Imprévus…

Un ami auquel j’avais montré une ébauche de notre itinéraire de voyage, était étonné du niveau de préparation sous-jacent à une telle équipée : il était surpris de constater qu’il y avait peu de place pour l’imprévu.

Je lui avais répondu qu’il y a toujours des imprévus en voyage. Que ça ne se passe pas toujours comme on le veut. Une grève générale en France, par exemple, ou en Espagne, bouscule nos plans et nous force à improviser. On devance une arrivée ou on reporte un départ.

Nous avons eu beaucoup d’occasions de gérer les imprévus au cours du présent voyage. Quatre exemples, parmi d’autres : une première fois, il y a deux semaines, afin d’insérer une activité dans notre itinéraire ; une deuxième fois, pour s’adapter à une négligence de ma part ; une troisième fois… un des pneus avant de notre véhicule a cueilli un clou sur la chaussée quelque part à Saint-Louis ; une quatrième fois, lorsque le mauvais temps nous force à remettre d’un jour, la participation à une activité à laquelle je tenais beaucoup.

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Une journée au Fort de Chartres

Le 5 juin 2016

Fort de Chartres 2

Chaque année depuis des décennies, au début du mois de juin, des centaines de gens de tous les âges, de toutes les conditions, de diverses professions, choisissent de retourner vivre dans une époque lointaine. Ils s’habillent en costume d’époque, font la cuisine sur un feu de bois en plein air, dorment sous une tente de toile, quelle que soit la température, chaude et humide, au soleil ou à la pluie, comme au temps de la Nouvelle-France, au pays des Illinois, vers 1750. Ils se rassemblent lors du Rendez-vous au Fort de Chartres, tout près du Mississippi, à une centaine de kilomètres au sud de Saint-Louis.

Au cours de la première moitié du 18è siècle, à l’époque de la Nouvelle-France, le Fort de Chartres a servi de siège du gouvernement de la région qu’on a appelé le pays des Illinois. Cette région a servi de grenier à blé pour la Louisiane jusqu’à la cession du territoire des Français aux Anglais suite au Traité de Paris en 1763.

Les Français ont construit deux forts en bois entre les années 1720 et 1725. Le premier se dégrade suite à des inondations. Le deuxième ne résiste pas plus aux éléments. Ce n’est que trois décennies plus tard qu’on érige un troisième fort, en pierre, près des deux premiers.

Cette année, les Amis du Fort de Chartres ont décidé de commémorer la prise de possession du Fort de Chartres par les Anglais en 1765, selon les modalités prévues en vertu du Traité de Paris de 1763, qui a mis fin à la Guerre de Sept Ans. On a organisé une scène évoquant la cession du fort, le retrait du Régiment des Compagnies franches de la Marine et la prise en charge par Régiment royal des Highlanders, qui eu lieu il y a 250 ans.

Comme chaque année, les Rendez-vous du Fort de Chartres attirent des milliers de visiteurs, en plus des personnes qui s’y rendent pour revivre le passé. Des artisans y font des démonstrations de leur savoir-faire : forge, travail du bois, courtepointes… beaucoup d’armes — couteaux, tomahawks… On y présente aussi des démonstrations de tirs de canons, de mousquets, de tomahawks. Beaucoup de ceux qu’on nomme des « reenactors », des gens qui revivent comme à l’ancien temps, s’étaient installés depuis presque une semaine, avant l’ouverture officielle au grand public du village. Un jeune homme, jeune trentaine, m’a dit qu’il a assisté à cet événement chaque année depuis qu’il a trois ans, en compagnie de son père.

Il n’y a pas qu’à Montréal et à Québec qu’on se souvient du temps de la Nouvelle-France. On le fait aussi, encore aujourd’hui, au pays des Illinois.

J’ai visité le Musée du Fort de Chartres. On y rappelle le souvenir de cette grande épopée que fut la Nouvelle-France : que Jolliet et Marquette sont passés par là il y trois siècles et demi, que De La Salle et Tonty les ont suivis, les coureurs de bois ont essaimé partout dans ces territoires. Ils se sont fait des alliés avec les peuples qui y vivaient avant leur arrivée.

C’est dommage qu’on ne raconte plus ce récit. C’est un récit qui pourrait inspirer tous les jeunes Québécois : leur rappeler que leurs ancêtres ont accompli de grands exploits… qu’ils peuvent être fiers de leur histoire. Je me souviens que ces récits m’ont inspiré lorsque j’étais plus jeune, enfant et adolescent.

La porte du Fort de Chartres, qui a été reconstitué par l'État de l'Illinois, graduellement, depuis un siècle.
La porte du Fort de Chartres, qui a été reconstitué par l’État de l’Illinois, graduellement, depuis un siècle.
Commémoration de la remise du Fort par les Français aux Anglais en 1765, conformément au Traité de Paris de 1763.
Commémoration de la remise du Fort par les Français aux Anglais en 1765, conformément au Traité de Paris de 1763.
Le Rendez-vous de Fort de Chartres a lieu chaque année, la première fin de semaine de juin.
Le Rendez-vous de Fort de Chartres a lieu chaque année, la première fin de semaine de juin.
Démonstration du travail de forge. Cet artisan a appris ces techniques de son grand-père. Il travaille le métal, pour le plaisir, à titre amateur. Ce n'est pas sa profession.
Démonstration du travail de forge. Cet artisan a appris ces techniques de son grand-père. Il travaille le métal, pour le plaisir, à titre amateur. Ce n’est pas sa profession.

Les routes, de Pittsburgh à Saint-Louis…

… en passant par Cincinnati et Louisville, du 16 au 26 mai

Il y a une dizaine de jours, nous avons levé notre campement, quitté Pittsburgh, afin de poursuivre notre route vers l’Ouest. Deux mille kilomètres plus loin, nous sommes rendus aux portes de Saint-Louis.

