l’architecture de la ville. On se promène le long des berges du Lac Léman. On parle avec des gens de la place dans un café, qui nous expliquent ce qu’est cette journée fériée du Jeûne genevois ; elles nous suggèrent toute une série de restaurants pas trop chers, pour satisfaire une variété de goûts. Nous suivons leurs conseils en début de soirée : nous nous rendons au restaurant aux Bains des Pâquis, sur la jetée là où le Lac Léman se verse dans le Rhône – vraiment pas cher. Ce faisant, nous avons droit au spectacle enchanteur d’un arc-en-ciel, qui se dessine devant un orage qui fuit vers les Alpes en arrière-plan.
On revient plus tôt à l’hôtel, pour réorganiser et refaire nos bagages. Demain, nous prenons le train régional pour nous rendre à Lyon. Mais nous reviendrons dans un mois à Genève, pour prendre l’avion qui nous ramènera chez-nous.
Et je me laissais distraire par les sentiers qui s’écartaient de la voie principale…
J’ai toujours aimé sortir des sentiers battus… baliser de nouvelles pistes… D’aucuns préfèrent un cheminement en ligne droite, un horizon clair, la certitude des autoroutes. Je préfère explorer.
La première fois que j’ai traversé l’Atlantique, je n’avais guère plus de vingt ans, peu de possessions, le pied léger. Je savais où j’allais, mais je n’avais pas encore établi ma route. Et je me laissais distraire par les sentiers qui s’écartaient de la voie principale… au hasard des rencontres… des découvertes… À vingt ans, on ne calcule pas le temps. On a tout le temps devant soi.
Aujourd’hui, j’ai accumulé plus de quarante années de plus de bagages. L’usure du temps a ralenti le pas. Mais l’esprit n’est pas moins léger et, si je planifie beaucoup plus mon itinéraire, je n’en calcule pas moins une place, un espace, du temps pour la distraction. J’ai aussi conscience que j’ai moins d’endurance… et surtout, moins de temps à vivre, qu’il me faut l’économiser. On veut tout voir, tout entendre, tout sentir, tout vivre… il faut toutefois choisir.
On pourrait se cantonner dans les villes. Se déplacer sur les autoroutes, par autobus ou par train, ou encore d’un aéroport à l’autre, d’une ville à l’autre. Ce faisant, on limite cependant beaucoup le potentiel des découvertes.
Le monastère de Patmos, l’Acropole de Lindos sur l’ile de Rodos en Grèce, les mégalithes de Stenness ou de Calanish en Écosse, sont tous situés loin de grands centres urbains.
Lindos 1977
Ma conjointe et moi aimons tout autant la ville que la campagne. C’est pour cette raison que nous avons adopté, il y a une trentaine d’années, le camping comme mode de voyage. D’une part, c’est plus économique. D’autre part, cela offre beaucoup de flexibilité. On peut alors choisir de coucher sous la tente ou de louer une chambre d’hôtel, de préparer son repas ou de s’arrêter dans un restaurant, passer la soirée devant un feu de camp ou traîner dans des cafés en ville…
Depuis un peu moins d’une dizaine d’années, nous avons légué notre tente à notre fille. Nous voyageons dorénavant en auto-caravane. Nous sommes devenues des tortues motorisées. C’est beaucoup plus lourd, certes. Mais c’était devenu, compte tenu de notre âge, une condition pour continuer à voyager sur notre continent, l’Amérique du Nord.
Nous sommes devenus des tortues motorisées
Lorsque nous avons décidé de retourner en Europe, nous avons choisi de conserver ce mode de transport et d’hébergement. Notre prochain voyage sera hybride : avion, train, auto-caravane (camping-car, comme on le dit en France); hôtels et terrains de camping.
Ce choix impose des défis et des contraintes, tout en ouvrant de nouveaux champs d’exploration.
Nous sommes familiers avec le camping en Amérique du Nord. En Amérique, nous savons où nous approvisionner pour le nécessaire de tous les jours; nous connaissons le système routier… Ce sera un nouvel apprentissage en Europe. Il faut prévoir s’équiper de façon différente : il y aura des bagages supplémentaires, dont la literie et le minimum d’ustensiles de cuisine, par exemple.
Par contre, ce mode de transport nous offrira l’occasion de mieux connaître d’autres dimensions des pays que nous visiterons, tel que de communiquer directement avec les gens dans les marchés publics dans les petites villes en régions pour s’approvisionner en fruits et légumes, fromages, viandes… de parcourir les routes départementales pour découvrir d’autres paysages que les attraits touristiques urbains les plus courus.
