L’ Amérique – … militaire

Quelque part au Vermont, 29 juin 2009

Traversée de la frontière en après-midi. Il n’y avait qu’une voiture devant nous. Nous n’avons attendu que quelques secondes pour nous présenter au poste de contrôle. Nous avons fièrement présenté nos nouveaux permis de conduire, qui servent de passeport. Le douanier nous pose une seule question : quel est le numéro de la plaque d’immatriculation du véhicule ? C’est tout ! Il nous invite à passer en nous souhaitant : « Bonne route ! ».

C’était la première fois que nous passions la frontière depuis l’instauration d’un climat de méfiance, de répression aussi, consécutif à la tragédie du 11 septembre 2001 : tous ces incidents que les bulletins de nouvelles nous ont rapportés, le harcèlement des étrangers aux frontières, les mesures arbitraires de fouilles, d’interrogations, l’intolérance à l’égard de toute forme de dissension… sans compter les lois répressives, qui donnent pleins pouvoirs aux agents de la protection de la frontière. Bien entendu, l’élection d’un nouveau président, de réputation plus progressiste, nous porte à croire que le climat de paranoïa s’est atténué. L’accueil à la frontière nous rassure.

Nous roulons quelques heures jusqu’au premier terrain de camping que nous avions réservé. C’est là, et au cours des jours qui suivent, ainsi qu’au cours des quatre voyages subséquents que nous effectuerons aux États-Unis, que je constate que ce qui n’a pas changé, ce sont ces manifestations ubiquitaires de patriotisme… des drapeaux partout, sur le gazon, plantés devant les véhicules motorisés ou les roulottes dans les campings, accrochés sur les auvents, collés sur toutes sortes de surface, et pas seulement des drapeaux.

Camping, Connecticut, septembre 2018

On observe ces expressions de patriotisme, sur des panneaux routiers, dans les médias, au cinéma, dans les forums de discussion… Elles s’expriment dans les chansons populaires. Il n’empêche que cela surprend toujours lorsque on le voit de ses propres yeux ou qu’on l’écoute. Et cela me surprendra toujours, chaque fois que nous nous lancerons dans l’exploration du continent au cours de la décennie qui suivra. C’est au cours de ce premier voyage aux États-Unis depuis l’attentat terroriste sur les tours de New York, qu’il m’a paru que cette surenchère de chauvinisme pourrait être une marque d’insécurité, d’un manque d’assurance, un comportement paradoxal chez ceux qui sont les plus puissants de la planète.

Quelques jours plus tard, nous entrons dans une boutique de courtepointes, sur le bord de la route 6 qui traverse Cape Cod jusqu’à Provincetown. Nous étions les uniques clients et la dame avait du temps pour jaser. Elle confirme mon impression quant à l’insécurité des Américains. Elle nous pose des questions sur le fonctionnement de notre système d’assurance-santé. Elle n’hésite pas à critiquer la gestion de la crise économique par le gouvernement. Elle remet en question la politique d’accueil des immigrants, surtout à l’égard des « illégaux ».

Dans son magasin, dans l’escalier qui mène au deuxième étage, les nombreux documents qui ornent les murs attirent mon attention. Ce sont des documents historiques, attestés par des certificats d’authenticité : des photos et des illustrations de faits d’arme, datant de la Guerre civile, de la première et deuxième guerre mondiale, des guerres de la Corée, du Vietnam et d’Iraq, des photos des présidents Kennedy, Nixon, Bush fils… de son fils en Iraq… une drôle de courtepointe !


Kearney, Nebraska, le 17 juin 2011

Depuis deux semaines, nous traversons la région du Mid-Ouest des États-Unis, depuis Détroit jusqu’à Kearney, au milieu du Nebraska – 1 500 km.

Parmi toutes les observations qui retiennent notre attention, l’impression que la guerre est omniprésente dans la société américaine nous méduse.

Comme au cours de notre périple à Cape Cod deux ans plus tôt, nous constatons toujours des manifestations de patriotisme ; ces manifestations s’accompagnent souvent de marques de valorisation des militaires : rabais pour l’entrée dans des parcs d’amusements, des salles de cinéma, pour des réservations dans des terrains de camping.

Nous sommes témoins, tous les jours, de démonstrations ostentatoires d’appui aux soldats et à l’effort militaire, sous toutes sortes de formes : les manchettes des bulletins de nouvelles qu’on aperçoit sur les écrans de télévision dans les restaurants, les chansons à la radio, les panneaux publicitaires et les annonces dans les vitrines des commerces…

C’est dans ce contexte que j’ai été surpris d’entendre un autre point de vue au cours de la tenue d’un pow-wow à Kearney, au Nebraska.

Pour la troisième année consécutive, les dirigeants d’une organisation locale y avaient invité un des peuples autochtones qui habitaient autrefois dans la région à revenir se manifester sur leurs terres ancestrales d’origine dans la région. Entre autres activités, on les a invités à instruire le public de ce que représentait, pour les peuples autochtones, la tenue d’un pow-wow.

Le maître de cérémonie commence en expliquant que dans la tradition des peuples autochtones de l’Amérique du nord, un pow-wow est une cérémonie communautaire de nature spirituelle, semblable aux cérémonies religieuses dans les communautés d’origine européenne. Cette cérémonie se déroule selon un rituel bien défini.

La marche des vétérans – Kearney Nebraska, 17 juin 2011

Le pow-wow commence par une procession autour du tambour sacré qui rythme la cérémonie. Chaque membre, chaque groupe au sein de la communauté, hommes, femmes, et enfants, y jouent un rôle et y trouvent sa place. Au cours de la cérémonie, on invitera divers participants à faire un tour de piste pour célébrer un événement, souligner une occasion, célébrer ou valoriser des exploits. À un moment donné, le maître de cérémonie invite les membres des forces armées, en service actif autant que les vétérans, à faire un tour de piste, afin de recevoir une marque de reconnaissance de la part des personnes présentes. Quelques personnes répondent à l’appel. Puis, il encourage toutes les personnes présentes qui ne sont pas autochtones à se joindre à la ronde, en ajoutant que ces personnes méritent cette reconnaissance que leur gouvernement ne leur accorde pas.

Je me suis souvenu du drame familial dont ma conjointe avait été témoin quelques jours plus tôt dans un camping dans la région de Chicago. Une femme encourageait son mari à renouveler son engagement dans l’armée pour une autre période de temps, quitte à devoir retourner à l’autre bout du monde, en Afghanistan. Leur fille appuyait la mère. Le garçon, plus jeune, appuyait son père qui ne voulait pas retourner en Afghanistan. Le lendemain, aux petites heures du matin, elle avait aperçu ce même homme, assis sur le bord de la piscine, le dos courbé, la tête entre les mains. Il était le seul soutien d’une famille prise dans l’étau des incertitudes du marché du travail dans le cadre d’une crise économique.

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Deux jours plus tôt, nous nous apprêtions à nous lever de table, ma conjointe et moi, après le dîner au restaurant afin de poursuivre notre visite du Jardin Lauritzen, qui surplombe la rivière Missouri à Omaha, lorsque deux dames se sont présentées à notre table.

C’étaient des Françaises, d’un certain âge… c’est-à-dire, de quelques années de plus que nous, selon les indices qu’on pouvait glaner de la conversation qui suivit l’introduction ; elles avaient reconnu notre accent québécois en nous écoutant à distance, discrètement. Nous étions, tout comme elles, heureux d’entamer une conversation en français, au milieu du continent américain.

Elles ne voyageaient pas ; elles étaient établies à Omaha depuis quelques années. Curieux, je leur ai demandé comment deux Françaises s’étaient-elles retrouvées à Omaha et qu’y faisaient-elles, outre que de fréquenter un jardin public, par un bel après-midi ensoleillé, au milieu de la semaine ?

Elles étaient originaires de la région de Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. L’une d’entre elles était issue d’une famille de militaires de carrière. Il y a quelques décennies, elle avait rencontré un jeune militaire américain en mission en France. Cupidon s’en était mêlé : elle l’avait marié et elle l’avait suivi un peu partout aux États-Unis et ailleurs dans le monde, dans le sillage des mutations et des assignations de son mari. Ce dernier était présentement affecté à une base militaire locale — une base importante : selon cette femme, on y trouverait une des plus grandes concentrations de généraux à quatre étoiles dans un même lieu à l’extérieur du Pentagone.

Plus tard, je me suis renseigné : cette base militaire accueille le centre de commandement, de contrôle et de coordination des opérations globales des forces armées américaines, dont les activités de renseignements et de communication reliées aux opérations de défense et de frappe nucléaires. 

J’avais, à quelques reprises depuis la traversée de la frontière à Détroit, remarqué la présence d’installations militaires ici et là. Je savais qu’il y avait une base souterraine sous une montagne du Colorado, où était situé le Commandement de la défense aérospatial de l’Amérique du nord (NORAD – North American Aerospace Defense Command). Mais je ne m’attendais pas à trouver une installation aussi importante à Omaha.

 Au cours des semaines qui ont suivi, j’ai porté un peu plus d’attention à cette dimension de la société américaine. On a rarement l’occasion de prendre conscience de cette dimension de la réalité quand on visite un pays étranger, surtout si on voyage en avion, qu’on atterrit dans une grande ville, qu’on se cantonne dans des milieux urbains, ou qu’on se dirige directement vers des lieux de villégiatures.

Ce n’est qu’en voyageant au long court, sur de longues périodes de temps, en prenant le temps d’observer attentivement le milieu, en parlant au gens que l’on croise, qu’on peut apprendre à mieux connaître un pays, même un pays qui peut nous sembler familier.


Cape Henry, Virginie, 15 mai 2014

C’est pour aller visiter un site historique important de l’histoire des États-Unis que nous nous sommes présentés à l’entrée de la base militaire de Fort Story, à quelques kilomètres au nord de la ville touristique de Virginia City.