Les plus futés de mes lecteurs, ceux qui connaissent leur géographie me corrigeront : la distance entre Pittsburgh et Saint-Louis est beaucoup moindre. C’est vrai… de moitié moindre. Une recherche sur Google vous donnera l’heure juste : ce trajet n’est que de 1 000 km environ, en filant sur l’autoroute I-70 ; de plus, il ne faudrait que neuf heures pour le compléter, sans s’offrir de pause, en contournant les grandes villes, et en respectant les limites de vitesse.

C’est que nous avons viraillé beaucoup en Ohio, afin de visiter une demi-douzaine de sites qui témoignent d’une présence plusieurs fois millénaires de l’humain sur les territoires de l’Ohio, de l’Indiana, et de l’Illinois. Cet itinéraire nous a menés à nous arrêter à Cincinnati et à Louisville en chemin — un grand détour.

Les divers récits de nos pérégrinations à travers ce vaste territoire entre les Appalaches et le fleuve Mississippi viendront plus tard. Pour l’instant, je poursuis ma description des routes.

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Toutes sortes de routes…

Le réseau des routes américaines est complexe. J’avoue que je m’y perds souvent, que je parviens difficilement à différencier entre les autoroutes du réseau des Interstate Highways, les autoroutes qu’on nomme les US Routes, ainsi que les State Routes ( routes des divers états de la fédération américaine, pas nécessairement des autoroutes, bien qu’elles soient souvent à quatre voies, avec ou sans séparation, en béton ou en gazon ), les routes de comté, et les routes locales, celles que l’auteur américain William Least-Heat Moon a célébrées dans son Blue Highways ( malheureusement, la référence est en anglais ).

Nous avons circulé sur toutes sortes de routes, surtout en Ohio… même sur les routes les plus secondaires, en terre, dans les replis les plus isolés de ce vieux territoire ( vieux tant sur le plan géologique que géographique ).

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En s’éloignant de Pittsburgh, la transition entre les montagnes des Appalaches et les prairies de l’Ohio m’est apparue plus longue que ce à quoi je m’attendais. On traverse d’abord rapidement une petite encoche géographique de la Virginie occidentale, coïncée entre la Pennsylvanie et l’Ohio. Chemin faisant, l’altimètre nous indique que nous descendons progressivement de quelques centaines de mètres jusqu’en Ohio.

Ohio I-70
L’autoroute I-70, sortie 160, en Ohio

Je ne m’attendais pas non plus de retrouver en Ohio une topographie aussi accidentée. L’exploration de sites témoignant d’une très ancienne occupation du territoire nous a emmenés à parcourir des régions peu fréquentées par les touristes, et encore moins à ce temps-ci de l’année.

Nous avons traversé de nombreuses petites villes, des villages, croisant occasionnellement des tracteurs dont les roues étaient presque aussi grandes que notre véhicule.

À plusieurs reprises, on nous a demandé ce qui nous avait incités à venir nous retrouver là, dans leur restaurant, à la banque, etc.

Les gens sont réservés d’un premier abord. Ils deviennent spontanément accueillants dès que nous leur expliquons ce qui nous attire chez eux et qu’ils saisissent que nous nous intéressons à eux… qu’on visite leur pays, et pas seulement les grandes villes. Beaucoup nous envient ; ils n’ont guère voyagé au-delà leur propre pays, au-delà de leur région ou des villes avoisinantes.

Route - Ohio - US Route 50 Bainbridge
Il faut ralentir, sur la US Route 50, en entrant dans le village de Bainbridge en Ohio
Bouffe - Carl's Townhouse Chillicothe OH Coin Walnut et 2e
Un arrêt pour bouffer : Carl’s Townhouse, au coin des rues Walnut et 2è, à Chillicothe, en Ohio. Une atmosphère sympathique… comme dans l’ancien temps, avant l’apparition des grandes chaînes de restauration. Celui-ci a conservé son allure des années 50 et 60.
Route - Ohio 41 Peebles
La State Road 41 coupe le village de Peebles en deux. L’ancien édifice de la mairie, qu’on contemple en attendant qu’on nous serve dans le restaurant, a connu de meilleurs jours.

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Ohio State Road 23 Sud
Ohio State Road 23, direction sud

Le réseau routier commence à montrer des signes d’usure. Il y a beaucoup de chantiers où on effectue des travaux d’entretien. Certaines des routes transcontinentales, comme la I-70 par endroit, sont dans un état pitoyable.

Route - Ohio Route 350
La Ohio Route 350 entre et sort plus loin, entre deux tumulus érigés il y a plusieurs centaines d’années, bien avant l’arrivée des Européens, à l’intérieur du site d’interprétation historique et archéologique de Fort Ancient.

Après avoir voyagé à travers plus de plus de deux millénaires et demi dans le temps, nous avons fait une halte de trois jours au siècle présent, à Cincinnati… un arrêt au Marché Findlay, deux fois centenaire ; une après-midi à la magnifique gare Union Terminal, un bijou d’architecture Art Déco ; une avant-midi parmi les papillons des Caraïbes qu’on relâche pendant quelques semaines dans une des serres du Conservatoire Krohn. Puis on traverse la rivière Ohio, pour nous diriger vers Louisville, Kentucky.

La région de l’est du Kentucky, entre Cincinnati et Louisville, se situe au pied des Appalaches. On se retrouve en zone montagneuse pendant quelques heures.

La rivière Ohio, et le Kentucky en arrière-plan, vue du promontoire de Forest Park, à Cincinnati
La rivière Ohio, et le Kentucky en arrière-plan, vue du promontoire de Lake Drive dans Eden Park, à Cincinnati
Route - Kentucky I-71
L’autoroute Interstate 71, au Kentucky.

Une halte de deux jours à Louisville — une visite du Frazier Museum of History et du Speed Art Museum, ainsi qu’une croisière en fin de journée, sur un vieux bateau à aube sur la rivière Ohio — avant de reprendre la route vers Saint-Louis.