Il y a longtemps que je n’ai pas préparé un voyage comme celui que nous ferons dans quelques jours. Du moins, pas avec autant de détails et de minutie.
Il n’y a pas si longtemps, on devait consulter des guides, lire des livres. On pouvait communiquer avec des bureaux officiels d’information touristique et commander des brochures. On trouvait l’information dans des publications.
Lorsque nous avons visité l’Écosse, il y a trente ans, j’avais lu des livres d’histoire, de sociologie, d’ethnologie, des romans; j’avais ratissé des publications sur l’actualité récente du pays, et consulté des guides spécialisés. À cette époque, je m’intéressais beaucoup aux mégalithes, ainsi qu’à l’éveil et à l’expression des identités nationales et régionales. Ce dernier sujet m’intéresse toujours d’ailleurs.
C’est ainsi que j’avais tracé un itinéraire approximatif. Mais c’est sur place que j’avais recueilli l’information quant au réseau de Bed and Breakfast, ainsi qu’aux modes de transport disponibles. Nous étions sortis des sentiers battus et nous avions vraiment établi de bons rapports avec les Écossais, notamment dans les pubs, mais pas uniquement dans les pubs.
On trouve l’information beaucoup plus facilement aujourd’hui, grâce à l’Internet. Mais il faut se méfier. On ne trouve pas nécessairement tout sur Internet et ce qu’on y trouve n’est pas nécessairement plus à jour que si on consultait un dépliant publié on ne sait quand.
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Il y a plus d’une quinzaine d’années, je me souviens d’avoir fait un travail en équipe dans le cadre d’un cours du programme du MBA : nous avions élaboré une stratégie d’affaires pour une agence de voyage locale.
Dans le cadre de la recherche, j’avais trouvé des sources qui prévoyaient qu’un touriste pourrait, dans un avenir proche, ouvrir son ordinateur, se brancher sur les réseaux mondiaux, réserver lui-même son hébergement, réserver un siège sur un vol d’avion, louer une voiture, voire acheter des billets de spectacles sans passer par une agence de voyage.
C’était, à l’époque, l’avenir; l’avenir s’est matérialisé beaucoup plus rapidement que je l’avais escompté.
Je peux aujourd’hui consulter Google pour tracer un itinéraire précis, en voiture ou à pied, pour aller du point A au point B, rajouter une troisième destination, et même visionner des images du parcours. C’est à se demander pourquoi se donner la peine de dépenser tant pour aller en personne voir ce qu’on peut trouver sur un écran d’ordinateur dans son logement.
Je voyage depuis des semaines, dans ma tête. Le virtuel a ses limites. Il ne remplacera pas le vécu… les rencontres que l’on pourra faire en route… les imprévus… Même le temps qu’il fera constituera une expérience, que ce soit la canicule ou la pluie.
Depuis une trentaine de mois, je rédige un journal à la main, avec une plume, une vraie plume.
C’est aussi avec des plumes que je rédige des notes de lecture, des notes de réflexions, des brouillons de témoignages et de récits narratifs, sur le phénomène même de l’écriture.
Écrire à la main
Alors pourquoi amorcer la rédaction de ce journal ou carnet électronique, un blog?
Parce que le moment est opportun.
Il y a longtemps que j’y songe. J’avais même commencé à concevoir une structure pour un site personnel. C’était, et cela demeure un projet un peu ambitieux. Mais cela reste un projet pour l’avenir
Depuis des mois, je prépare un voyage. Ce sera, en quelque sorte, un voyage initiatique. Le voyage du début de la retraite. J’en parle à tout le monde dans mon entourage. Beaucoup de gens m’ont demandé si j’allais tenir un blog, un journal de voyage.
J’ai donc décidé de plonger.
Voici donc quelques traces de ce sillage qui traîne derrière moi, dans ce voyage que je fais depuis plus de soixante ans de vie. Sans les garde-fou d’une éditrice ou d’un réviseur, d’une maison d’édition, à froid, directement…
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Je fais métier de scribe.
Je continue de faire métier de scribe. Sauf que désormais, je le ferai uniquement pour me plaire, au lieu de louer ma plume à un employeur.
Tant de choses à dire. Par où commencer?
Je vous entends presque, me dire : ce voyage que vous planifiez depuis des semaines et des mois… J’y arrive. Il faut patienter. Pour l’instant, il suffit de savoir qu’il commencera physiquement dans une semaine. En réalité, aussi bien dire qu’il a déjà commencé depuis très longtemps.