Bien que situé sur une base militaire toujours active, ce site historique est accessible au grand public. Ce site comprend un vénérable phare deux fois centenaire, qui est juché sur l’endroit où les premiers colons anglais ont débarqué en Virginie, en 1607, après avoir passé plusieurs mois sur l’Atlantique.

Le phare deux fois centenaire de Cape Henry, Virginie

Les guides touristiques décrivent en détail tout ce qu’il faut savoir pour aller ce site. Nous avions pris soin de nous conformer aux instructions. Je m’étais dit que puisque les guides touristiques nous invitaient à visiter ce lieu, il ne devrait pas avoir lieu de s’inquiéter.

J’ai vécu dans des bases militaires au cours de mon enfance et de mon adolescence, pendant la période de la guerre froide, à la fin des années 50 et au cours des années 60. J’avais une bonne idée à quoi m’attendre lorsque je me suis présenté à la guérite.

C’est pour cette raison que j’ai été surpris de l’accueil de nature hostile et menaçante, des marines au poste de contrôle. Le plus vieux, fin vingtaine, l’air sérieux, un revolver sur la hanche, apparaissait plus calme. Le deuxième, un adolescent qui avait l’air d’avoir célébré ses dix-huit ans quelques semaines plus tôt, était plus nerveux, et armé d’une mitraillette. Je baisse la vitre de la porte du campeur, avec le sourire d’un touriste naïf, nos passeports à portée de la main.

Les questions commencent à pleuvoir : d’où venons-nous, que venons-nous faire là ? J’explique que j’avais visité une demi-douzaine de phares depuis Saint-Augustine au cours de notre voyage, et que celui qui était situé sur la base m’apparaissait d’autant plus intéressant que c’est un des plus vieux sur le continent, le premier construit après que les États-Unis ont obtenu leur indépendance, et qu’il a un petit frère à ses pieds. Il semble que je ne les convaincs pas. La méfiance est palpable.

On poursuit l’interrogatoire : y a-t-il d’autres passagers dans le véhicule, est-ce que nous voyageons avec des armes et si oui, quelles sortes d’armes ? …des armes à feu, des armes blanches ? …on nous demande de sortir du véhicule … je deviens carrément inquiet, voire anxieux. On me demande d’ouvrir le capot du moteur… Le plus vieux s’approche, examine le moteur, puis, constatant qu’il n’a affaire qu’à un vieux couple de touristes innocents, me demande poliment de fermer le capot, nous permet de retourner dans le véhicule, puis nous donne ses instructions en me prévenant qu’il serait très dangereux de tenter de passer au-delà de telle barrière au-delà du phare. Enfin, il lève, une par une, les trois barrières, pour nous laisser passer.

C’est sur place que je me rends compte que la base militaire de Fort Story commande le passage des navires entre l’Atlantique et la Baie de Chesapeake.

Chasepeake Bay : en arrière-plan, un bâtiment de la marine américaine se dirige vers la base navale de Norfolk

Ce n’est pas la circulation des cargos de transport commercial jusqu’au port de Baltimore à quelque 250 km au nord à l’intérieur des terres qui les inquiète ( et encore ? ).

À quelques kilomètres vers l’ouest, la base navale de Norfolk sert de port d’attache aux flottes de l’Atlantique, de la Méditerranée et de l’Océan Indien. La base abrite la moitié des onze porte-avions des États-Unis, ainsi que tous les bâtiments des escadres qui les environnent lorsqu’ils partent au large. La base d’aviation qui y est attachée est la plus grande base aéronavale au monde.

J’ai compris pourquoi, toute la soirée et une bonne partie de la nuit précédente, le vacarme incessant des décollages et des atterrissages des avions de chasse au-dessus du terrain de camping nous avaient maintenus dans un état désagréable de vague inquiétude.

On serait porté à croire que l’Océan Atlantique constitue un rempart, une immense fosse qui protège la forteresse Amérique du Nord. C’est là qu’on saisit que ces installations servent beaucoup plus pour lancer des offensives partout ailleurs dans le monde que pour défendre la forteresse.


Depuis six semaines, nous remontons la côte Atlantique depuis Saint-Augustine. J’ai été étonné de découvrir à quel point cette côte est bardée de bases militaires : une base de sous-marins en Géorgie, tout près de la frontière avec la Floride ; une base logistique d’approvisionnement tout près de Wilmington, entre les deux Caroline, la base d’entraînement des troupes de Marines au Fort Lejeune, en Caroline du Nord.

On trouve le long de cette côte beaucoup plus que des installations actives. Toute la côte est parsemée d’un passé lourd sur le plan militaire : les estuaires des principaux fleuves arborent des musées maritimes mettant en vedette des navires de guerre du 20e siècle ainsi que des ruines de forts qui ont été des théâtres d’événements marquants au cours de la Guerre civile : le Fort Severn, au pied du phare de Tybee, et le fort Pulaski, sur une ile dans le fleuve Savannah ; le Fort Sumter et le complexe muséal de Patriot Point à Charleston ; le Fort Fisher, qui protégeait l’accès à la rivière Cape Fear.

Ce qui m’a frappé encore une fois, c’est l’ampleur de la culture militaire qu’on y entretient. 

Route US 9, au New Jersey, mai 2014 : On appelle Dieu à veiller sur les troupes et leurs familles

Cinq années auparavant, en traversant la Nouvelle-Angleterre, j’avais noté que des propriétaires de gros campeurs motorisés avaient apposé sur leur véhicule un décalque les identifiant comme étant des vétérans des guerres américaines. Cette année, en Floride, j’observe que plusieurs plaques d’immatriculation identifient le propriétaire de la voiture comme étant un membre actif ou un vétéran des corps militaires de la République : armée, marine, infanterie marine, aviation, garde côtière, garde nationale…

Des sections de routes et d’autoroutes honorent les militaires : le Purple Heart Memorial Highway, le Blue Star Memorial Highway et un Freedom Highway en Caroline du Nord. Cet état s’affiche publiquement comme étant le plus cordial à l’égard des militaires. De plus, je commence à dénoter des marques d’association entre le militarisme et la religion. Dieu est appelé à veiller sur les troupes de l’empire.


Dans le cadre de mes recherches pour la préparation de notre voyage du nord au sud le long de la côte Atlantique, les guides de voyage me donnaient l’impression qu’il y avait beaucoup de musées et de sites de nature militaire disséminés tout le long du parcours. Voici ce que j’ai rédigé dans mon journal de voyage à ce propos :

L’image qu’un peuple a de soi-même évolue avec le temps. Les musées projettent cette image ; ce sont des miroirs d’un état d’âme collectif. La visite d’un musée à un moment donné est l’équivalent de contempler un instantané, une photographie d’époque…

Pourquoi voyage-t-on ? Ma lecture des guides de voyage m’indique qu’il ya beaucoup de musées militaires, petits et grands. Je n’ai pas tellement le goût d’aller les visiter, d’autant plus que nous devons choisir nos activités en fonction du temps dont on dispose. Les choix que nous faisons en révèlent autant sur nous-mêmes que sur les gens que nous visitons. Je choisis ce que je veux percevoir, ce que je veux connaître d’un peuple, de l’autre… souvent en fonction de mes préjugés, mes préconceptions.

La guerre est omniprésente aux États-Unis, autant au passé qu’au présent…


Kansas City, Missouri, 8 juin 2016

Traversant Kansas City sur l’autoroute I-70

J’ai l’impression d’avoir vécu toute ma vie sous la menace d’un événement ou d’un accident qui déclencherait une tempête parfaite, à l’échelle mondiale.

Dans l’ambiance de la Guerre froide, particulièrement au cours des années 50 et 60, la menace d’une guerre nucléaire faisait partie de la normalité dans notre environnement. Au cours de la décennie des années 50, on nous faisait faire des exercices dans les écoles pour nous préparer à l’éventualité d’une attaque nucléaire, en nous faisant s’accroupir sous nos pupitres, en attendant l’horreur.

J’avais presque neuf ans, au mois de novembre 1956. Nous habitions sur la base d’aviation de Saint-Hubert, en banlieue de Montréal. Chaque jour, la télévision monopolisait notre attention dans le salon familial en début de soirée. Je me souviens vivement des images des chars d’assaut soviétiques qui ont paradé dans les rues de Budapest, en Hongrie ; je me souviens aussi des images des avions de chasse et des bombardiers qui survolaient le Canal de Suez.

J’écoutais attentivement l’émission hebdomadaire Point de mire, animée par René Lévesque. Je ne comprenais pas toutes des analyses sur les enjeux de ces conflits. Toutefois, la grande attention et l’inquiétude palpable des adultes qui l’écoutaient et qui s’en parlaient, me faisait saisir que l’heure était grave. Je me demandais ce qu’il arriverait si l’un de ces conflits dégénérait. Intuitivement ; je comprenais déjà que la guerre n’était pas uniquement une activité glorieuse.

Au début des années 60, la guerre froide atteint un sommet : nous avons collectivement retenu notre souffle, pendant plusieurs jours, au moment de la Crise de Cuba.

En octobre 1962, ma famille était installée sur la base d’aviation de North Bay : à cette époque, j’étudiais au Petit Séminaire d’Ottawa. Un soir, à la fin de la période d’étude en soirée, le préfet de discipline nous annonce que les Soviétiques avaient installé des missiles nucléaires à Cuba et que le gouvernement américain avait décrété un blocus autour de ce pays. Il nous enjoignait de nous recueillir afin de prier pour une résolution du conflit.

Mon père travaillait dans le complexe souterrain canado-américain du NORAD, quelque part sous la base d’aviation. C’est de ce lieu qu’on aurait déclenché le lancement des missiles nucléaires en riposte à une attaque nucléaire soviétique au-dessus du territoire du continent nord-américain. Nous savions que ces missiles, des Bomarc, étaient situés près de la base militaire de North Bay, mais nous ne savions pas où exactement. J’appréhendais ce qui pouvait arriver si mon père se trouvait isolé au fond du « trou », comme on le qualifiait, alors que ma mère et mes frères et sœur demeureraient à la surface, au centre d’une des cibles probable d’un missile intercontinental venant du nord.    