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Route - Ohio 41

[ On constate une présence discrète, mais tout de même manifeste, de la secte des Amish un peu partout dans l’état de l’Ohio… La signalisation routière nous incite à porter une attention aux calèches dont ils se servent pour se déplacer. On observe aussi les affiches qui indiquent où ils vendent leurs produits. Ils est néanmoins difficile de reconnaître les maisons ou les fermes spécifiquement Amish. ]

Route I-64 Indiana
Sur la Interstate 64, en Indianna

Distractions

L’observation des panneaux publicitaires le long des routes m’a toujours fasciné. Je ne prétends pas en faire une étude formelle et systématique.

Ce qui surprend, c’est la variété des messages, et ce que ceux-ci nous révèlent sur la vie d’une communauté : les messages religieux côtoient ceux qui promeuvent la vente des armes, le recrutement militaire et la valorisation de ceux-ci succèdent à la vente d’assurances de toutes sortes, les messages politiques font concurrence aux annonces de restaurants et d’hébergement hôtelier. La juxtaposition de certains panneaux fait parfois sourire.

Route - Indiana I-64
L’autoroute I-64, en Indianna

Ce qui m’étonne aussi, c’est l’absence de panneaux publicitaires le long des grandes autoroutes du réseau des autoroutes « nationales » dans certaines états, comme le New York ou la Pennsylvanie, alors qu’on les essaime en grappes ailleurs, comme en Indiana et en Illinois. Il me semble néanmoins qu’il y a beaucoup moins de pollution commerciale qu’il y en avait il y a quelques décennies. L’attention des chauffeurs est dorénavant concentrée sur la signalisation routière. Chaque sortie d’une autoroute est préfacée de panneaux indiquant quels restaurants, hôtels ou stations d’essence s’y trouvent.

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Enfin, une halte routière…

Les plus belles haltes routières qui ponctuent les autoroutes ont été construites il y a longtemps, au cours des années 50, 60, 70.

Au Kentucky, quelques kilomètres après avoir traversé la rivière Ohio en provenance de Cincinnati, nous nous sommes arrêtés à une halte routière qui a été construite il y a plus d’un demi-siècle — un bel aménagement paysager accueille le voyageur de façon agréable. Nous y avons préparé un repas froid dans notre autocaravane et nous nous sommes attablés à l’extérieur sur une table de pique-nique, sous les arbres, à l’heure du midi.

Je me souviens d’une autre halte routière semblable, en Caroline du Sud, à la frontière avec la Géorgie, où nous nous étions arrêtés quelques instants, il y a deux ans, pour nous dégourdir un peu, et pour obtenir des renseignements touristiques. Il y avait du personnel qualifié qui accueillaient les visiteurs dans ce kiosque très bien aménagé.

Il y a de moins en moins de kiosques et de haltes routières semblables. Aujourd’hui, dans la plupart des haltes routières, autant dans la halte routière du Kentucky que je viens de vous décrire ou comme dans la belle halte-routière de l’Illinois ( photo ci-bas ) où nous avons fait une courte pause plus tôt cette semaine, ce sont des étalages de dépliants touristiques commerciaux et des machines distributrices de consommations qui attendent les voyageurs dans le vestibule qui mène aux toilettes des hommes et des femmes. Signe des temps : on n’a plus d’argent pour engager des agents de tourisme dans les haltes routières érigées il y a un demi-siècle.

Route I-64 Illinois - Rest Station
Halte routière – Autoroute I-64, en Illinois, à l’approche de Saint-Louis.

Au point de confluence de l’Alleghany et de la Monongahela

Imaginez, il y a un peu plus de deux cents cinquante ans, ce que pouvait représenter la traversée de la chaîne des montagnes des Alleghanies ( voir la photo : pas de routes, des sentiers tout au plus, des forêts denses couvrant tout le territoire ). Les colons britanniques de la Virginie, qui étaient en train devenir des Américains, se sentaient à l’étroit dans l’étroite bande de terre, entre l’Océan et la chaîne de montagnes des Appalaches, dont les Alleghanies font partie. Ils ne voulaient pas uniquement commercer avec les habitants des territoires au-delà des Alleghanies. Ils voulaient aussi s’y installer.

Les Français, et ceux qui s’identifiaient déjà comme Canadiens, les avaient précédés. Mais ces Canadiens venaient pour pratiquer la traite des fourrures, non pas pour s’y installer, sinon que pour créer des liens commerciaux avec ceux qui étaient déjà établis sur le territoire de l’Ohio. La géographie avaient favorisé les Canadiens : le fleuve Saint-Laurent donnait directement accès à tout le centre du continent nord-américain.

Les Français avaient commencé à créer des alliances avec les peuples qui habitaient ces territoires ; la Grande Paix de Montréal ( 1701 )  avaient facilité la création de ces liens. Toutefois, il était très difficile, avec les ressources à leur disposition, d’affermir ces alliances et ces réseaux. Les Français avaient établi des forts pour protéger leurs intérêts, sur tout le territoire entre les Appalaches et le Mississipi : le Fort Pontchartrain à Détroit, le Fort Saint-Joseph un peu plus loin vers l’Ouest, le Fort de Chartres sur les berges du Mississipi, et le Fort Duquesne, à la confluence des rivières Alleghany et Monongahela.

Que de beaux noms. Je me souviens de mes cours d’histoire à l’école primaire, puis à l’école secondaire. Prononcer ces noms, Alleghany, Monongahela, attisait des songeries chez le jeune garçon que j’étais. Des rêves d’aventure… l’exploration de grands espaces, posséder d’immenses forêts en compagnie d’une bande de guerriers indiens. Devenu adulte, j’ai retrouvé cet imaginaire dans les bandes dessinées de Hugo Pratt, entre autres — feuilleter Fort Wheeling, par exemple. Trêve de distraction dans les replis de la nostalgie. Je reviens à mon récit.

La tension montait sur la frontière. L’étincelle a éclaté dans la région du Fort Duquesne.

Le Fort Duquesne n’existe plus aujourd’hui : il faut aller à la confluence des rivières Alleghany et Monongahela pour réveiller les fantômes qui ont habité ce lieu il y a deux siècles et demi

Par là
Derrière moi, la rivière Monongahela rencontre la rivière Alleghany, devant moi.

