Le 30 juin, nous entamons la dernière partie de notre virée à travers l’Amérique. Au cours d’une dizaine de jours, nous traversons quatre états américains et une province canadienne — le Nebraska, l’Iowa, l’Illinois, le Michigan et l’Ontario –, nous franchissons trois fuseaux-horaires — Mountain, Centre, et Est — et, sans nous en rendre compte, nous effectuons une longue descente progressive de plus de 5 500 mètres sur 3 000 kilomètres.

Nous embobinons derrière nous, à 75 miles à l’heure ( 120 km/h ) et plus parfois, le ruban de béton des autoroutes, tout en étudiant le paysage qui défile sur l’immense étendue des grandes surfaces planes du centre du continent.
Nous nous offrons deux pauses : un premier arrêt de deux jours, au cours de la fin de semaine du Fourth of July, la fête nationale américaine, à mi-chemin, à Omaha, sur le bord du Missouri, là où l’Ouest bascule dans l’Est de l’Amérique ; puis, après trois jours consécutifs sur la route, un deuxième arrêt, de deux jours, à Leamington, dans l’extrême sud de l’Ontario, pour une réunion de famille.
Le 30 juin et le 1er juillet : la traversée du Nebraska
De Cheyenne jusqu’à Omaha, nous traversons le bassin de la rivière Platte. Il y a quelques siècles, pour le peuple Otoe, c’était la rivière Nebraska, qui veut dire « eau plate » dans leur langue. C’est ainsi que, un siècle avant l’invasion des Américains, les premiers explorateurs et trappeurs français qui ont parcouru cette région ont traduit le nom original autochtone de cette rivière dans leur propre langue – la rivière Plate.
Les deux embranchements de cette rivière, la North et la South Platte, prennent leurs sources de la fonte des neiges au sommet des montagnes Rocheuses, au Colorado. Ces deux embranchements se joignent au-delà de la ville de North Platte… et la Platte poursuit son cours sur des centaines de kilomètres jusqu’au Missouri, à Omaha.
À partir de Cheyenne, nous longeons d’abord le Lodgepole Creek, un des affluents de la South Platte.
Le relief est toujours plat. Les arbres sont toujours rares. Les villes et villages demeurent très distancés les uns des autres et, visiblement, la densité de population est toujours faible. Néanmoins, la présence de grands champs de blé, qui commencent à alterner avec des étendues plus propices à l’élevage, vient briser la monotonie du paysage semi-aride auquel nous nous étions habitués depuis des semaines.
Un arrêt à une halte routière à proximité de Sydney nous renseigne sur les grandes lignes de l’histoire locale. On y souligne que c’est à cet endroit qu’on a complété la construction de la section du Nebraska de l’autoroute 80, l’une des rares routes à traverser le continent, du Pacifique, à San Francisco, jusqu’à l’Atlantique, au sud de New York, au New Jersey.
Une plaque historique nous explique aussi que, suite à la découverte d’or, vers 1875, dans les Black Hills, au Dakota, on a tracé un sentier qui y menait directement pour en faciliter l’accès. On y fait mention aussi des conflits entre les colons qui installaient des clôtures pour circonscrire leurs terres et les bouviers qui réclamaient un accès illimité au territoire pour pratiquer l’élevage. Aujourd’hui, l’élevage et l’agriculture se partagent un territoire balisé de clôtures barbelées.
Le récit historique sur cette plaque ne fait toutefois pas mention d’une autre dimension de l’histoire de la région : en vertu d’un traité signé une dizaine d’années auparavant, le territoire des Black Hills appartenait au peuple des Lakotas ( Sioux ), et était considéré par eux comme étant un lieu sacré. L’arrivée de nombreux chercheurs d’or provoqua des escarmouches et offrit au gouvernement américain le prétexte pour intervenir afin de protéger les intrus. La défaite de la cavalerie américaine à la Bataille de Little Big Horn, en 1876, secoua l’opinion publique américaine à l’époque. Cette guerre fut l’une des dernières entre les nations autochtones et le gouvernement américain.