Deux décennies plus tard, le président américain Ronald Reagan avive à nouveau les tensions en lançant un programme d’armement nucléaire de guerre spatiale.

En novembre 1983, au moment où la tension est la plus vive entre les États-Unis et l’Union soviétique, le réseau de télévision ABC diffuse un téléfilm, le Jour après ( The Day After ), qui met en scène, de façon très réaliste ce qui se passerait si la situation dégénérait et qu’un échange nucléaire avait lieu. La description des événements est très réaliste : la panique s’empare de la population. Dans les campagnes les gens assistent au lancement des missiles qui surgissent de leur silos sous terre au milieu des fermes. Tout le monde quitte les milieux de travail pour rentrer chez eux le plus rapidement possible tout se ruant dans les supermarchés pour s’approvisionner : les gens se trouvent emprisonnés dans des embouteillages monstres lorsque les missiles commencent à exploser. La diffusion de ce téléfilm a un impact immense. L’action du film a été filmée dans les environs des villes de Lawrence au Kansas et à Kansas City, Missouri.

Lorsque je roulais sur l’autoroute I-70 à travers la ville de Kansas City et que je contournais la ville de Lawrence quelque minutes plus tard au mois de juin 2016, mon regard s’échappait à scruter les grandes étendues des plaines de chaque côté de l’autoroute, pour tenter de deviner où pourraient se situer les silos souterrains… détecter de la vapeur qui s’échapperait soudainement du sol, un couvercle qui s’ouvrirait, un missile balistique qui s’élèverait tranquillement pour se dégager, et prendre son élan vers le ciel, vers le continent de l’Eurasie, au nord, au-delà de l’océan arctique.

 Je me souvenais des images du visionnement et de l’impact qu’il avait eu sur moi. Nous n’avions pas encore célébré le premier anniversaire de notre fille lors de cet événement médiatique.

Souvent, au cours des années suivantes, lorsque j’étais pris dans un bouchon de circulation au moment de retourner chez-moi, à la fin d’une journée de travail, il m’arrivait parfois d’être hanté par les images du téléfilm : comment m’y prendrais-je pour traverser une ville paniquée, afin de rejoindre ma famille en banlieue, avant que des missiles intercontinentaux à têtes multiples déversent leurs charges au-dessus de nos têtes. Et même si je parvenais à me rendre à temps, je savais néanmoins que nous ne pourrions pas échapper à l’inévitable…


Même si le rapport entre le peuple américain et ses militaires m’intrigue depuis longtemps, je n’y avais jamais accordé autant d’attention qu’au cours de mes trois longs voyages aux États-Unis, en 2011, 2014 et 2016. Ce n’est pas que j’avais prévu de le faire, mais plutôt qu’une série d’observations me l’y ont incité.

Mon père a passé la plus grande partie de sa vie active comme commis dans la Royal Canadian Air Force et subséquemment, au ministère de la Défense nationale. J’ai vécu une partie de mon enfance sur des bases d’aviation, dans les quartiers résidentiels réservés aux familles des militaires ; ainsi, j’ai mariné dans un bain de culture militaire au sein du foyer familial.

Même si, comme un très grand nombre des membres de ma génération, je sois devenu pacifiste, opposé aux guerres impériales et colonisatrices, je ne suis pas pour autant forcément rétif à toute forme d’institution militaire. Tous ceux qui ont le moindrement étudié l’histoire savent que toute société le moindrement organisée doit prévoir d’avoir à parer aux ambitions psychopathes de ses voisins plus ou moins proches ou lointains.

Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, le Canada a développé une expertise dans le domaine de la résolution des conflits armés, en se déployant comme force d’interposition, au nom de l’ONU, entre belligérants un peu partout dans le monde. Depuis le début du siècle, le gouvernement canadien a modifié sa politique internationale, en…, et c’est dommage : il est en train de créer une nouvelle image des militaires, sur le modèle de celle des Américains.

Il y a toujours eu un courant pacifiste aux États-Unis. Ce courant a été très actif il y a une cinquantaine d’années, lorsqu’il s’est manifesté pour s’opposer à la guerre au Vietnam. À la fin des années 60, mes colocataires et moi-même avions hébergé un objecteur de conscience américain.

Dans la deuxième moitié des années 60, lorsque j’ai amorcé mes études en philosophie à l’Université, j’ai commencé à me renseigner sur les mouvements de luttes de libération nationale à travers le monde, sur les mouvements étudiants inspirés par la lutte pour les droits civiques des Noirs américains, sur les tactiques de désobéissance civile, sur l’histoire des mouvements progressistes en Amérique du nord… En 1966-1967, nous étions peu nombreux à nous intéresser à ces mouvements. C’est dans le sillage de cette évolution que je suis devenu pacifiste.

We are people of this generation, bred in at least modest comfort, housed now in universities, looking uncomfortably to the world we inherit.

When we were kids the United States was the wealthiest and strongest country in the world: the only one with the atom bomb, the least scarred by modern war, an initiator of the United Nations that we thought would distribute Western influence throughout the world. Freedom and equality for each individual, government of, by, and for the people – these American values we found good, principles by which we could live as men. Many of us began maturing in complacency.  SDS, Port Huron Statement, 1962

À cette époque, associée à la lecture de nombreux essais philosophiques et de romans, ceux de Herbert Marcuse, de John Steinbeck, et d’André Malraux parmi d’autres, la lecture du manifeste du Port Huron Statement de la Student for Democratic Sociéty avait beaucoup contribué à former ma vision du monde. Ce manifeste me donnait une piste de réflexion pour guider les formes de mon engagement social.

Il y a une trentaine d’années, à la veille de mon quarantième anniversaire, j’ai commencé à rédiger un journal personnel en anglais dans le cadre d’un cours de perfectionnement en rédaction dans cette langue. Quatre mois plus tard, je remettais un « essai » d’une dizaine de pages. Ce texte s’intitulait « On the Eve of Turning Forty ». C’était le bilan d’un homme, encore jeune, qui avait vécu le Flower Power une vingtaine d’années plus tôt, qui avait participé activement aux mouvements sociaux et politiques de son époque… et qui prenait acte de l’embourgeoisement de sa génération, celle qui avait contesté non seulement les guerres impériales et la course aux armements nucléaires, mais qui avaient aussi remis en question le matérialisme ambiant de notre société.

We had questionned the unrestrained materialism of our parents’ generation. We had somehow sensed that such wanton consumerism was wasteful and on the long-term ruinous. It took more than a decade before energy conservation became the norm, at least in principle…

… et ainsi de suite. Quelques lignes plus loin, je reconnaissais que le « mouvement » avait ralenti, qu’il s’était essoufflé. J’affirmais que je croyais que l’esprit de ce mouvement demeurait latent, prêt à ressurgir au moment opportun.

Time has taught me that we may not yet be any wiser than our precedessors in managing our world, or any part of it.

Trente ans plus tard, je constate que ma génération n’a pas mieux fait que la précédente.

Je serais mal placé pour lancer la première pierre de blâme à qui que ce soit. Nous faisons tous partie d’un troupeau qui se lance aveuglément devant la falaise, prêts à se lancer dans le vide… Nous sommes en crise certes. Mais ce n’est pas uniquement une crise économique, voire écologique : c’est toujours, comme ce l’était dans le passé, une crise de valeurs… de valeurs morales, comme si on avait oublié que l’économie est une science sociale, une science qui comporte des dimensions morales, qui ne se mesurent pas avec des équations.


Wilmington, Caroline du Nord, 29 juin 2014

Je suis en train de visiter Cuirassé North Carolina, un navire qui a participé dans les batailles navales sur le théâtre de l’Océan Pacifique pendant la deuxième grande guerre mondiale. C’est une imposante machine de guerre, une machine à détruire et à tuer qui est devenu un musée.

Sur le cuirassé North Carolina

Mon regard se fige lorsque j’aperçois cet homme en train de contempler un des canons sur le navire. Cet homme est de mon âge. Il n’a certainement pas participé à la deuxième grande guerre. Mais il a pu avoir été conscrit dans les années 60, pour aller faire la guerre au Vietnam. C’est mon contemporain.

Détroit, Michigan, le 7 juillet 2016

Deux ans plus tard, je suis en train de visiter le musée d’art de Détroit. On y expose une exposition majeure de photographie intitulée The Open Road, qui témoigne de cet engouement qu’ont les Américains pour « la route ».

Une photo de William Eggleston, prise dans les années 60, d’un adolescent qui pousse des charriots à l’extérieur d’une épicerie. J’avais approximativement le même âge que cet adolescent à l’époque.

Je me suis souvenu de l’adolescent avec lequel j’avais passé des heures à fouiller dans un moteur d’automobile au cours d’une vacance d’été que j’ai passé sur la base d’aviation militaire à North Bay. Nous avions tous les deux quinze ou seize ans. Il était américain. Comme moi, il passait l’été chez ses parents, à quelques pas de chez les miens.  Au cours de l’année scolaire, il étudiait dans un collège américain, loin de chez lui.

Je me suis longuement arrêté devant cette photo : qu’est devenu ce jeune homme qui ravivait ce souvenir d’un autre que j’avais connu un demi-siècle ? A-t-il été conscrit pour aller combattre au Vietnam ? Si oui, en est-il revenu vivant, ou éclopé, marqué pour la vie ? …

Je m’estime chanceux d’avoir vécu à une époque et dans un pays qui n’a pas été éprouvé par une guerre. Je demeure toutefois conscient que des guerres affligeaient d’autres populations ailleurs dans le monde, et que mon confort état lié à ces guerres.