Au sud, une falaise surplombe la Monongahela ; au nord, l’Alleghany descend des montagnes du même nom. Deux rivières d’un fort courant d’eau, qui s’unissent pour former celle que les Français ont nommé la Belle Rivière, la rivière Ohio. Aujourd’hui, des ponts surplombent ces rivières, une autoroute surgit d’un tunnel percé dans la falaise pour venir s’entremêler dans un nœud d’autoroutes, qui déversent quotidiennement leur flot de véhicules sur ce qui est devenu le centre-ville de Pittsburgh — Downtown Pittsburgh, une forêt de verre et d’acier qui s’élance vers le ciel.

Downtown Pittsburgh
Downtown Pittsburgh, un samedi matin

C’est là, au Fort Pitt Museum, qu’on raconte le récit d’une période marquante de l’histoire de tout le continent. C’est un récit qui se déroule en deux phases : les premiers épisodes de la Guerre de Sept-Ans dans un premier temps, ce que les Américains appellent la French and Indian War et, subséquemment, la Révolution américaine qui s’enclencha peu après la première.

Tout commence au cours de la première moitié des années 1750. Les Français et les Britanniques rivalisent pour s’assurer du contrôle du territoire de la vallée de l’Ohio. Pour les Français, il ne s’agissait que du contrôle du commerce des fourrures. Les Virginiens, ceux qui deviendront bientôt des Américains exerçaient des pressions sur les autorités britanniques pour intervenir sur le plan militaire. Ceux qui exerceraient le contrôle de la confluence des rivières Alleghany et Monongahela dominerait le territoire que traverse la rivière Ohio.

Pittsburgh - Point of Conflict
Plaque installé au point de confluence des rivières qui forment l’Ohio, expliquant l’importance stratégique de ce lieu en 1753.

C’est sur ce site qu’après en avoir délogé les Virginiens, les Français ont construit le Fort Duquesne. Les Anglais tentèrent, à deux reprises, d’y chasser les Français. La première tentative fut un désastre. Il fallait défricher une route à travers une forêt montagneuse pour transporter les troupes et le matériel nécessaire pour assiéger le Fort Duquesne. Au moment d’arriver au Fort Duquesne, un petit groupe de Français et d’Indiens leurs tendirent une embuscade. George Washington, qui n’était encore qu’un lieutenant, faisait partie de cette première expédition ; il faillit y perdre la vie.

Les Anglais apprirent leurs leçons ; la deuxième tentative fut fructueuse. Le commandant français, mis au courant des forces qui venaient l’assiéger, décida de battre en retraite. Il n’avait pas les ressources pour résister. Il mit le feu au fort et quitta les lieux.

Pour les Indiens, ces escarmouches entre les Français et les Anglais à la frontière de l’Ohio ne furent que la continuation d’un long processus de dépossession de leurs territoires, qui était déjà amorcé au cours du siècle précédent et qui se prolongea pendant tout le siècle suivant… C’est dans cette région que les grandes lignes de force de ce processus prirent forme : la haine, le racisme, les promesses brisées et les traités que les Américains ne respectèrent jamais, les nettoyages ethniques et les déplacements forcés de populations, l’établissement du système des réserves sur des territoires considérés comme improductifs. Il y eut de nombreuses tentatives de résistance, de révoltes indiennes : Pontiac, Tecumseh, sur le territoire de l’Ohio, dès la formation de la république américaine à la fin du 18è siècle. Celles de Sitting Bull et Crazy Horse un siècle plus tard au Dakota, et de Geronimo au Sud.

Le Musée du Fort Pitt est en partie recouvert par des autoroutes, à la pointe de confluence entre les rivières Alleghany et Monongahela.
Le Musée du Fort Pitt est en partie recouvert par des autoroutes, à la pointe de confluence entre les rivières Alleghany et Monongahela, au centre-ville de Pittsburgh.

Le visiteur qui entre au Musée du Fort Pitt et qui se promène au premier étage uniquement pourrait être déçu : l’histoire qu’on lui présente est partielle, biaisée, voire raciste, tant à l’égard des Français que des Indiens qui habitaient le territoire avant leur contact avec les Européens.

C’est que ce premier étage a été créé il y a plusieurs décennies et qu’on n’a pas jugé opportun de rectifier ce qu’on y présente. Cette exposition est très représentative des mentalités et des perceptions de l’époque. On justifie cette décision de ne pas investir pour renouveler cette exposition en expliquant que toute la zone où est située le musée est sujette aux inondations et que cela ne vaut pas la peine d’y consacrer les sommes nécessaires.

C’est au deuxième étage qu’on expose un récit complet et détaillé de ce qui est arrivé à Pittsburgh entre 1753 et 1758 et des conséquences à long terme de ces événements.

Une présentation équilibrée qui donne la parole aux diverses parties en cause, à toutes les étapes des conflits qui marquèrent le point de confluence de l'Ohio au 18è siècle.
Une présentation équilibrée qui donne la parole aux diverses parties en cause, à toutes les étapes des conflits qui marquèrent le point de confluence de l’Ohio au 18è siècle.

On le fait d’une façon équilibrée, en présentant les points de vue de chacune des parties, sur chacun des enjeux, à chaque étape : comment les peuples amérindiens ont été pris en tenaille entre deux puissances coloniales, les Français et les Anglais d’abord, puis entre les Anglais et les Américains par la suite¸ comment ils ont perçu leurs intérêts et comment ils ont tenté de manœuvrer dans cette joute où ils étaient perdus d’avance. Moins d’un siècle après la formation des États-Unis, on avait vidé tout le territoire de l’Ohio, des Appalaches jusqu’au Mississippi, de toute présence indienne organisée.

Je constate que le peuple américain a commencé à ajuster ses perceptions quant à leurs relations avec les premiers peuples qui habitaient le territoire avant l’arrivée des Européens. Ils réalignent leurs récits historiques officiels, dans les musées, les parcs nationaux, sur les plaques commémoratives, afin de les conformer un peu mieux à ce qui s’est passé réellement il y a quelques générations.