Nous reprenons la route vers l’est. Deux heures plus tard, nous avançons nos montres d’une heure, en passant de l’heure des Rocheuses à celle du Centre, entre Paxton et Sutherland. Moins d’une heure plus tard, au milieu de l’après-midi, nous arrivons à North Platte. C’est là, au camping Holiday RV Park, entre l’autoroute I-80 et la South Platte, que nous nous installons pour passer la nuit.
Deuxième journée
Le lendemain, nous entreprenons la deuxième partie de notre traversée du Nebraska.
Le paysage vire progressivement, d’une dominante jaune terne au vert saturé des boisés. Une rangée d’arbres qui s’aligne sur l’autoroute au sud nous indique la présence de la rivière Platte.
Nous longeons les anciennes pistes de l’Oregon, de la Californie, des Mormons, et du Pony Express.
Les villes sont plus rapprochées les unes aux autres et la circulation automobile devient plus dense.
Une heure plus tard, nous complétons une première boucle : c’est à Kearney qu’il y a cinq ans, nous avions quitté la I-80 pour traverser le Nebraska, du sud vers le nord, afin de nous rediriger vers l’ouest sur la I-90, jusqu’à Seattle. En passant sous la grande arche qui surplombe l’autoroute à Kearney, nous nous rappelons les bons souvenirs que nous avons conservés de cette journée que nous y avions passée à visiter le monument consacré à la célébration des routes américaines, à apprendre à connaître la Maison Pawnee et à nous initier au rite du pow-wow.
C’est un sentiment curieux que d’éprouver de la difficulté à reconnaître le trajet que nous avions effectué en sens contraire, depuis Chicago et Détroit, cinq ans plus tôt. Le souvenir des images que j’avais prises de ce périple est toujours présent ; entre autres, les grandes étendues de maïs demeurent notamment toujours omniprésentes, ainsi que des aperçus de la rivière Platte, entre les arbres, là où l’autoroute s’en rapproche ou la traverse. Néanmoins, conjuguée au travail du temps sur la mémoire, cette inversion de la direction de l’ouest vers l’est me désoriente.
La journée coule, paradoxalement, tranquillement, sans histoire… même si le temps semble filer aussi rapidement que la vitesse qui nous aspire dans ce tableau panoramique qui nous suggère que nous sommes en train de retourner sur un territoire plus familier ; mais là, j’anticipe : nous ne le retrouverons réellement que quelques jours plus tard, après avoir traversé le Missouri et au-delà, le Mississippi.
C’est en arrivant au camping où nous nous étions installés, cinq ans plus tôt, à quelques kilomètres de Omaha, que je reconnais le site et que les souvenirs des lieux reviennent à la surface. Mais si les lieux n’ont guère changé, le temps a fait son œuvre. Je prends conscience que nous ne sommes plus les mêmes.
Dans le monde qui se cherche des géants de papier se dressent, armés de toute leur vanité. Pendant que des milliards de fourmis vont et viennent sans le moindre bruit.Elles sont nues comme au premier jour. Même pas une plume pour dire tient celle-ci c’est un cheyenne…Et toi tu remues pas l’avenir, j’te trouve comme elles Fernan, tu bouges dans le jour présent en pleine origine. Et tu as les yeux ouverts.
Ô merci.
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Indeed, we change and start to see things in a different way. Wonderful photos of this part of the USA, looks very attractive cycling country to me..nice and flat and not too busy…Here is UK,.although Chris Froome has won the Tour de France 3 times (no mean feat) , cycling in the UK is difficult and sometime perilous with people in cars treating you as a nuisance!!
Wonderful travel series.
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Et j’ai aimé aussi la chute, où l’on prend une autre route, où l’on effleure une autre dimension des choses… « Mais si les lieux n’ont guère changé, le temps a fait son œuvre. Je prends conscience que nous ne sommes plus les mêmes. »
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