Une photo de William Eggleston


  • À noter que ce texte a été modifié la dernière fois il y a cinq ans, le 11 novembre 2020.


une éclipse voilée…

une éclipse voilée vague et roulée
chantanle et jazzanque en pendale

… au cours du février …

… la neige a couvert… puis recouvert… enfin voilé… puis encore tapissé le jardin, derrière ma terrasse … jusqu’à ce que le mars arrive…


3 février 2025


13 février 2025


13 février 2025


28 février 2025


3 mars 2025


Tourner la page…

Janvier 2013

Il y a quelques semaines, j’ai relu des extraits de La lanterne d’Arthur Buies. Je constate, encore une fois, que les lectures qu’on a faites à 18 ans ne correspondent pas aux relectures qu’on fait plus tard, à chaque étape d’une vie, que ce soit dix, vingt, ou quarante ans plus tard.

J’étais adolescent lorsque j’ai lu une ré-édition d’extraits des textes polémiques de Buies, publiée par les Éditions de l’homme en 1964. J’avais alors découvert un auteur au style alerte, un esprit irrévérencieux, qui bousculait l’autorité et remettait en question l’ordre établi, sans ménagement. De plus, Buies n’avait que 22 ans lorsqu’il se lança dans l’arène politique et sociale… un véritable modèle pour le jeune homme qui ambitionnait lui aussi de s’envoler de ses propres ailes.

Il faut rappeler qu’à la première demie des années 60, la société québécoise, qui se qualifiait toujours de canadienne-française, était en pleine révolution tranquille. On avait ouvert très grandes les portes et les fenêtres, et on sentait la brise rafraîchissante qui traversait les corridors de nos vieilles institutions. Si l’Église était toujours très présente dans nos vies, le contrôle qu’elle avait exercé sur la société québécoise depuis sa fondation commençait à se relâcher. La société québécoise avait décidé de devenir maître chez-elle et se donnait les moyens pour réaliser ce rêve

Tout ne se faisait pas sans heurts, ni tensions : nous trouvions facilement un prétexte pour occuper la rue. Nous avions l’impression de paver une voie vers l’avenir. Ailleurs dans le monde, des peuples entiers se libéraient les uns après les autres du joug des nations colonisatrices… pour se soumettre tout aussitôt parfois, il faut bien l’admettre, au joug de maîtres locaux.

Dès le premier numéro de La Lanterne, Buies annonce qu’il se donne comme programme d’entrer « … en guerre ouverte avec toutes les stupidités, toutes les hypocrisies, toutes les turpitudes ; c’est dire que je me mets à dos les trois quarts des hommes, fardeau lourd ! »

Il n’y avait rien là pour me décourager à poursuivre sa lecture, tout au contraire…

Tout au long des quelque 27 numéros hebdomadaires de la publication, Buies se fait le porte-parole des idéaux libéraux de la démocratie républicaine, de la liberté de pensée et d’expression, de l’instruction gratuite et obligatoire, de la séparation de l’Église et de l’État.  Il s’attaque à tout ce qui représente l’ordre établi, non seulement aux journaux qui le soutiennent, mais aussi aux autorités religieuses auxquelles il consacre ses pages les plus virulentes. Il dénonce leur tendance à l’autoritarisme, leur hypocrisie, leur pharisaïsme :

« … À force de chercher le secret de cette confusion, j’ai fini par découvrir qu’elle avait été imaginée exprès pour faire croire que la Lanterne est inspirée directement par l’évêché de Montréal.

Je déclare que c’est là une insigne fausseté, qu’ayant appelé mon journal la Lanterne, je ne l’ai pas appelé l’Éteignoir, et que la dite Lanterne n’est inspirée que par les sottises et les ridicules de la presse dévote, assez nombreux pour l’occuper longtemps avec toutes les variétés désirables. » (No. 4)

Ce qui m’a le plus étonné de ma lecture de La Lanterne, c’est que je me rendais compte que nous étions en train de compléter, au cours de la Révolution tranquille, la mise en œuvre des idéaux politiques proposés par les Patriotes et, dans leur sillage, les membres de l’Institut canadien de Montréal. Que les idées qu’on véhiculait au cours du siècle précédent étaient encore d’actualité, entre autres au sujet de la séparation des religions de l’état.

C’est un débat toujours d’actualité. Aujourd’hui, des groupes tentent d’introduire leur religion dans la société sous couvert de liberté d’expression.

jouissance

… elle s’enivre de la lumière du soleil, en ce jour de la transition entre l’été et l’automne…



Méditation sur le silence

…écouter le silence au sein de l’illusion du monde,
et vous vous souviendrez de la leçon que vous avez oubliée.
Jean-Louis (Jack) Kerouac

Il est vrai qu’il est aujourd’hui difficile de s’entendre soi-même dans l’ambiance de la cacophonie omniprésente des médias de masse – la présence constante de la télévision en direct à travers le monde sur tout et rien, les réseaux sociaux et Internet via l’écran d’un ordi ou d’un téléphone. Il n’y a pas si longtemps, c’était la radio qui meublait nos espaces de vie de bruits incessants – que ce soit le rythme trépident du top 10/20/100, ou du bavardage perturbant des lignes ouvertes où chacun a « une opinion qui vaut celle d’un autre ».

Nous cherchons constamment à meubler le vide dans nos vies ; nous nous écartons trop souvent au cours de ce cheminement qu’est le voyage de la vie. Le rythme du déferlement des distractions s’est accéléré ; de plus, nous nous réservons beaucoup moins de temps pour nous détacher de ce ronron de notre quotidien.

La présence de ces distractions n’est pas nouvelle. Tous les philosophes, depuis Sénèque jusqu’aux modernes, ont témoigné de l’importance de taire les bruits autour et en soi, pour dégager des espaces pour réfléchir. Il y a deux millénaires, Sénèque affirme que « le seul véritable silence est intérieur. »

Déjà, souvenons-nous, nous prenions parfois le temps de nous retirer, de nous isoler dans une maison de retraite, dans un monastère, pour nous redresser l’âme, pour retrouver nos balises. Je me souviens, il y a un demi-siècle, après avoir brûlé la chandelle par les deux bouts pendant quelques années alors que je passais de l’adolescence à l’âge adulte, j’ai pris le temps d’aller recouvrer mon souffle dans un monastère, au début d’un long voyage initiatique en Europe qui m’a emmené jusque dans l’archipel des iles grecques. À Ierapetra, en Crète, pendant quelques semaines, j’y ai suspendu le temps…

la genèse est depuis longtemps conclue

et fossilisée au fin fond des enfers et des cauchemars
et piégées dans les silences entre les synapses
les trompettes de l’apocalypse ne me taquinent plus

j’ai déposé un océan et un continent
des montagnes au nord
de l’est jusqu’à l’ouest
un croissant de baie devant la mer au sud
entre le passé et l’avenir. 

l’automne crétois est un soleil qui pendule à l’envers, d’août jusqu’en novembre
et revient, quand octobre glisse en septembre
– comme on glisse en sieste –
au rythme de la mer
au gré du vent du jour

Il y a quelques siècles, Montaigne se déleste des exigences de la vie urbaine, et se retire dans son domaine, à quelques kilomètres de Bordeaux. Descartes se réfugie en Hollande, dans une petite chambre chauffée par un poêle, où il amorce sa réflexion sur la nature de l’humain et sur l’existence de Dieu.

Quelques siècles plus tard, Kerouac a souvent témoigné de son besoin de ralentir à la fin de chacun de ses périples à travers les Amériques. Retournant chez lui, il s’attable devant sa table de travail, sa machine à écrire, afin de composer son œuvre.

Il faut toutefois du courage pour s’engager dans cette voie. N’est-ce pas le contemporain de Descartes, Blaise Pascal, qui nous confie que « le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie. »

Pour sa part, dans Desolation Angels, Kerouac témoigne de son séjour, seul, sur une tour de guet d’incendie au sommet d’une montagne pendant 63 jours. Il étudie les enseignements des sages bouddhistes, et il recommande à ses lecteurs « … d’écouter le silence au sein de l’illusion du monde, et vous vous souviendrez de la leçon que vous avez oubliée. C’est un immense éveil. Nous ne sommes jamais nés, nous ne mourrons jamais. »


PS :

Plus ça change…

Encore une fois, on se retrouve coincé entre le marteau et l’enclume.

Au sujet de la sécurité mutuelle des peuples de l’Europe, l’historien américain H. Bruce Franklin n’hésite pas à comparer la confrontation entre la Russie et les États-Unis ces jours-ci à la crise de Cuba il y a soixante ans. D’ailleurs, il y a quelques jours, un diplomate russe a refusé de se prononcer sur la possibilité de fournir des armes militaires au Venezuela, au Cuba ou au Nicaragua. Plusieurs observateurs s’interrogent, non seulement des spécialistes des relations internationales, mais aussi des personnes qui se sont toujours intéressés à ces questions ; comment sommes-nous encore une fois face à la menace d’une nouvelle guerre mondiale?

Pendant toute la deuxième moitié du siècle précédent, le Canada a pratiqué une politique relativement neutre dans le monde. Depuis un peu plus une décennie, le Canada a modifié sa politique internationales. Des voix s’élèvent pour remettre en question la position du Canada dans ce conflit ; L’aut’journal publie aujourd’hui une déclaration de groupes de paix et organismes de la société civile qui s’expriment « … très inquiets du rôle militaire canadien qui fomente une escalade du conflit en Ukraine entre l’Organisation du Traité d’Atlantique-Nord (OTAN) et le gouvernement de la Fédération Russe ». Entre autres, ils demandent au gouvernement canadien de retirer toutes les forces armées canadiennes de l’Europe de l’Est.