J’ai été agréablement surpris de ma visite. Après tout, ce n’est pas uniquement leur histoire qu’on y raconte. C’est aussi la mienne.

Une visite au Musée Champollion des écritures du monde

Transcriptions d’extraits de mon journal personnel sur l’écriture

Le 18 octobre 2010

Il y a un mois, j’ai eu le bonheur de visiter le Musée Champollion des écritures du monde à Figeac ( Lot, France ).

Malheureusement, je n’ai pas pris de notes sur cette visite le jour même ou au cours des jours qui ont suivi. Je dois recourir à mes souvenirs… Heureusement toutefois, j’ai pris quelques photographies à titre d’aide-mémoire dans certains cas.

J’ai été ravi de cette visite… impressionné par la qualité des expositions et de leur présentation des pièces qu’on peut y admirer.

D’entrée de jeu, dans la première salle d’exposition, on situe le visiteur : nous nous trouvons dans la maison natale de Champollion. On y évoque la vie et l’œuvre de ce savant qui a réussi à déchiffrer les hiéroglyphes, à les faire parler à nouveau après un silence de plusieurs siècles et qui, ce faisant, a créé et permis le développement de l’Égyptologie. Presque tout ce qu’on connaît de cette ancienne civilisation découle des lectures des écritures égyptiennes, qui ont dirigé et guidé les archéologues et les chercheurs depuis deux siècles.

Première d’une longue série de surprises, et l’une des plus émouvantes de cette journée : deux pages d’un des cahiers de notes de Champollion sur son étude comparative des écritures gravées dans la Pierre de Rosette. J’ai été ému en contemplant le manuscrit original, écrit de la main propre de Champollion.

Cahier de notes de recherches de Champollion

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Sarasota – Siesta Key

Du 4 au 11 avril 2014 – Première journée

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Tôt le matin, la classe de yoga, sur la plage de Siesta Key

Il n’y a tout au plus qu’une heure de route entre le camping du Fort de Soto et celui où nous avons l’intention de déposer nos pénates pour la semaine à venir.

Nous arrivons à Sarasota trop tôt pour nous y installer. Nous en profitons pour explorer un peu le voisinage du camping, l’ile de Siesta Key. Nous nous promenons dans le secteur commercial de l’ile, Siesta Key Village : nous passons au bureau de tourisme du comté… nous prenons le temps d’acheter quelques cartes postales, des timbres, et de les poster… nous choisissons un endroit agréable pour diner et pour y feuilleter la masse de documentation ramassée au bureau de tourisme… À défaut d’une sieste, je saisis l’occasion pour aller chez le barbier.

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Un pèlerinage littéraire, sur les traces de Montaigne

Place des Quinconces
Michel de Montaigne, Place des Quinconces à Bordeaux

Si Michel de Montaigne avait vécu à notre époque, il aurait été carnetier — blogueur, si vous préférez ce terme. Certains soutiennent que Montaigne est le précurseur de tous les carnetiers, celui qui a, en quelque sorte, inventé le genre.

Mais il y a une différence, non pas essentielle, mais une différence de taille tout de même, entre les Essais de Montaigne et la grande majorité des carnets numériques d’aujourd’hui. Un volume impressionnant d’eau coulait dans la Garonne devant Bordeaux, entre le moment où Montaigne rédigeait ses essais et le moment où le manuscrit se métamorphosait en imprimé pour se retrouver entre les mains de ses lecteurs. De plus, aujourd’hui, les lecteurs de carnets numériques peuvent répondre directement, presque instantanément, afin de commenter ces « essais », les « j’aimer » et les « twitter », les partager avec leurs propres amis.

Montaigne évoluait dans un espace-temps très différent du nôtre. En raison même du contexte qui définissait la relation entre un écrivain et son lecteur à la fin du XVIe siècle, Montaigne n’aurait jamais songé à écrire en fonction du moment présent. En comparaison, la grande majorité des carnetiers d’aujourd’hui ont le nez collé sur l’actualité. Nous courrons tous, lecteurs compris, cadencés aux rythmes multiples de l’ubiquité des cadrans qui nous tiennent en laisse — une montre analogique ou numérique au bras, un téléphone qu’on qualifie d’intelligent dans une poche ou un sac, un micro-ordinateur sur notre table de travail, sans compter les cadrans intégrés dans un grand nombre de nos appareils domestiques, de la cafetière à l’automobile et la caméra, ainsi que dans tous les interstices des espaces publics. Nous n’échappons pas à cette tyrannie obsessive du temps.

Montaigne se tenait au courant de ce qui se passait dans le  monde de son temps. Il s’intéressait aux récits des grands voyageurs européens qui s’éparpillaient sur toute la surface de la terre à son époque. C’était un homme, curieux, tolérant, ouvert et fin d’esprit, avide de connaître les us et coutumes des peuples, ceux qu’on découvrait au présent tout autant que ceux du passé. Il réservait son jugement et condamnait rarement.

S’il était carnetier aujourd’hui, Montaigne devrait lire l’actualité, qui file encore plus vite que l’eau du fleuve vers la mer, et y réagir quasi instantanément. Rien ne l’empêcherait de lire ses auteurs préférés, Sénèque, Tacite, Plutarque, ou les auteurs de son temps, mais il lui faudrait les relier aux événements du présent. Son carnet perdrait toutefois ce caractère intemporel qui nous rejoint, encore aujourd’hui, quatre siècles plus tard.

pour suivre la lecture de ce billet

À travers le Nebraska

La 183 N
La US 183 N

Jour 20, 18 juin 2011 – Sur la route, du Nebraska vers le Dakota

I was going to stay on the three million miles of bent and narrow rural American two-lane, the roads to Podunk and Toonerville. Into the sticks, the boondocks, the burgs, backwaters, jerkwaters, the wide-spots-in-the-road, the don’t-blink-or-you’ll-miss-it towns. Into those places where you says, « My God! What if you lived here! » The Middle of Nowhere.

