Catherine Voyer-Léger signe un billet très pertinent sur l’étiquetage racial.
Tout le monde s’entend pour encourager la vertu et dénoncer le mal. L’humain, toutefois, malgré les meilleures intentions, doit constamment surmonter ses contradictions ; il est difficile d’accorder les comportements aux énoncés de principe.
Madame Voyer-Léger a raison d’affirmer qu’en général, « … les étiquettes tendent à réduire le réel et qu’il n’est pas très constructif, pour ne pas dire un peu vain, de tenter de dessiner une frontière entre les gens racistes et les gens qui ne le sont pas. » Elle fait référence aux expressions de racisme et aux différences culturelles. Cette pratique de l’étiquetage au niveau social ou économique, s’exerce toujours aussi dans le contexte plus vaste d’une arène politique.
La pratique de l’étiquetage politique
L’étiquetage, non seulement racial ou social, mais aussi politique, est une arme très répandue dans le monde, qu’on utilise surtout pour éviter le dialogue, l’échange, le débat.
Il faudrait être aveugle pour ne pas constater que la réflexion de Voyer-Léger s’applique au débat qui nous anime au Québec depuis quelques semaines.
S’il y a quelque chose de répandu au sein du peuple québécois ces jours-ci, c’est cette pratique de l’étiquetage. Je me limiterai à n’en donner qu’un exemple.
Il n’y a guère plus d’une dizaine de jours, les élites médiatiques métropolitaines avaient, pour la plupart, décrété que le Montréalais d’adoption que je suis devenu était, par définition, tolérant, en faveur d’une laïcité qu’ils qualifiaient d’ouverte, et bien entendu opposé à la proposition de Charte du gouvernement ; inversement, l’habitant des régions que j’étais il n’y a pas si longtemps, était borné, ignorant (faute de croiser les « autres » quotidiennement), partisan d’une politique étroite qui porte atteinte aux libertés individuelles… et j’en passe, parmi d’autres qualificatifs encore plus réducteurs et méprisants. Pire, l’habitant des régions pratiquait un « nationalisme ethnique ». L’habitant qui appuyait la proposition du gouvernement ne comprenait pas et ne pouvait pas prendre la mesure des conséquences qui en découlaient. L’étiquetage suintait de mépris.
Heureusement, la réalité dément les étiquettes. Je ne me reconnaissais pas dans ces catégories. Depuis qu’il a été soulevé, je souhaite un débat entre deux options quant au choix d’un type de société qui nous convienne pour les années à venir : un choix entre deux options, l’une tout aussi légitime que l’autre.
Mais il ne semble pas qu’on veuille argumenter ou débattre : se renseigner, analyser, prendre parti. Bien entendu, j’ai pris parti. Ce qui ne m’empêche de demeurer à l’écoute de points de vue qui m’inciteraient à tenir compte de réalités que je ne soupçonnais pas, qui remettraient même en question certains aspects de mon parti-pris et qui m’engageraient à ajuster ma position en conséquence.
Pour l’instant cependant, rien ne me porterait à modifier profondément mes convictions. Certainement pas l’étiquetage, la culpabilisation, et le dénigrement systématique…
Ce que je souhaite depuis longtemps, c’est l’avènement d’une laïcité universelle, héritière d’une longue histoire, du projet revendiqué par nos ancêtres Patriotes il y a plus d’un siècle et demi d’une séparation de l’Église et de l’État, tenu en vie par des Arthur Buies et d’autres de son époque, relayé d’une génération aux autres par les Adélard Godbout, Athanase David (grand-père de Françoise) et André Laurendeau, jusqu’au projet de société actualisé au cours de la Révolution tranquille il y a un demi-siècle, et qui s’achèverait par l’adoption du projet de Charte proposé par le gouvernement.
Les signataires du Manifeste pour une laïcité pluraliste n’étiquettent pas ceux qui soutiennent une autre version de la laïcité, celle qui se dit ouverte. Ils présentent plutôt leurs arguments.
Je ne suis plus naïf au point de compter sur une hausse du niveau du débat. Au contraire. On peut tout de même le souhaiter.