Nous sommes nombreux à nous inquiéter de l’évolution de ce conflit. J’ai déjà témoigné de mes hantises au cours des années : « On a parfois l’impression de vivre à une époque spéciale, un tournant dans l’histoire. La noosphère prend conscience d’elle-même. Mais cette conscience de soi deviendra-t-elle assez vive pour nous inciter à adopter les mesures nécessaires afin d’éviter de nous autodétruire ? » Et voici que les cauchemars qui nous hantaient depuis notre enfance reviennent nous inquiéter aujourd’hui.


Chronique de mes cauchemars : mise à jour

Janvier 2022

J’ai l’impression d’avoir vécu toute ma vie sous la menace d’un événement ou d’un accident qui déclencherait une tempête parfaite, à l’échelle mondiale.

Dans l’ambiance de la Guerre froide, particulièrement au cours des années 50 et 60, la menace d’une guerre nucléaire faisait partie de la normalité dans notre environnement. Au cours de la décennie des années 50, on nous faisait faire des exercices dans les écoles pour nous préparer à l’éventualité d’une attaque nucléaire, en nous faisant s’accroupir sous nos pupitres, en attendant l’horreur.

J’avais presque neuf ans, au mois de novembre 1956. Nous habitions sur la base d’aviation de Saint-Hubert, en banlieue de Montréal. Chaque jour, la télévision monopolisait notre attention dans le salon familial en début de soirée. Je me souviens vivement des images des chars d’assaut soviétiques qui ont paradé dans les rues de Budapest, en Hongrie ; je me souviens aussi des images des avions de chasse et des bombardiers qui survolaient le Canal de Suez.

À cette époque, j’écoutais attentivement l’émission hebdomadaire Point de mire, animée par René Lévesque. Je ne comprenais pas toutes ses analyses sur les enjeux de ces conflits. Toutefois, la grande attention et l’inquiétude palpable des adultes qui l’écoutaient et qui s’en parlaient, me faisaient saisir que l’heure était grave. Je me demandais ce qu’il arriverait si l’un de ces conflits dégénérait. Intuitivement, je comprenais déjà que la guerre n’était pas uniquement une activité glorieuse, comme le cinéma nous le contait.

Au début des années 60, la guerre froide atteint un sommet : nous avons collectivement retenu notre souffle, pendant plusieurs jours, au moment de la Crise de Cuba.

En octobre 1962, ma famille était installée sur la base d’aviation de North Bay : à cette époque, j’étudiais au Petit Séminaire d’Ottawa. Un soir, à la fin de la période d’étude en soirée, le préfet de discipline nous annonce que les Soviétiques avaient installé des missiles nucléaires à Cuba et que le gouvernement américain avait décrété un blocus autour de ce pays. Il nous enjoignait de nous recueillir afin de prier pour une résolution du conflit.

Mon père travaillait dans le complexe souterrain canado-américain du NORAD, quelque part sous la base d’aviation. C’est de ce lieu qu’on aurait déclenché le lancement des missiles nucléaires en riposte à une attaque nucléaire soviétique au-dessus du territoire du continent nord-américain. Nous savions que ces missiles, des Bomarc, étaient situés près de la base militaire de North Bay, mais nous ne savions pas où exactement. J’appréhendais ce qui pouvait arriver si mon père se trouvait isolé au fond du « trou », comme on le qualifiait, alors que ma mère et mes frères et sœur demeureraient à la surface, au centre d’une des cibles probables d’un missile intercontinental venant du nord.    


Kansas City, Missouri, 8 juin 2016

Traversant Kansas City sur l’autoroute I-70, juin 2016

Deux décennies plus tard, le président américain Ronald Reagan avive à nouveau les tensions en lançant un programme d’armement nucléaire de guerre spatiale.

En novembre 1983, au moment où la tension est la plus vive entre les États-Unis et l’Union soviétique, le réseau de télévision ABC diffuse un téléfilm, The Day After ( Le Jour après ), qui met en scène, de façon très réaliste ce qui se passerait si la situation dégénérait et qu’un échange nucléaire avait lieu. La description des événements est très réaliste.

La panique s’empare de la population. Dans les campagnes, les gens assistent au lancement des missiles qui surgissent des silos sous terre au milieu des grandes plaines américaines. Toute la population quitte les milieux de travail pour rentrer à la maison le plus rapidement possible ; tous se ruent dans les supermarchés pour s’approvisionner ; les gens se trouvent emprisonnés dans des embouteillages monstres lorsque les missiles venus de l’URSS commencent à exploser. La diffusion de ce téléfilm a un impact immense.

L’action du film a été filmée dans les environs des villes de Lawrence au Kansas et à Kansas City, Missouri. Environ trente années plus tard, en juin 2016, lorsque je roulais sur l’autoroute I-70 à travers la ville de Kansas City et que je contournais la ville de Lawrence quelques minutes plus tard au mois de juin 2016, mon regard s’échappait à l’horizon à scruter les grandes étendues des plaines de chaque côté de l’autoroute, pour tenter de deviner où pourraient se situer les silos souterrains… détecter de la vapeur qui s’échapperait soudainement du sol, un couvercle qui s’ouvrirait, un missile balistique qui s’élèverait tranquillement pour se dégager, et prendre son élan vers le ciel, vers le continent de l’Eurasie, au nord, au-delà de l’océan arctique.

Je me souvenais des images du visionnement et de l’impact que ce téléfilm avait eu sur moi. Nous n’avions pas encore célébré le premier anniversaire de notre fille lors de cet événement médiatique.

Souvent, au cours des années suivantes, lorsque j’étais pris dans un bouchon de circulation au moment de retourner chez-moi, à la fin d’une journée de travail, il m’arrivait parfois d’être hanté par les images du téléfilm : comment m’y prendrais-je pour traverser une ville paniquée, afin de rejoindre ma famille en banlieue, avant que des missiles intercontinentaux à têtes multiples déversent leurs charges au-dessus de nos têtes. Et même si je parvenais à me rendre à temps, je savais néanmoins que nous ne pourrions pas échapper à l’inévitable…


Même si le rapport entre le peuple américain et ses militaires m’intrigue depuis longtemps, je n’y avais jamais accordé autant d’attention qu’au cours de mes trois longs voyages aux États-Unis, en 2011, 2014 et 2016. Ce n’est pas que j’avais prévu de le faire, mais plutôt qu’une série d’observations me l’y ont incité.

Mon père a passé la plus grande partie de sa vie active comme commis dans la Royal Canadian Air Force et subséquemment, au ministère de la Défense nationale. J’ai vécu une partie de mon enfance sur des bases d’aviation, dans les quartiers résidentiels réservés aux familles des militaires ; ainsi, j’ai mariné dans un bain de culture militaire au sein du foyer familial.

Même si, comme un très grand nombre des membres de ma génération, je sois devenu pacifiste, opposé aux guerres impériales et colonisatrices, je ne suis pas pour autant forcément rétif à toute forme d’institution militaire. Tous ceux qui ont le moindrement étudié l’histoire savent que toute société le moindrement organisée doit prévoir d’avoir à parer aux ambitions psychopathes de ses voisins plus ou moins proches ou lointains.

Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, le Canada a développé une expertise dans le domaine de la résolution des conflits armés, en se déployant comme force d’interposition, au nom de l’ONU, entre belligérants un peu partout dans le monde. Depuis le début du siècle, le gouvernement canadien a modifié sa politique internationale, et c’est dommage : il est en train de créer une nouvelle image des militaires, sur le modèle de celle des Américains.

Il y a toujours eu un courant pacifiste aux États-Unis. Ce courant a été très actif il y a une cinquantaine d’années, lorsqu’il s’est manifesté pour s’opposer à la guerre au Vietnam. À la fin des années 60, mes colocataires et moi-même avions hébergé un objecteur de conscience américain.

Dans la deuxième moitié des années 60, lorsque j’ai amorcé mes études en philosophie à l’Université, j’ai commencé à me renseigner sur les mouvements de luttes de libération nationale à travers le monde, sur les mouvements étudiants inspirés par la lutte pour les droits civiques des Noirs américains, sur les tactiques de désobéissance civile, sur l’histoire des mouvements progressistes en Amérique du nord… En 1966-1967, nous étions peu nombreux à nous intéresser à ces mouvements. C’est dans le sillage de cette évolution que je suis devenu pacifiste.

À cette époque, associée à la lecture de nombreux essais philosophiques et de romans, ceux de Herbert Marcuse, de John Steinbeck, et d’André Malraux parmi d’autres, la lecture du manifeste du Port Huron Statement de la Student for Democratic Society avait beaucoup contribué à former ma vision du monde. Ce manifeste me donnait une piste de réflexion pour guider les formes de mon engagement social.

We are people of this generation, bred in at least modest comfort, housed now in universities, looking uncomfortably to the world we inherit

We had questionned the unrestrained materialism of our parents’ generation. We had somehow sensed that such wanton consumerism was wasteful and on the long-term ruinous. It took more than a decade before energy conservation became the norm, at least in principle…

When we were kids the United States was the wealthiest and strongest country in the world: the only one with the atom bomb, the least scarred by modern war, an initiator of the United Nations that we thought would distribute Western influence throughout the world. Freedom and equality for each individual, government of, by, and for the people – these American values we found good, principles by which we could live as men. Many of us began maturing in complacency.  

SDS, Port Huron Statement, 1962


Il y a une trentaine d’années, à la veille de mon quarantième anniversaire, j’ai commencé à rédiger un journal personnel en anglais dans le cadre d’un cours de perfectionnement en rédaction dans cette langue. Quatre mois plus tard, je remettais un « essai » d’une dizaine de pages. Ce texte s’intitulait « On the Eve of Turning Forty ».

C’était le bilan d’un homme, encore jeune, qui avait vécu le Flower Power une vingtaine d’années plus tôt, qui avait participé activement aux mouvements sociaux et politiques de son époque… et qui prenait acte de l’embourgeoisement de sa génération, celle qui avait contesté non seulement les guerres impériales et la course aux armements nucléaires, mais qui avaient aussi remis en question le matérialisme ambiant de notre société.