William Least-Heat Moon, Blue Highways, Back Bay Books, édition de 1999, page 6

Nous reprenons la route. Nous nous déplaçons vers le nord, pour poursuivre notre voyage vers l’ouest…

Exceptionnellement, nous avons passé une journée entière à rouler… paradoxalement, quoique le paysage soit vert, il semble quasiment désertique… et tout de même envoûtant : une longue route à deux voies, 265 miles, soit un peu plus de 400 kilomètres, de Kearney jusqu’à Chamberlain, au Dakota du Sud.

Nous sommes chanceux : nous roulons sous un ciel bleu pâle, immense. Une journée propice à la contemplation et à la réflexion.

Chemin faisant, nous découvrons une région dont nous ne soupçonnions pas la beauté ; une région qui cache bien ses richesses. Pourtant, que peut-on y cacher ?

Ce ne sont pas les Prairies canadiennes, une étendue plate, couverte de blé jusqu’à l’horizon. En traversant le Nebraska, de la rivière Platte jusqu’au Dakota, on observe beaucoup de dunes couvertes d’herbes sauvages, peu d’arbres, peu d’humains même, une demie-douzaine de villages de moins de 1 000 habitants, quelques troupeaux de vaches ici et là.

En réalité, ce n’est qu’au retour, après avoir effectué des recherches supplémentaires, que je me suis rendu compte de l’intérêt de cette région que nous avons traversée le 18 juin 2011.

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Iowa – Le potager de l’Amérique

Des Moines et Madison County

Les 11 et 12 juin

Nous poursuivons notre cheminement sur la I-80 vers l’Ouest. Le paysage change dès qu’on s’éloigne des villes en périphérie de Chicago. Les petites fermes et les petits boisés du Michigan deviennent peu à peu un souvenir.

La plaine du Mid-West américain n’est pas un terrain plat; c’est plutôt une plaine vallonnée, très agréable à l’œil. À la limite ouest de l’Illinois, on enjambe le Mississippi qui a déjà l’allure d’un grand fleuve. On pénètre en Iowa, le potager de l’Amérique. C’est une région agricole avant tout, mais on y trouve aussi une activité industrielle, principalement liée à l’agro-alimentaire.

Il a beaucoup plu et le temps a été frais tout au long des mois de mai et juin partout en Amérique du Nord. Les champs n’absorbent plus l’eau des orages qui se succèdent de façon un peu déprimante.

Les distances sont longues. Nous passons la journée sur la route. Nous arrivons en fin d’après-midi à Des Moines. Le soleil fait une apparition dès que nous arrivons au terrain de camping. Les francophones d’Amérique tout autant que ceux d’Europe et d’Afrique ne reconnaîtront pas la façon dont les Américains prononcent le nom de la capitale de l’Iowa : Des Moines. Il est d’ailleurs difficile de le transcrire avec fidélité.


Samedi matin…

Nous sommes partis depuis plus d’une semaine. Il est temps d’aller faire notre marché pour remplir le garde-manger et le réfrigérateur : œufs, fromages, pain, fruits et légumes… Nous nous rendons donc au « Farmers’ Market », le marché des fermiers au cœur historique de la ville de Des Moines… une véritable fête qui attire plus de 15 000 personnes à chaque semaine. Il est difficile de trouver du stationnement.

La foule est dense. Le soleil suscite la bonne humeur, autant chez les producteurs que chez les clients. L’ambiance est festive. On jase avec les producteurs, on goûte, on se laisse tenter. Nous avons trouvé du bon « bacon » aromatisé aux bois de pommier, « un » bon fromage (un peu dispendieux toutefois), du pain artisanal, un miel délicieux. Et on découvre que les Québécois n’ont rien à envier aux gens de la place. Nous ne nous attendions pas à trouver les produits auxquels nous sommes habitués au Québec. Mais nous avons été surpris du peu de variété et de la qualité moyenne de la production locale en Iowa.

L’apiculteur prend le temps de jaser avec une cliente venue de loin

Dans un article qui a été publié il y a plus d’une centaine d’années sur l’art de voyager (reproduit dans L’Art de l’oisiveté), Hermann Hesse déplorait la mauvaise habitude de ses compatriotes de vouloir retrouver à l’étranger ce qu’ils ont pourtant laissé chez eux : exiger, par exemple, une bière ou de la saucisse à leur goût, en Sicile.

Toutefois, tout en demeurant ouvert d’esprit et en adoptant une attitude de curiosité, il est bien naturel de comparer. C’est à se demander comment, dans une nation qui se vante de la diversité de ses origines, composée de gens dont les ancêtres sont venus de toutes les régions du monde, on a pu oublier comment préparer la nourriture. On y affirme que le modèle du marché qui y domine est le plus efficace : où l’intérêt égoïste de l’un s’équilibre à celui de l’autre, pour offrir ce qu’il y a de mieux, au bénéfice des clients. Il faut bien constaté que le modèle est imparfait, puisque, aux États-Unis, il impose une uniformisation des goûts, un nivellement de la qualité par le bas, la facilité.


Samedi après-midi

Nous avons poursuivi notre exploration de l’univers rural de l’Iowa en visitant le site thématique du « Living History Farms ». Nous y avons passé un moment des plus instructifs et agréables.

Le site est situé au cœur de la région urbaine de Des Moines. Pourtant, dès qu’on franchit l’entrée au centre d’accueil, on a l’impression de se retrouver non seulement en campagne, mais aussi dans un autre siècle.

Après avoir passer du magasin général à l’apothicaire, et de la boutique de la modéliste à l’atelier d’imprimerie, parmi d’autres dans l’aire de la reconstitution d’un village rural typique de la fin du 19e siècle (1875), on se dirige vers l’univers des trois fermes de trois époques différentes : une ferme du 17e siècle, du peuple des Ioway, qui ont commercé avec les Français avec les coureurs de bois de la Nouvelle France jusqu’à l’arrivée des Américains à la fin du 18; une deuxième ferme, des années 1850 des premiers colons américains, et une troisième, un demi-siècle plus tard, des descendants de ces colons.