Time has taught me that we may not yet be any wiser than our precedessors in managing our world, or any part of it.

… et ainsi de suite. Quelques lignes plus loin, je reconnaissais que le « mouvement » avait ralenti, qu’il s’était essoufflé. J’affirmais que je croyais que l’esprit de ce mouvement demeurait latent, prêt à ressurgir au moment opportun.

Une trentaine d’ans plus tard, je constate que ma génération n’a pas mieux fait que la précédente.

Je serais mal placé pour lancer la première pierre de blâme à qui que ce soit. Nous faisons tous partie d’un troupeau qui se lance aveuglément devant la falaise, prêts à se lancer dans le vide… Nous sommes en crise certes. Mais ce n’est pas uniquement une crise économique ou diplomatique/militaire, voire écologique : c’est toujours, comme ce l’était dans le passé, une crise de valeurs… de valeurs morales.

Il y a un demi-siècle aujourd’hui…

La tempête du siècle, le 4 mars 1971

Les vieux ( c’est à dire, les plus de soixante ans ) se souviendront d’une tempête qui nous a tous marqués dans notre coin de l’univers. Sur une période de trois jours, cette tempête avait versé plus d’une quarantaine de centimètres de neige sur le nord-est du continent, du sud du Québec jusque dans les provinces de l’Atlantique et les États de la Nouvelle-Angleterre. Des rafales de vents violents atteignant par endroit jusqu’à une centaine de km/h avaient, par endroit, soufflé cette neige jusqu’au deuxième étage de plusieurs maisons. Nous avions tous été pris par surprise. Plusieurs employés ont dû dormir sur leurs lieux de travail et des écoliers ont passé la nuit dans les salles de classe ou les gymnases.
— Consulter les liens ci-bas pour plus de renseignements et images de cette tempête :

À cette époque, je partageais, avec des amis, un appartement au deuxième étage d’une maison, sur la rue Besserer, dans le quartier de la Côte de sable, à Ottawa. Nous avions assez de provisions sur les étagères et dans le réfrigérateur pour durer quelques jours. Entre les bulletins de nouvelles à la radio que nous captions de temps à autre pour nous tenir au courant de l’actualité, nous avons écouté et réécouté notre collection de vinyles tout en lisant ou en jasant de choses et d’autres, jour et nuit, au chaud, dans un nuage d’odeurs variées, de cuisine, de thé et de café, d’alcool et de cigarettes et autres fumées…

À la fin de la tempête, tôt le matin, j’étais sorti pour contempler l’état des lieux : tout était d’une blancheur éblouissante.
On commençait à dégager les principales artères urbaines. J’avais réussi à exécuter péniblement quelques pas à travers les amoncellements de neige sur la rue vers la première intersection, assez pour me convaincre que j’avais pris la mesure de tout ce que j’avais à comprendre.
À l’intersection de l’artère principale, j’ai bifurqué à droite, allongé quelques pas supplémentaires, jusqu’au petit restaurant, une pièce, sans prétention, deux tables, quelques tabourets ; trois femmes d’un certain âge, se partagent l’espace de la cuisine derrière le comptoir. Elles y attendaient leur clientèle habituelle.
J’ai pris le temps de savourer un déjeuner, au comptoir : deux œufs, des rôties, un café…
Voici ce que j’ai griffonné de retour chez moi :


l'après-tempête façonne tout un parc,
sous une pleine-lune

sur une côte de sable


au lever du jour,
trois vieilles enneigées y dissipent les temps

on y entre : trois tantes y ont le temps
on y parle : on y devise du passage de la tempête

et pendant qu'on y placote le quotidien
avec l'âge des temps, deux œufs et un café

la gentillesse ordinaire du long temps des âges


Côte de sable, Ottawa, Hiver 1973

Images des Îles

Havre-Aubert

 

Petite Baie

 

La Grave

 


Gros-Cap

 

Friable

 

 

Pluviers

 

Rongée par une mer qui se réchauffe

 


Dune du Sud

 

Chalet #12

 

Chalets

 


Pointe-aux-Loups

 

 

Dune du Nord

 


Grosse-Île Nord

 


 

Un temps chaotique

 

Lundi après-midi, le 17 juillet 2017

Au moment où j’écris ces lignes, un nuage passe. Fait-il partie de ce système qui pourrait nous déverser d’autres ondées, sous forme d’orage, plus tard, comme les météorologues l’anticipent ? C’est à voir. Tout ce que je constate, pour l’instant, c’est que le temps est redevenu gris, après un intermède ensoleillé de quelques heures.

Ce matin, le temps était à la pluie… toute la matinée… ce ne fut pas une surprise lorsque l’averse est tombée, drue. Le fond de l’air était frais… puis, dès que le rideau des nuages s’est ouvert, en début d’après-midi, pour laisser place au soleil, l’air s’est réchauffé… humide…

Voici, je regarde le faîte des arbres derrière chez-moi. Les rayons du soleil éclaircissent à nouveau le tableau.

 

—+++—

 

Le Musée d’anthropologie et d’histoire de Pointe-à-Callière. au cœur historique de Montréal. C’est ici qu’il y a 375 ans, qu’on a posé les fondements de ce qui deviendra une aventure…

 

Vendredi dernier, ce fut le contraire : soleil le matin, suivie d’une couverture nuageuse progressive de plus en plus sombre autour de l’heure du midi, et d’une pluie intense dès le début de l’après-midi.

Je ne m’y étais pas préparé. Je n’avais pas apporté mon parapluie pour notre sortie au Musée de Pointe-à-Callière, au cœur du Vieux-Montréal.

Bon… on en prend notre partie et on prolonge notre visite du musée pour passer le temps, en espérant que la pluie cesse.

On visite l’exposition en cours sur l’évolution des communications téléphoniques à Montréal depuis un siècle… une visite d’autant plus agréable qu’elle est agrémentée de la présence de ma petite fille qui faisait la découverte d’une époque qu’elle n’aura jamais connue, en compagnie de sa mère, ma fille qui, comme moi, se promenait dans la mémoire de sa propre expérience du passé…. Ensuite, on passe quelques minutes à explorer, dans une autre salle, l’Amazonie et l’univers des chamanes qui se l’ont apprivoisée… un autre voyage dans le temps…

Enfin, il faut bien se résigner à retourner chacun chez soi, quitte à se faire mouiller en se lançant d’un pas alerte sous une véritable douche, vers la station de métro la plus près…

 

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Et c’est ainsi depuis des mois.

La terre est gorgée d’eau dans ma région. Je le constate chaque fois que je traverse le boisé derrière chez-moi ou en flânant dans les parcs et les rues. C’est inhabituel à ce temps-ci de l’année.

Quel contraste avec ce qui se passe à l’autre bout du continent, en Colombie-britannique. C’est très sec là bas et les vents forts et chauds soufflent sans relâche. Quarante mille personnes doivent, ou ont dû abandonner leur logis et trouver refuge en fuyant les quelque 150 feux de forêts qui ravagent la province. L’épaisse fumée devient nocive pour la santé. Les autorités sont débordées. L’an dernier, c’était les habitants de Fort McMurtry, dans la région des sables bitumineux de l’Alberta, qui avaient dû fuir les feux qui ont détruit toute la ville.

Il y a quelques mois, il a plu à presque tous les jours, pendant six semaines en avril et mai. Des milliers de résidences ont été inondées le long des cours d’eau qui ceinturent la grande région de Montréal.

Ailleurs dans le monde, un immense iceberg — douze fois la surface de l’île de Montréal — se détache d’une des banquises de l’Antarctique. Outre Atlantique, un déluge sur Paris provoque des inondations qui s’infiltrent dans le Louvre, menaçant des toiles et des objets d’antiquité.

Ces événements climatiques deviennent non seulement de plus en plus fréquents, mais aussi de plus en plus intenses.  C’est ce que les scientifiques avaient prévu il y a plus d’un quart de siècle : des variations climatiques d’une plus grande amplitude.

Il y a deux mois, je relisais mon journal personnel du voyage que nous avons fait à travers les grandes plaines des États-Unis il y a six ans. Tout le bassin du Missouri avait été inondé tout au long du printemps jusqu’au mois de juillet. À un moment donné, nous avions été obligés de modifier notre itinéraire pour tenir compte des risques d’une catastrophe qui planait dans la région de la capitale du Dakota du sud. Quelques semaines plus tard, nous nous étions installés dans un camping au Montana, à quelques enjambées d’une rivière remplie à ras bord.

À quelques enjambées de la Clark Fork River, à Deer Lodge, Montana, le 2 juillet 2011

 

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On commence à reconnaître qu’il y aurait un rapport entre tous ces drames qui nous affligent et le réchauffement climatique de la planète… que ce sont là des manifestations du changement climatique. C’est notre absence collective de conscience planétaire qui nous empêche de « voir »…

Dans un monde de plus en plus interconnecté, où nous sommes littéralement « inondés » d’information, omniprésente, en continu, on refuse toujours de contempler l’avenir qui s’annonce pourtant si clairement. Il n’est plus suffisant de se contenter de petits gestes personnels, individuels, d’initiatives personnelles, « agir localement » chacun dans notre cour. Il faut aussi complètement repenser collectivement nos manières de vivre.