Reconstitution : la rue principale du Village de Walnut Hill, vers 1875

Ce qui nous a le plus impressionné de cette visite, c’est le souci pédagogique qui anime cette entreprise. Tout ce qu’on y montre est le résultat de recherches historiques sérieuses et bien documentées.

Plusieurs conversations avec les guides-animateurs (docent), qui nous expliquent la vie quotidienne des gens il y a quelques siècles, nous ont révélé qu’ils et elles sont des diplômés de sciences humaines, surtout en histoire. Ils sont employés à plein temps, toute l’année, et non pas seulement pendant la saison touristique.

Au cours de l’année scolaire, ils vont dans les écoles de la région, animent des conversations entre des jeunes et des personnes âgées, afin de stimuler le partage des expériences et de rendre vivante cette transmission des connaissances sur le passé.

Le bureau de poste était situé dans le magasin général. On y trouvait de tout et on y venait non seulement pour acheter ce qu’il fallait, mais aussi pour y jaser, prendre des nouvelles. C’est notre point de départ dans le village et les environs

Les ponts de Madison County

Dimanche matin…

Le temps était incertain lorsque nous avons entrepris une activité typique du dimanche : laisser couler le temps, lentement, faire une randonnée en automobile pour visiter les ponts de Madison County.

Madison County, le dimanche, c’est tranquille. Comme dans le film de Clint Eastwood, qui le mettait en vedette avec Meryl Streep.

Les ponts couverts de Madison County ont été bien conservés. Et ils attirent beaucoup de visiteurs, ce qui suscite une activité économique qu’on apprécie dans la région. Nous ne sommes pas les seuls à les avoir visités ce jour-là.

Il faut bien avouer que ces ponts conservent un cachet bien romantique. Mais ce n’est pas leur seule valeur et la Chambre de commerce locale du chef-lieu du comté le sait bien. Ils ont acquis, grâce à la popularité inattendue du film, une valeur commerciale. On n’aura pas avantage à les abandonner, à les laisser dépérir.

Il n’y a pas beaucoup d’activité à Winterset le dimanche matin, même au début de la saison touristique. Un service religieux… à deux pas de la maison natale de John Wayne. Puisque Winterset, le chef-lieu du comté, est aussi le village natal de John Wayne. Celui-ci attire tout autant les visiteurs que les ponts d’ailleurs. Mais ce n’est pas la même clientèle.

Il est intéressant d’observer le contraste entre les deux modèles d’homme que représentent John Wayne et Clint Eastwood : deux générations différentes, mais encore plus, deux systèmes de valeurs. L’agent en service au bureau d’information touristique de Winterset nous a confié qu’il pouvait d’ailleurs reconnaître, avant même qu’ils s’identifient, les touristes intéressés à l’un plutôt qu’à l’autre, entre John Wayne d’une part et les « fans » de Clint Eastwood.

Ceux qui ont vu le film se souviendront d’une scène dans un restaurant où le personnage de Clint Eastwood se lève sans terminer son café pour protester contre l’esprit mesquin des gens de la place. Nous y avons pris notre repas du midi. Une dame d’un âge respectable a dit à ma conjointe : « You’re so young… For you, it’s Clint Eastwood… John Wayne is more my type of man. »

Le film « The Bridges of Madison County » est basé sur un roman, qui raconte une histoire dont certains soutiennent qu’elle est vraie. C’est d’ailleurs presque un reportage autant qu’un roman. Le personnage que joue Clint Eastwood dans le roman aurait existé. Le personnage de la femme, Francesca, que joue Meryl Streep, aurait aussi existé. C’est un tableau bien fidèle de l’Amérique de l’époque des années 60 …

Finalement, le soleil a parfois percé les nuages au cours de la journée. Parfois, il est tombé quelques goûtes, sans nous importuner toutefois. Nous nous attendions à une randonnée bien ordinaire. Une journée pour faire de la photo… Ce fut aussi une journée très instructive.

 

Starved Rock State Park

Jour 11 : 9 juin 2011

Les grands explorateurs français de la Nouvelle-France

Les premiers Européens qui ont exploré tout le territoire que nous traversons depuis une dizaine de jours ont été des Français : des explorateurs, des aventuriers, des coureurs de bois. Ces derniers ont commercé avec les autochtones et certains ont établi des racines. Ils y ont pris femme et fait des enfants, leur laissant leurs noms.

Au sud de l’Illinois, ils ont établi des fermes, des villages et des forts plus permanents. On trouve aussi leurs traces partout, jusqu’aux Rocheuses : noms de lacs et rivières, de villes et de villages, de rues… Des Moines, Eau Claire, Belle Plaine, Belle Fourche, Cœur d’Alène.

La mémoire est une faculté sélective. La mémoire des peuples choisit de cultiver certains souvenirs plus que d’autres; elle évolue aussi avec le temps. Les gens de cette grande  région du Middle-West que nous explorons à notre tour, au début du 21è siècle, savent que l’origine de beaucoup de ces noms est française. Ils n’en savent guère plus cependant. Les Américains sont en général assez discrets sur le rôle qu’ont joué les Français dans la région. Lire la suite …

Le Greenfield Village, Dearborn Michigan

Jour 4 — 2 juin 2011

Visite du Greenwich Village, à Dearborn, Michigan

Lorsque nous nous sommes inscrits au camping Detroit Greenfield RV Park en banlieue de Détroit, j’ai demandé aux deux personnes à l’accueil si la visite du complexe Henry Ford en valait la peine. Elles ont esquissé un grand sourire, celui des personnes qui connaissent un secret qu’elles veulent bien partager. Elles m’ont assuré que oui, mais qu’il nous faudrait prévoir d’y passer beaucoup plus qu’une journée pour tout voir.

Visiter le Greenfield Village, c’est faire un voyage dans le temps. On retourne à l’époque où Thomas Edison et Henry Ford inventaient respectivement l’ampoule électrique et l’automobile, tandis que les frères Wright devenaient les premiers à s’envoler dans le ciel et que Noah Webster rédigeait un nouveau dictionnaire de la langue américaine.