Quelques pistes de solutions :
  • apprendre à vivre plus simplement ; ralentir notre rythme de vie ; militer pour une réduction universelle de la semaine de travail ; transiter d’une économie et d’une société axée sur la consommation à une société de loisir — cultiver nos jardins, enjoliver notre environnement, apprendre à flâner…
  • réduire radicalement notre consommation, notamment notre consommation d’énergie et corriger notre manie d’accumuler…
  • lutter activement contre l’obsolescence programmée, particulièrement dans le domaine de l’informatique ; résister aux incitations de remplacer nos appareils de communication et de traitement de l’information…
  • cesser de gaspiller, préférer les produits locaux surtout en alimentation ; recycler systématiquement…
  • réduire les dépenses militaires ; rétablir les contrôles sévères et la réglementation des institutions financières, particulièrement des banques — interdire le financement de l’état par les banques…
  • décentraliser nos institutions politiques ; recentrer la base de l’exercice démocratique au niveau local ; limiter le pouvoir des grands ensembles…

 

 

 

juin

 

aérienne

 

éclatement

 

resplendissante

 

lumière

 

dévoilement

 

 

au jardin alpin

 

cascade jaune

ruissellement de couleurs

ondulations

 

 

vagabondages photographiques dans le métro… et ailleurs

pérégrinations — hebdomadaire, mensuelle, annuelle, c’est selon — d’une activité à une autre… le regard se promenant alerte pour saisir l’occasion…

… l’esprit plus ou moins vide, sans état d’âme, pour mieux saisir des coups d’œil furtifs, plus ou moins aléatoires, sans autre intention que purement esthétique, au quart de seconde…

… d’une station de métro à une autre… sur la ligne verte, à la jonction, à deux occasions, de deux lignes, la verte et l’orange, et à la sortie, se retrouver dans une ruelle…

… recentrer l’esprit…

pour examiner la suite de photos

animation souterraine

je regarde passer le métro qui arrive dans la station… sur la ligne verte… vers le centre de la ville… un matin d’hiver… j’embarque…

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à la station Berri/UQAM, je transfère, passant de la ligne verte à la ligne orange …

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je débarque… me dirige vers l’escalier roulant, et je monte vers la sortie…

… selon la journée, tout au long de la journée, de la matinée jusqu’en soirée, ou selon l’humeur du jour … atelier, cours, musée, bibliothèque, café, taïchi, flânerie ……

……

… je vis au rythme d’une ville animée, exubérante…

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Transition

Samedi, le 1er avril 2017

Une dernière averse de neige… comme un dernier soupir de l’hiver…

Mardi, le 4 avril

Il pleut… beaucoup… fonte des neiges… on est bien au café…

Aujourd’hui, mercredi le 5 avril

Ce matin, je suis allé me faire couper les cheveux. J’ai remarqué, au passage, que le Dairy Queen était ouvert. En revenant chez-moi, j’ai entendu les outardes dans les nuages. Le printemps, bien que timide, arrive… Demain, on annonce des averses intenses de pluie; je retournerai à la Grande bibliothèque, poursuivre ma lecture de Dickens

American Notes : le parcours d’un livre

American Notes, de Charles Dickens. Exemplaire imprimé chez T. B. Peterson & Brothers, Philadelphie. Date de publication estimée : 1857

Pour poursuivre ma lecture de American Notes, de Charles Dickens, ce récit du voyage de six mois que le grand écrivain anglais a effectué, de janvier à juin 1842, en Amérique du Nord, je dois me rendre, sur place, à la Grande Bibliothèque.

Examinez les photos du livre, ci-haut et dans le billet précédent. C’est un vieux livre. Je tourne les pages avec précaution ; elles sont raides, comme du carton ; la reliure du livre est fragile.

Cet exemplaire du livre m’intrigue. La page titre nous informe que le livre a été imprimé aux États-Unis, à Philadelphie. Il n’y a pas de date, ni de mention de droit d’auteur, uniquement le nom et l’adresse de l’imprimeur. Au milieu du 19è siècle, les auteurs, dont Dickens, luttaient toujours pour faire valoir leurs droits sur leurs œuvres. Les Américains notamment, refusaient de reconnaître l’institution du copyright international. L’exemplaire que j’ai en main est forcément une publication piratée.

Je voulais en savoir plus, connaître le parcours de cet exemplaire spécifique.

Il y a quelques jours, une bibliothécaire de la Grande Bibliothèque m’a aimablement guidé dans ma recherche sur le parcours de ce livre. Elle m’a signalé d’abord que le livre avait fait partie de la Collection Gagnon, une collection d’une grande importance que je ne connaissais pas. Ensuite, naviguant dans l’Internet d’une source de renseignements à une autre, elle a réussi à retracer l’année de la publication de l’édition américaine de American Notes : cet exemplaire du livre a été publié aux États-Unis par T. B.  Peterson & Brothers, à Philadelphie, en 1857, il y a 160 ans.

***

La Collection Gagnon

La Grande Bibliothèque est l’une des constituantes de Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Elle est devenue dépositaire de diverses collections de documents lors de la fusion des activités de la Grande Bibliothèque et de la  Bibliothèque nationale du Québec il y a une quinzaine d’années, et de la fusion subséquente de la Bibliothèque nationale et des Archives nationales du Québec il y a douze ans.

Un fiche collée à l’intérieur de la couverture du livre nous informe que cet exemplaire fait partie de la Collection Gagnon. J’apprends que la Collection Gagnon est un véritable trésor bibliographique sur l’histoire de l’Amérique et particulièrement de l’Amérique française. Cette collection comporte des ouvrages et des documents très anciens, qui remontent jusqu’ au début des années 1500, soit jusqu’aux premiers récits des grandes explorations du continent américain. On y retrouve, entre autres, les écrits de Bartolomé de las Casas, qui a dénoncé dès le 16è siècle la barbarie des Conquistadors espagnols à l’égard des peuples amérindiens de l’Amérique. Cette collection contient aussi la première édition du récit des voyages de Jacques Cartier, les Voyages de Champlain, les Relations des Jésuites et d’autres récits de voyages et d’explorations.

Mais ce qui m’a le plus surpris, c’est l’origine de la Collection Gagnon.

La bibliothécaire m’informe que la Bibliothèque centrale de Montréal avait acquis cette Collection d’un certain Philéas Gagnon, un négociant de Québec, en 1910 ; que ce collectionneur avait assemblé sa collection sur une période de 35 ans, de 1875 jusqu’à 1910.

De retour chez-moi, je poursuis mes propres recherches. Le Dictionnaire bibliographique du Canada contient une notice biographique sur Philéas Gagnon. J’y apprends que Gagnon est un tailleur, qui a pignon sur rue à Québec. Ce négociant, dès le début de la vingtaine, commence à s’adonner à la collection de livres.

Malgré une formation scolaire relativement mince et de modestes revenus de tailleur, Gagnon réussit, par des achats judicieux dans les nombreuses ventes à l’encan locales, par l’utilisation d’encarts publicitaires dans des revues spécialisées même étrangères, et par la publication de ses propres catalogues de vente, dans lesquels il offrait le surplus de ses acquisitions, à se bâtir une collection que ses contemporains, historiens, chercheurs et littérateurs, à la fois plus scolarisés et mieux nantis, allaient reconnaître comme la meilleure et la plus complète au Canada.

En 1895, ce « modeste » tailleur publie, à compte d’auteur, un essai de bibliographie canadienne qui révèle la richesse de sa collection. Cette publication lui vaut une nomination au poste de conservateur des Archives judiciaires du District de Québec en 1898. Déjà, il travaillait à pérenniser son œuvre. Il cherche à vendre sa collection à des intérêts américains ; le gouvernement du Canada ne saisit pas l’occasion. Finalement, c’est la Bibliothèque de Montréal qui l’acquiert.

***

C’est dans un tout autre esprit, que je retournerai la semaine prochaine à la Grande Bibliothèque pour poursuivre ma consultation de ce livre. Je le manipulerai avec encore plus d’attention… avec un sentiment de reconnaissance à l’égard de ce modeste tailleur qui nous a légué un trésor.

Soucis de sécurité en voyage aux États-Unis

Le 8 juillet, 2016… on traverse la frontière

Tôt le matin, je passe au bureau du camping, pour remercier le personnel avant de partir, pour prendre des renseignements, et faire un peu de jasette en ce beau vendredi matin ensoleillé…

Je dis aux employés que nous sommes sur le chemin du retour vers chez-nous, à Montréal, que c’est notre dernière matinée aux États-Unis… on nous recommande de nous préparer pour traverser la frontière, en nous prévenant que les douaniers canadiens exercent un contrôle sévère des armes à feu… je leur réponds que c’est ce que nous attendons de nos douaniers et que, comme la plupart des Canadiens, nous ne possédons pas d’armes à feu… ce qui déclenche une conversation amicale sur ce sujet si controversé. On s’étonne de ce que nous terminons un aussi long voyage, sur une si longue distance, sur une période de deux mois, sans armes.

Dans mes conversations avec les Américains sur ce sujet, j’ai appris qu’il vaut mieux, selon les circonstances… d’être poli, ou de chercher à dévier la conversation sur un autre sujet, ou de convenir d’être en désaccord quant à nos opinions sur le sujet, ou parfois même, d’en rire.

Je ne comprend pas l’obsession presque fétichiste des Américains à l’égard de la possession d’armes à feu. Ce qui est clair, c’est que l’impasse politique sur le resserrement du contrôle des armes à feu favorise le maintien du statu quo.

Ce que je comprends, c’est que tout revient constamment à la question de la sécurité. On répète qu’il faut absolument voir à se protéger contre toute menace qui pourrait survenir. Je m’interroge, sans jamais le leur demander : est-ce qu’ils ont vraiment l’impression de vivre dans une jungle, ou une zone de guerre ?

D’autre part, de retour chez-nous et avant de repartir sur les routes, on nous pose souvent la question si nous avons peur de circuler aux États-Unis… peur de se tromper de chemin et de se retrouver dans une zone moins sécuritaire… peur de se faire agresser…

De façon générale, nous sommes conscients qu’il faut être prudent ; nous reconnaissons que nous nous sommes sentis inconfortables à quelques occasions. Mais, nous n’avons pas eu peur de voyager aux États-Unis. Néanmoins, nous avons constaté que le climat social s’est détérioré depuis quelques années.


Quelques anecdotes…

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Road Trip : The Open Road

Monument commémoratif de Crazy Horse, au Dakota du sud ( photo : Fernan Carrière )
Monument commémoratif Crazy Horse, au Dakota du sud – Juin 2011 ( photo : Fernan Carrière )


Détroit, Michigan – Jeudi, le 7 juillet 2016

Soixantième jour sur la route. Le voyage s’achève… Partis de Santa Fe il y a deux semaines, nous roulons en direction de Montréal… il ne nous reste plus qu’à traverser le sud de l’Ontario, tout au long du ruban de la route 401, de la frontière américano-canadienne, à Détroit, jusqu’à la frontière québécoise… un peu moins de mille km…

C’est notre dernier jour aux États-Unis. Nous retournons, encore une fois, au musée des beaux-arts de Détroit, le Detroit Institute of the Arts. Deux expositions nous y attendent.

Coïncidence heureuse, à la fin d’une longue route : une première exposition de photos sur l’expérience du road trip américain et une deuxième, d’œuvres d’art qui évoquent le Grand Tour de l’Europe que des jeunes gens fortunés accomplissaient aux 18è et 19è siècles. Quoique portant sur des sujets différents, ces deux expositions se complètent.

L’exposition sur le Grand Tour, composée principalement de tableaux et de dessins, documente l’expérience des jeunes gens de la noblesse et de la grande bourgeoisie naissante de l’Europe, qui effectuaient un grand voyage à la fin de leurs études, avant d’amorcer leur carrière comme diplomates, militaires ou marchands.

L’exposition de photos sur le road trip américain se distingue de l’autre, non pas seulement sur les plans géographique ou temporel, mais surtout parce qu’elle témoigne d’une tout autre culture.

Parmi l’ensemble de leurs nombreux récits identitaires, les Américains se sont créé un mythe, celui de la route : une route qui ouvre de grands horizons nimbés de liberté et d’espoir.

Ils ont d’abord tracé des réseaux complexes de routes, toutes sortes de routes, qui leur ont permis de prendre possession du territoire qu’ils occupent aujourd’hui. Puis, ils en ont tissé une mythologie, en leur consacrant des récits, des romans, des chansons, des films, voire un monument … parmi d’autres, le journal de voyage de John Steinbeck, Travels with Charlie, le film Easy Rider de Dennis Hopper et Peter Fonda, de nombreuses chansons, dont On the Road Again de Willie Nelson,  le livre de photo The Americans de Robert Frank, préfacé par Jack Kerouac, dont il faut lire aussi le récit de son voyage avec Frank le long de la côte Atlantique dans le recueil de nouvelles Good Blonde and Others ( Vraie blonde et autres, Gallimard, Folio 3904 ) :

Just took a trip by car to Florida with Photographer Robert Frank, Swiss born, to get my mother and cats and typewriter and big suitcase full of original manuscripts, and we took this trip on a kind of provisional assignment from Life magazine who gave us a couple hundred bucks which paid for the gas and oil and chow both ways. But I was amazed to see how a photographic artist does the bit, of catching those things about the American Road writers write about. It’s pretty amazing to see a guy, while steering at the wheel, suddenly raise his little 300-dollar camera with one hand and snap something that’s on the move in front of him, and through an unwashed windshield at that…

On the Road to Florida, in Good Blonde and Others, Jack Kerouac

Il faut avoir traversé le continent, de long en large, du sud au nord, de l’est vers l’ouest, ou en diagonale comme nous venons de le faire, pour saisir toutes les dimensions de cette mythologie, au delà des images d’Épinal qui la définissent ou l’expriment parfois.

Intitulée The Open Road: Photography and the American Road Trip, l’exposition de photos qui chemine un peu partout dans les États-Unis depuis quelques mois ( en février 2017,  elle fait étape à St. Petersburg, Floride ) témoigne de cet engouement qu’ont les Américains pour « la route ». Ceux qui n’auront pas l’occasion de la voir pourraient consulter le livre de la maison d’édition Aperture, qui a participé à l’organisation de cette exposition, et qui présente plus de photos que celles qui sont exposées.

Les sites Web des musées présentent un résumé de cette exposition. Les amateurs de photographie voudront particulièrement consulter les articles que lui ont consacré de journaux, tels de NY Times ( dans sa section hebdomadaire sur la photographie ) et un quotidien de Tampa Bay. Je me contenterai de signaler quelques œuvres qui ont attiré mon attention.

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Photo : Steven Shore, Trail’s End Restaurant, Kanab, Utah, le 10 août 1973.

Parmi tant d’autres, la photo ci-dessus a retenu mon attention.

Quels qu’ils soient, tous les voyageurs se nourrissent – dans des auberges, des restaurants…  Ce ne sont pas les motifs de décoration sur l’assiette, ni les dessins sur le napperon en papier qui m’ont fasciné en examinant cette photo que Steven Shore a prise de son déjeuner ; c’est plutôt le verre de lait. Aujourd’hui, il est devenu rare d’observer un client, même un enfant, demander un verre de lait dans les restaurants américains. Un verre de lait est même aussi dispendieux, sinon plus qu’un verre de boisson gazeuse.

Les dessins sur le napperon représentent bien la région de la ville de Kanab, située sur la frontière de l’Utah et de l’Arizona, où cette photo a été prise il y a 44 ans : l’histoire de la vocation minière de la région, des relations entre les autochtones et la majorité blanche, évoquent la colonisation du territoire…

D’autres photos avaient aussi saisi mon attention, telle une photo de William Eggleston, prise dans les années 60, d’un adolescent qui pousse des charriots à l’extérieur d’une épicerie. J’avais approximativement le même âge que cet adolescent à l’époque. Je me suis longuement arrêté devant cette photo : qu’est-il devenu ? A-t-il été conscrit pour aller combattre au Vietnam ? Si oui, en est-il revenu vivant, ou éclopé, marqué pour la vie ? … Et si j’étais né Américain plutôt que Québécois …

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Un examen attentif de toutes les photos, associé à la lecture des notes descriptives affichées sur les murs de cette exposition, montre à quel point ces photos nous racontent l’évolution de ce pays, des années cinquante jusqu’à tout récemment : par exemple, les photos de stations service prises par Ed Ruscha, ou celles de Lee Friedlander des monuments publics parsemés dans les places publiques. Comme le souligne l’article du NY Times cité plus haut, l’exposition ne montre pas une vision bucolique des États-Unis. Elle dérange et nous interpelle.

En feuilletant les pages du livre de cette exposition à mon retour de voyage, je me suis interrogé : et si je devais choisir une dizaine de photos de mes trois voyages à travers l’Amérique depuis cinq ans… J’aurais énormément de difficulté à tracer des balises pour guider mon choix parmi les centaines de photos que j’ai prises… à venir.

Flânant dans les hivers de mon enfance…

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Il fait froid depuis quelques jours à Montréal, et les météorologues prévoient que cette vague de froid durera encore deux semaines.

Je ne me plains pas du froid, tout au contraire…

Bien que je vieillisse, j’aime toujours l’hiver…Et c’est en rêvassant que je traverse les parcs de ma ville.

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De vieux souvenirs surgissent souvent lorsque, flânant dans les parcs de la ville, j’entends le claquement sec d’une rondelle de hockey qui va rebondir au loin sur les bandes d’une patinoire. Regarder des plus ou moins jeunes qui jouent au hockey ravivent des sensations de mon enfance… alors que nous nous regroupions entre amis, que nous déneigions la glace si nécessaire, et que nous nous élancions sur la glace au rythme saccadé du crissement des patins… tout en se passant la rondelle les uns les autres, en l’envoyant planer ou en la frappant en direction d’un filet.

Comme la plupart des hommes de mon âge, j’ai appris à jouer au hockey en même temps que j’ai appris à patiner, vers sept ans ; j’ai pratiqué ce sport jusqu’au début de la vingtaine ; je n’étais pas des plus habiles ; je suivais le rythme plutôt que de mener le jeu, et je réussissais souvent à passer la rondelle à ceux qui comptaient les buts.

Il y a une trentaine d’années, j’ai mobilisé d’autres pères pour cerner un terrain vague dans notre voisinage afin de créer une petite patinoire pour les enfants. Nous en avions profité pour organiser, à l’occasion, des parties de hockey en soirée. Des adolescents nous y rejoignaient. Je m’étais rendu compte que j’avais perdu la forme : manque de souffle et faiblesse des genoux… c’est à cette époque que j’ai éprouvé les premières manifestations de l’inéluctable usure du temps.

Aujourd’hui, j’ai de la difficulté à me pencher pour lacer mes souliers… et mes patins.

Je me contente de rêvasser sur le bord de la patinoire…

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croisement

mardi, 24 janvier 2017

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… un temps exécrable hier sur Montréal…

et pourtant, je la souhaitais cette neige…

nos hivers changent… ce ne sont plus les hivers de mon enfance.

la journée a commencé avec une averse de pluie verglaçante, couvrant les rues et les trottoirs d’une couche de glace… j’ai clopiné glissant jusqu’à la station de métro…

puis, au cours de la matinée, la pluie s’est métamorphosée graduellement en neige… le vent s’est mis de la partie…

je prévoyais flâner un peu dans la ville, mais c’était tellement désagréable que j’ai préféré retourner chez-moi, non sans avoir, auparavant, passé au restaurant-café Saint-Viateur Bagel… La soupe du jour, bœuf et orge, était très bonne, et le sandwich-bagel à la viande fumée, excellent, comme on s’y attend dans cet établissement.

un jeune homme s’est installé à la table devant la vitrine… j’avais déposé ma caméra sur la table…

nous avons entamé une conversation sur la photo… le temps d’avaler un sandwich et une soupe, il m’a raconté qu’il voyage, qu’il observe la rue avec son appareil de photo analogique, qu’il trouve que c’est cher la photo en analogique et qu’il songe à passer au numérique…

je lui ai décrit mon cheminement personnel de photographe amateur.. une tranche de vie en quelques mots…

quelques mots au hasard d’un croisement et chacun a repris son chemin…

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