C’était une période magique pour une nation encore jeune, qui venait de sortir de l’épreuve traumatisante d’une guerre civile, qui croyait dans sa destinée; c’était une société qui se voulait ouverte et accueillante, qui s’épanouissait : tout était possible… un modèle pour le reste de l’humanité. On croyait à l’Amérique, à ses espaces immenses, ses richesses, son potentiel…

Il y a, bien entendu, deux côtés à toute médaille. C’est probablement une tout autre histoire, un tout autre point de vue que les descendants des premiers habitants du continent nous raconteront de cette même époque lorsque nous traverserons les grandes plaines dans quelques semaines.

Noah Webster est présenté comme étant le maître d’école de la nation. Est-ce qu’on respecte autant aujourd’hui les maîtres et maîtresses d’école de la nation comme le faisaient les générations qui nous ont précédés?

***

Henry Ford est devenu très riche en inventant le processus continu de fabrication des automobiles. Au cours des années 20, il décide de financer non seulement la construction d’un musée, mais aussi la reconstitution d’un village typique des États Unis de la fin du 19e siècle. Il fait démonter et reconstituer le laboratoire de son ami Thomas Edison, ainsi que d’autres édifices typiques de cette époque : le magasin général, les ateliers de mécanique générale, une ferme, etc. Le complexe Henry Ford est une institution d’éducation populaire; toute personne curieuse de mieux connaître une version de l’histoire et de la société américaine d’il y a une centaine d’années y apprendra bien des choses.

C’est étonnant de constater à quel point on prend pour acquis plusieurs de ces inventions, comme celle de lumière électrique, qui ont été élaborées, expérimentées et mises en œuvre à grande échelle à cette époque.
Reconstitution de la centrale électrique expérimentale de Thomas Edison. Il fallait générer beaucoup de pouvoir pour illuminer une ville artificiellement la nuit.
Un arrêt à la Eagle Tarvern, pour le lunch…
Un plat traditionnel délicieux, une bière excellente, une expérience agréable…
Le temps d’un digestif, avant de retourner flâner dans le village…
L’intérieur de la rotonde du dépôt ferroviaire adjacente à la gare de triage
Un tour autour du village

Il est intéressant de se promener ainsi, pendant toute une journée, et de jaser avec les « guides ». C’est là qu’on découvre un autre visage de l’Amérique : celui de l’Amérique d’aujourd’hui. L’observateur qui écoute et observe attentivement pourrait soupçonner qu’il y a des fissures sous la façade. De tous petits détails sont révélateurs.

Un grand nombre de ces « guides/présentateurs » sont des personnes assez âgées. C’est bien et c’est là un grand avantage d’avoir des personnes qui ont connu une autre époque pour parler aux plus jeunes en connaissance de cause de certains aspects de la société d’il y a un siècle. Par contre, certains commentaires de ces guides, glissés au sein d’une conversation nous suggèrent un autre portrait de l’ambiance qui règne au sein de l’Amérique d’aujourd’hui.

Certains apprécient d’avoir un emploi à temps partiel, pour une partie de l’année : « Cela me tient occupé », de dire un tel. Celui-là connaît très bien l’édifice où il « travaille », ainsi que la fonction qui y est attachée. Il a plaisir à expliquer comment fonctionnait tel appareil, quelle était son importance. L’autre, dans la bâtisse d’à côté, est mal à l’aise lorsque nous lui demandons des questions trop précises. Tel autre déplore le fait que les guides ont un horaire et qu’ils ne sont pas assignés à une tâche particulière; ils doivent apprendre plusieurs routines. La rotation les importune. Un dernier se sent obligé de justifier son comportement devant un superviseur.

Passant devant la pension de Sarah Jordan

Lorsque nous exprimons l’avis, d’un ton léger, que ce doit être un plaisir de conduire une vieille voiture Ford d’époque, le guide répond poliment, sans le dire expressément, que « c’est un emploi, pas très bien rémunéré ». Combien de ces gens, dont certains étaient des professionnels à une époque récente, travaillent plus par obligation que par intérêt? On devine que la crise économique se profile en arrière-plan.

On est loin de l’atmosphère qui régnait dans ce même pays il y a cent ans.

Quelques mots à la sauvette…

Marseillan-Plage, Languedoc

Le 4 octobre 2010

Que le temps passe vite. On en perd la notion du temps.

Nous voyageons depuis quatre semaines. Il ne nous reste plus qu’une dizaine de jours avant notre retour au Québec.

Je m’excuse de mon manque de constance. J’ai cessé d’afficher des notes de voyage sur ce carnet électronique parce que cela me prenait trop de temps. Le temps de télécharger les photos sur l’ordinateur dans leur état brut, de les traiter par la suite, de les télécharger sur Internet, et de les afficher ici. Puis de rédiger un texte, un texte que je trouvais trop superficiel, qui ne rendait pas justice à ce que nous ressentons en faisant ce voyage.

Il y a tellement de choses à raconter…

Par exemple, ce vieux monsieur de 90 ans rencontré sur un quai à Bordeaux, qui nous a parlé de ce que Bordeaux avait l’air il y a un demi-siècle et plus. On pouvait imaginer, en regardant ses yeux pendant qu’il nous décrivait ces lieux où il a vécu et travaillé toute sa vie, à quoi pouvait ressembler le port de Bordeaux, et ces demeures somptueuses de la grande bourgeoisie des négociants vinicoles qui a régné si longtemps sur la ville.

Sur les traces de nos lointains ancêtres, à l’entrée du Musée national de la préhistoire

Aussi cette visite très émouvante et inspirante au Musée national de la préhistoire à Les-Eysies-de-Tayac : dire que l’humain, nos ancêtres à tous, habite le territoire que nous visitons depuis 40 000 ans et plus.

Sous un abri de pierre à Les-Eysies-de-Tayac,
à l’extérieur du Musée national de la préhistoire

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